EDUCATION

Café des parents : la ministre à l’écoute

HD-384---cafe-parents-3Chaque mois, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, rencontre une dizaine de parents d’élèves lors d’un « Café des parents ». Un rendez-vous informel censé montrer sa volonté de rapprocher école et parents.

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Ala tête du ministère de l’Education, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, depuis le 26 août dernier, Najat Vallaud-Belkacem a souhaité que le rapprochement entre les parents et l’école soit un des axes principaux de sa politique. Le Café des Parents, mis en place dès la rentrée, s’inscrit dans cette logique puisqu’il s’agit d’une rencontre entre la ministre, la Dgesco (Directrice générale de l’Enseignement scolaire, « numéro 2 » du ministère) Florence Robine et une dizaine de parents d’élèves de primaire ou de collège. Ces rencontres sont censées être des moments privilégiés et informels pendant lesquels les parents peuvent faire part de leur ressenti directement à la ministre. D’une durée d’une heure et demie environ, ces « cafés » se tiendront, a promis Mme Vallaud-Belkacem, une fois par mois tout au long de son mandat, au ministère ou au sein même d’établissements scolaires.

Le premier s’est déroulé au ministère, le 16 septembre dernier. Autour d’un café – logiquement – et de quelques viennoiseries, onze parents ont pris place dans une salle du ministère de l’Education, aux côtés de la ministre. « On avait une complète liberté de parole, souligne Nabila Fertas, maman d’élèves de l’école primaire de Gennevilliers, qui avait été appelée à participer après avoir interpellé la ministre lors d’un déplacement. Chaque parent a évoqué les problèmes qu’il y avait au sein de son collège ou de son école. » La ministre, pendant ce temps, réagissait ou prenait des notes. « Elle était à l’aise, très à l’écoute, comme si elle faisait partie de nous » précise Nabila Fertas. Cette dernière a profité de cette rencontre pour indiquer à la ministre que, l’an dernier, sa fille était restée un mois chez elle car son enseignant n’avait pas été remplacé. Une situation que beaucoup de parents d’élèves ne connaissent que trop bien…

Le deuxième Café des Parents avait pour thème la démocratie scolaire. D’autres parents – choisis pour certains en collaboration avec les fédérations de parents d’élèves – ont ainsi pu faire partager la manière dont ils participaient à la vie de l’établissement. « Chacun expliquait ce qui se mettait en place dans son école, et tout le monde est reparti avec des idées ! », s’est félicité Yves Guéchi, papa de trois enfants à Saint-Rémy (71), présent lors de ce deuxième Café. Le troisième rendez-vous de ce type s’est lui tenu dans le Gers, dans un collège que visitait la ministre, avec des parents d’élèves de l’établissement.

 

HD-384---cafe-parents-1« On écoute la voix des parents »

L’échange entre les parents pendant ces rencontres peut s’avérer précieux pour les parents eux-mêmes, qui découvrent des expériences et des actions d’autres parents. En revanche, des doutes subsistent quant au réel objectif de ces Cafés : vont-ils engendrer des résultats concrets ou sont-ils seulement une opération de communication ? « L’initiative est très bonne mais il faut qu’il y ait une solution aux problèmes que l’on a rapportés. On attend des retours », souligne Nabila Fertas. Dans l’entourage de la ministre, on explique que ces rendez-vous sont une manière pour elle de « prendre le pouls » sans le filtre de ses conseillers et de son cabinet. Le but ne serait donc pas que la ministre prenne des décisions mais qu’elle s’inspire de ce qu’elle peut y entendre, qu’elle s’en nourrisse. « Dans tous les cas, ces Cafés ont le mérite de montrer à l’ensemble du personnel éducatif qu’au plus haut niveau, on écoute la voix des parents et qu’elle a de l’importance. Cela met les parents sur le devant de la scène », affirme Yves Guéchi. « On a l’impression que les parents servent à quelque chose », surenchérit Agnès Kirtz, maman de trois enfants à Noyon (64), présente au deuxième Café des Parents.

Ces Cafés apparaissent pour le moment comme le symbole de la volonté ministérielle de faire mieux et davantage cohabiter l’école et les parents d’élèves. Actuellement, en effet, la place des parents d’élèves à l’école pose question. Nombre d’entre eux ont souvent le sentiment d’être écartés de l’école, de ne pas être invités à participer à la vie de l’établissement et à l’éducation scolaire de leurs enfants. Ces familles peuvent ressentir un sentiment d’infériorité et se percevoir comme peu légitimes à participer. « Il en résulte souvent une absence de communication, l’école n’explique pas ce qu’elle fait, et plus encore ne voit pas pourquoi elle devrait le faire, explique le Conseil national pour l’Innovation et la Réussite éducation (CNIRE) (1). Les enseignants craignent de voir leur statut et leur légitimité pédagogique remis en cause et inversement, pour les parents, l’école peut apparaître comme un monde opaque et peu compréhensible. » « On entend des enseignants dire qu’ils craignent les parents, confirme Nabila Fertas. Et dans le même temps, on voit des parents qui n’osent pas passer la barrière, qui ont peur. » Une des preuves de ce constat est la faible participation lors des élections des représentants de parents d’élèves (autour de 45 % ces dernières années dans le primaire, 25 % dans le secondaire).

