Une bonne information pour une orientation réussie
La scolarité est un long parcours. Et si les premières étapes sont communes à tous les élèves, à la fin du collège, le premier grand palier d’orientation se présente. Voie générale ou technologique ? Voie professionnelle vers un bac pro en 3 ans ou un CAP en deux ans ? Des choix déterminants à faire en toute connaissance de cause. Et c’est parfois là où le bât blesse. Car si l’institution scolaire a bien prévu un parcours d’information sur l’orientation pour tous les élèves, il ne répond que partiellement aux attentes des jeunes et de leurs parents. Si les goûts et les aptitudes de chaque élève sont des critères essentiels, il convient également de multiplier les sources d’information sur les études (sélectivité des formations, passerelles possibles, taux de réussite aux examens…) et les métiers (accès, débouchés, évolution professionnelle…) pour faire des choix d’orientation les plus éclairés possibles.
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Quels sont les grands paliers d’orientation ?
Depuis bientôt 40 ans, en 1975 précisément, les élèves qui entrent au collège suivent le même parcours de formation : 6e, 5e, 4e et 3e, c’est ce que l’on appelle le collège unique. Il existe quelques exceptions, en particulier pour les élèves qui souhaitent s’orienter vers l’enseignement agricole dès la 4e ou encore pour les élèves âgés de plus 15 ans ayant un projet de formation en apprentissage ; ces derniers peuvent intégrer un Dima, dispositif d’initiation aux métiers d’alternance.
La classe de 3e est le premier grand palier d’orientation. A ce stade, l’élève et sa famille doivent choisir entre deux grandes voies : la voie générale et technologique ou la voie professionnelle (bac pro ou CAP). Pour les élèves orientés vers une seconde générale et technologique, classe de détermination, un nouveau choix s’annonce, car à l’issue de cette année, les élèves doivent s’orienter soit vers les séries générales (littéraire, scientifique ou économique et sociale), soit vers la voie technologique, dans laquelle huit séries sont proposées :
– sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D)
– sciences et technologies du design et des arts appliqués (STD2A)
– sciences et technologies du management et de la gestion (STMG)
– sciences et technologies de laboratoire (STL)
– sciences et technologies de la santé et du social (ST2S)
– techniques de la musique et de la danse (TMD)
– hôtellerie
– sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (STAV).
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Comment se passe l’orientation de votre enfant d’une année scolaire à l’autre ?
Au second trimestre, vers le mois de février, la famille indique sur une fiche navette la voie de formation souhaitée pour son enfant. Le conseil de classe émet un premier avis. Au début du dernier trimestre, cette fiche navette revient dans la famille qui doit alors faire part de son choix définitif. A la fin de chaque cycle, au collège (6e, 4e et 3e) et au lycée (seconde), c’est le conseil de classe qui maîtrise la direction que prendra le cursus de l’élève. Les familles ont toutefois leur mot à dire et peuvent contester les décisions qui ne correspondent pas à leurs souhaits (voir l’encadré « contester une décision d’orientation »).
Notons que sur l’année 2013-2014, une expérimentation a été menée dans 117 collèges volontaires (12 académies concernées) : le « dernier mot » fut laissé aux parents sur l’orientation de leur enfant en fin de 3e. Le dispositif est reconduit pour la classe de 4e pour cette année scolaire 2014-2015. Aucune généralisation n’est prévue pour le moment, l’évaluation de cette expérimentation n’ayant pas encore été réalisée.
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Quelle information sur l’orientation pour les élèves dans leurs établissements scolaires ?
En classe de 3e, chaque collégien peut bénéficier d’un entretien personnalisé d’orientation. Les objectifs : fixer les étapes à venir, déterminer les progrès nécessaires et les démarches utiles pour préparer la décision d’orientation. Un entretien qui réunit l’élève, ses parents, le professeur principal et éventuellement un conseiller d’orientation psychologue (COPsy).
Avec ce dernier, il peut être intéressant d’affiner un premier projet de formation, en fonction des aptitudes et des envies de l’élève, même si celles-ci peuvent sembler irréalistes de prime abord. « Un élève est avant tout un ensemble de potentialités qui vont se réaliser ou non, en fonction des occasions, explique Florent Liberge, conseiller d’orientation-psychologue au CIO de Charleville-Mézières. Notre travail est d’accompagner l’élève et sa famille dans leurs choix d’orientation, non pas à travers un chemin unique mais plutôt par le biais d’une multitude d’itinéraires adaptés à la situation ». Et le COPsy de donner un exemple : « Prenons le cas d’un-e lycéen-ne qui veut devenir astronaute. Statistiquement la probabilité qu’il-elle y parvienne est extrêmement faible mais rien ne nous permet de dire pour autant que nous n’avons pas en face de nous la personne de sa génération qui va y arriver. En l’accompagnant dans sa démarche, dans le meilleur des cas nous lui avons modestement permis de concrétiser son projet, dans les autres cas nous l’avons accompagné(e) dans la qualification de haut niveau et en restant dans des domaines qui l’intéressent. »
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Les réorientations au lycée sont-elles plus faciles aujourd’hui ?
Pour faciliter les réorientations et permettre le « droit à l’erreur », la réforme du lycée a prévu que les enseignements communs en classe de première soient portés à environ 60 % de l’emploi du temps des élèves. Le lycéen qui souhaite changer de série (ou qui désire passer dans la voie professionnelle ou inversement) en cours ou en fin de première doit suivre un stage passerelle, qui permet d’acquérir « les connaissances nécessaires dans les matières d’une série » que l’élève souhaite rejoindre.
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Quelle orientation après le bac ?
Le choix des études à suivre après le bac se prépare bien à l’avance. Dès la classe de première, les élèves peuvent anticiper ce choix grâce au dispositif de l’orientation active. Cet accompagnement se concrétise par un entretien personnalisé avec le professeur principal en première, au cours duquel l’élève reçoit une information sur l’ensemble de l’offre de formation. Ensuite, après une pré-inscription (sans engagement) dans une ou plusieurs universités par le biais du site admission-postbac.fr, l’élève recevra un avis personnalisé (avec taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations) des universités auprès desquelles il aura formulé ses vœux d’orientation. Notez qu’il s’agit bien là de conseils, et non d’une procédure d’admission.
Pour plus d’information sur les études possibles dans l’enseignement supérieur, reportez-vous à notre dossier spécial « Enseignement supérieur » paru dans le numéro 383 de La Voix des Parents.
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Comment les jeunes et leurs familles peuvent-ils se préparer aux choix d’orientation ?
Si une large information est aujourd’hui disponible en ligne (monorientationenligne.fr, onisep.fr…), un détour dans l’un des 600 centres d’information et d’orientation peut s’avérer fort utile. Outre que vous et votre enfant pourrez y trouver une mine d’informations sur les enseignements et les professions, vous serez en mesure aussi de vous entretenir avec un conseiller d’orientation psychologue.
Enfin, le Salon de l’éducation, qui se tient tous les ans, en novembre, à Paris, les forums et journées portes ouvertes dans les établissements scolaires sont autant d’occasions d’aller à la rencontre des professionnels afin de s’informer, mais aussi de découvrir des horizons parfois insoupçonnés pour bâtir son projet personnel de formation.
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ZOOM
Mon orientation en ligne
Proposé par l’Onisep, le dispositif « Mon orientation en ligne » permet aux jeunes et à leurs parents de s’informer sur l’orientation, les métiers et les filières, auprès de conseillers d’orientation-psychologues et de professionnels de l’orientation. Par téléphone, un conseiller vous répond au 01 7777 12 25, du lundi au vendredi. Par internet, rendez-vous sur monorientationenligne.fr, où vous pouvez poser des questions par mail ou directement par tchat (conversation en direct).
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L’orientation pour tous
Prévu par la loi sur la refondation de l’école du 8 juillet 2013, un nouveau service public de l’orientation a été mis en place. Son objectif : que tous, élèves ou adultes déjà dans la vie active, puissent accéder à un service gratuit d’information sur les formations, les métiers et l’insertion professionnelle, et être conseillés et accompagnés dans leurs choix d’orientation et de formation. Notons que toutes ces informations sont régionalisées, c’est-à-dire qu’il existe pour chaque région un service téléphonique dédié, un portail spécifique sur les formations proposées dans la région, etc.
Ce service public est accessible sur le site www.orientation-pour-tous.fr et par téléphone au 0811 70 39 39.
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A SAVOIR
Comment contester une décision d’orientation
Au troisième trimestre, le conseil de classe propose le passage dans la classe supérieure, le redoublement ou la réorientation de l’enfant vers une autre voie d’enseignement. Si ces propositions s’accordent avec les vœux de la famille, celles-ci deviennent décisions. En cas de désaccord, les parents sont reçus pas le chef d’établissement. Après cet entretien, le chef d’établissement est tenu d’adresser aux parents un courrier afin de les informer de sa décision, qui doit être motivée par « des éléments objectifs en termes de connaissance, capacité et intérêt de l’élève ». Trois options s’offrent à lui : répondre positivement au souhait initial de la famille, confirmer la décision du conseil de classe ou formuler une autre proposition.
Dans le cas où la famille n’est toujours pas satisfaite, il reste une dernière procédure : l’appel. Après réception du courrier du chef d’établissement, la famille dispose de trois jours ouvrables pour faire appel. Le dossier de l’élève est alors examiné par une commission d’appel, présidée par l’inspecteur d’académie et réunissant des chefs d’établissement, des enseignants, des parents d’élèves et des personnels d’éducation et d’orientation. Les parents, ou l’élève majeur, peuvent y être entendus.