 

HD-384---cafe-parents-2Rapprocher les parents de l’école

« Les échanges se passeraient mieux si chacun apprenait à connaître l’autre » assure ainsi Nabila Fertas. « On s’est rendus compte, explique Najat Vallaud-Belkacem, que dans tous les cas où les écoles ou collèges sont ouverts aux parents, où les équipes éducatives les reçoivent, les accueillent, sont dans le dialogue avec eux, ce sont des établissements où les choses se passent bien, où les enseignants sont respectés, où les parents ont eux aussi l’impression d’être considérés et où les enfants réussissent. »

Un constat qui a poussé la ministre à axer sa politique sur un rapprochement entre école et parents, et, plus largement, à favoriser la « co-éducation ». La « co-éducation », selon le CNIRE, « ne signifie pas une confusion des rôles, mais la prise de conscience réciproque et la mise en pratique de la nécessaire complémentarité de l’action de chacun, enseignants et parents, écoles et familles, tant sur le plan strict des apprentissages scolaires que du point de vue plus général de l’éducation de la personne. » Ce principe est d’ailleurs inscrit dans la loi d’orientation du 8 juillet 2013 où il est précisé que l’école « se construit avec la participation des parents, (…) s’enrichit et se conforte par le dialogue et la coopération entre tous les acteurs de la communauté éducative. » « Si l’on parle de co-éducation, si l’on a envie de reconnaître une place aux parents à l’école, il faut aussi commencer par les accueillir ici, au ministère », explique la ministre pour justifier la mise en place des Cafés des Parents.

Outre ces rencontres, la volonté d’améliorer la co-éducation peut également être perçue dans les propositions émises autour du décrochage scolaire et de l’égalité filles-garçons, qui donnent une place aux parents d’élèves. Au début du quinquennat, George Pau-Langevin, alors ministre déléguée à la réussite éducative, avait également décidé d’expérimenter le libre choix des familles sur l’orientation en fin de collège – un dispositif actuellement testé dans cent-dix-sept collèges (lire à ce sujet notre article « Orientation »).

Le CNIRE souligne par ailleurs d’autres axes sur lesquels il serait nécessaire de se pencher. Ainsi, il conseille d’améliorer la place des parents dans les conseils de classe et conseils d’administration pour les associer davantage à la gestion de l’établissement, ainsi que d’inscrire les relations parents-enseignants « dans la vie de l’institution », en aménageant par exemple des temps de service permettant ces rencontres. Car, comme conclut Hela Daassi, participante au premier Café des Parents : « La collaboration entre parents et enseignants est très importante, et va dans l’intérêt de l’enfant ».

 

Note

(1)- Dans son rapport remis au ministère le 10 novembre 2014.

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A SAVOIR

Comment s’inscrire à un « Café » ?

Il n’y a pas de règle fixe pour participer aux Cafés des Parents. Comme le démontrent les précédentes rencontres, les parents peuvent être appelés après avoir rencontré la ministre lors d’un déplacement ou en profitant de sa venue dans un établissement. Toutefois, un site a été créé spécifiquement : www.cafedesparents.education.gouv.fr. Les parents peuvent cliquer sur « Participer à un Café des Parents » et, en signalant leur coordonnées et leurs centres d’intérêts en matière éducative, avoir une chance d’être appelé pour un prochain Café des Parents.

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La mallette des parents

Petit à petit, l’Education nationale intègre des dispositifs spécifiques aux parents d’élèves, tels que « la mallette des parents », dont l’objectif vise à améliorer le dialogue entre l’école et les parents d’élèves. Ce dispositif existe en classe de CP dans les écoles de l’éducation prioritaire depuis 2012. Il est présent également dans des classes de 6e : depuis 2008 dans les collèges de l’académie de Créteil et depuis 2010 dans 1300 établissements (en majorité des collèges « Eclair »), soit un quart des collèges publics. Le principe consiste principalement en des ateliers-débats entre enseignants et parents portant sur les apprentissages et le fonctionnement des établissements.

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TEMOIGNAGE

Hela Daassi, maman de deux enfants scolarisés à l’école primaire Diderot de Gennevilliers

« Cela fait plaisir que les parents soient reçus, écoutés »

« Avec une autre maman, nous avons sollicité la ministre lors de sa venue à Gennevilliers, et elle nous a alors dit qu’elle nous accueillerait. Une semaine plus tard, on a reçu une convocation pour venir au premier Café des Parents. Tout s’est très bien passé, dans un cadre convivial. C’était vraiment un moment formidable. Cela fait plaisir que les parents soient reçus, écoutés. C’est une bonne initiative. On a pu discuter des problèmes à l’école (comme les non-remplacements des maîtres) et échanger avec d’autres parents. Chacun parlait des projets des parents dans leur école, et on a eu des idées et découvert des expériences que l’on n’aurait jamais pu connaître sans ce Café des parents.

La ministre était à notre écoute, investie à 100 %. Je m’attendais à ce qu’on ait droit à une sorte de QCM mais pas du tout : elle nous a laissé parlé, même entre nous. Elle écoutait, elle était très modeste. Elle n’a pas fait d’engagements concrets, mais on n’était pas non plus venus pour qu’elle nous fasse des promesses.

En tout cas, je conseille aux parents de s’inscrire à ces Cafés, pour faire partager leurs expériences car la mienne ne sera pas forcément celle d’un autre parent. Et, plus généralement, il faut que les parents s’investissent dans l’école. Je pense que si les parents sont derrière leurs enfants, l’équipe pédagogique fait plus attention. »

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