La décision rendue à l’issue de la commission d’appel est définitive et s’applique dans tous les cas : inutile d’envisager un changement d’établissement pour la contourner. Dernière possibilité : demander le maintien de l’enfant dans sa classe pour une année supplémentaire, c’est-à-dire le redoublement. Une requête qui ne peut être refusée.
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INTERVIEW
Florent Liberge, conseiller d’orientation-psychologue au CIO de Charleville-Mézières, en charge d’un lycée d’enseignement général et technologique et d’un lycée professionnel
« Faire émerger les points qui vont permettre à l’élève de s’approprier son orientation »
Aujourd’hui, les élèves et leurs parents bénéficient grâce à internet d’une immense quantité d’informations sur les études et les métiers. Que pouvez-vous leur apporter de plus ?
Je répondrai en trois grands points. Premièrement, notre travail ne se résume pas à l’entretien conseil à caractère purement informatif mais notamment à l’accompagnement global des élèves et de leur famille, en individuel mais également en groupe, dans toutes les dimensions de l’orientation.
Deuxième point, les élèves et les parents bénéficient c’est vrai aujourd’hui d’une quantité d’information sur les métiers et les études à travers différents médias. Toute la difficulté pour eux est de trier l’information, car sur internet comme sur d’autres médias, l’information proposée n’est pas forcément exacte. Toute une partie de notre métier concerne ainsi l’éducation à l’orientation, c’est-à-dire la capacité à accéder à l’information, la traiter et l’analyser et cela tout au long de la vie. De la même manière, l’information visible n’est pas toujours la plus pertinente, ce ne sont pas toujours, par exemple, les écoles les plus reconnues qui communiquent le plus. Notre rôle en tant que conseiller-ère d’orientation psychologue (COPsy) est de rendre l’information plus neutre afin que l’élève et sa famille puissent prendre la meilleure décision en étant au fait des avantages et des inconvénients des différentes voies d’orientation. A ce titre, et à notre échelle, nous participons ainsi à la lutte contre les inégalités sociales, de territoire et à l’égalité des chances des filles et des garçons.
Et troisième point ?
Contrairement à d’autres professionnels intervenants sur le champ de l’orientation, nous sommes des psychologues. Notre rôle n’est pas tellement d’être une base de donnée sur l’ensemble des métiers et des études (ce que fait très bien le site de l’Onisep par exemple) mais de se situer plutôt dans l’accompagnement des élèves. Tout le travail du COPsy, suite à une première demande, est de faire émerger durant l’entretien les points qui vont permettre à l’élève de s’approprier son orientation.
Quels conseils donneriez-vous aux parents pour qu’ils aident au mieux leur enfant dans ses choix d’orientation ?
Accompagner et dialoguer ! Tout au long de l’année, de nombreuses actions sont mises en place par les différents acteurs de l’orientation. Ce sont des espaces qui peuvent être investis par les parents. En premier lieu, ils ont la possibilité de se rapprocher des Centres d’information et d’orientation (CIO), qui sont un service public gratuit ouvert à tous.
Outre le fait de rencontrer un COPsy, ce qui est également possible dans les collèges et les lycées publics, de nombreux CIO proposent des actions autour des temps fort de l’orientation. Ainsi, le CIO de Charleville organise notamment des rencontres avec les enseignants des CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles, NDLR), avec le service du Crous (organisme qui gère la vie étudiante, NDLR), des cafés parents…
D’autre part, les établissements de formation participent à des forums, organisent des portes ouvertes et proposent des journées d’immersion qui sont autant d’occasion de parfaire son orientation. Enfin le site de l’Onisep est une ressource indispensable et fiable sur les métiers et les formations.
Et le dialogue ?
Pour que le choix d’orientation soit bien vécu de part et d’autre, le dialogue entre les parents et les enfants est essentiel. L’orientation est finalement un processus d’autonomisation, ce qui peut être source d’incompréhension entre des parents et un-e adolescent-e. Une partie de notre travail est ainsi d’être parfois un médiateur entre l’élève et sa famille afin de faire comprendre par chacune des parties le point de vue de l’autre.
La situation socio-économique s’est beaucoup dégradée ces dernières années. Dans vos entretiens, avec les élèves et les parents, sentez-vous une inquiétude particulière quant à l’avenir des jeunes ? Et selon vous cela a-t-il une influence sur les choix d’orientation ?
Durant mes entretiens, lorsque la question du contexte économique se pose, elle vient essentiellement des parents. Pour la plupart des élèves que je rencontre la perspective de l’insertion professionnelle est assez lointaine.
En revanche, notre rôle est aussi d’aborder cette question pour accompagner les élèves vers la qualification la plus élevée possible, qui reste malgré tout, le gage d’une meilleure insertion.