Violences, autorité à l’école : de nouvelles mesures
Sous-titré « Plan ministériel pour la sécurité des élèves, des personnels et des établissements scolaires », le « Bouclier autour de l’école » présenté le 4 avril par la ministre de l’Education nationale, Nicole Belloubet, rassemble l’ensemble « des mesures prises pour renforcer partout le niveau de vigilance, de protection et de riposte face aux menaces ». Des menaces aux multiples visages, qu’il s’agisse de harcèlement et de violences entre élèves, mais aussi à l’encontre d’enseignants et de responsables d’établissement, comme du danger terroriste – depuis le 24 mars, le plan Vigipirate a d’ailleurs été relevé au niveau « urgence attentat ».
Quelques jours après l’annonce de ce plan, le Premier ministre, Gabriel Attal, a dévoilé toute une batterie de mesures pour lutter contre la violence des mineurs, avec un volet concernant l’école. Des mesures préventives mais aussi répressives, avec pour ligne directrice le renforcement de l’autorité : « Lorsqu’on gêne les cours, lorsqu’on défie l’autorité, lorsqu’on dégrade, qu’on menace, voire que l’on agresse, cela ne doit jamais rester sans conséquence », a assuré Gabriel Attal, avec un objectif clairement affiché : « Je veux une école du civisme ».
Enseignants et responsables d’établissements menacés, agressés, collégiens, harcelés, passés à tabac par des « camarades »… Depuis quelques mois, les phénomènes de violence mêlant des élèves mineurs font régulièrement la une – dramatique – de l’actualité. Au-delà de la mise en lumière de ces faits de violence dans les médias, des données chiffrées officielles traduisent la réalité de cette tendance alarmante.
Indicateurs au rouge
Il y a quelques semaines, en février, le ministère de l’Education a publié une note d’information sur « les signalements d’incidents graves dans les écoles publiques et les collèges et lycées publics en 2022-2023 ». En comparaison avec les chiffres de l’année précédente, plusieurs indicateurs montrent une recrudescence des actes de violence. Ainsi, alors qu’on répertoriait un « taux moyen d’incidents graves pour 1 000 élèves » en primaire de 3 en 2021-2022, celui s’est élevé à 4,6 en 2022-23 ! Même constat dans le second degré : les incidents graves pour 1 000 élèves sont passés de 12,3 à 13,7 – avec une hausse qui se concentre principalement sur les collèges.
Autre donnée inquiétante, au collège et au lycée, alors que l’on relevait 4 % « d’incidents graves à caractère raciste, antisémite ou homophobe sur l’ensemble des incidents graves signalés », ce chiffre a doublé en 2023, pour s’établir à 8 %.
Responsabilisation des parents
Face à la montée de toutes ces violences, le Gouvernement, par la voix de son Premier ministre, a sonné la « contre-attaque», avec une série de mesures pour consolider les valeurs républicaines, dès l’école primaire, et renforcer l’autorité à l’école. Et les élèves ne sont pas les seuls concernés, plus globalement, les parents seront également responsabilisés, avec de possibles sanctions, notamment pour ceux qui sont jugés « démissionnaires », à la parentalité « défaillante ».
Pour l’école, Gabriel Attal envisage un contrat de droits et obligations à faire signer aux parents dès la rentrée prochaine. Il s’agirait d’un « contrat d’engagement à respecter l’autorité et les valeurs de la République entre les parents, les établissements et les élèves ». Le non-respect de ce contrat pourrait conduire à des sanctions… Nous reviendrons bien entendu sur cette mesure dont les contours précis doivent être dévoilés aux alentours de mi-juin.
Des points retirés aux examens
« Je veux une école du civisme », « j’appelle à un vrai sursaut d’autorité », a martelé le Premier ministre dans son discours d’annonces du 18 avril. Parmi celles-ci, il est envisagé qu’en cas de perturbation grave dans son établissement scolaire, l’élève pourrait se voir retirés des points au brevet, au CAP ou au bac, avec également une mention qui pourrait figurer dans son dossier Parcoursup. Gabriel Attal l’a répété : « lorsqu’on gêne les cours, lorsqu’on défie l’autorité, lorsqu’on dégrade, qu’on menace, voire que l’on agresse, cela ne doit jamais rester sans conséquence ». Pour effacer ces possibles sanctions, les élèves perturbateurs devront participer à des « activités d’intérêt général »… et, bien entendu, ne plus se mettre en faute par leur comportement face aux règles et à l’autorité.
Autre mesure prévue, comme c’est le rôle des conseils de discipline dans le second degré, sur ce modèle, des commissions éducatives pourraient être mises en place dans les écoles primaires pour sanctionner les élèves ayant commis un incident.
Collèges ouverts
Enfin, dans la lignée des annonces du président de la République en matière éducative, en juin 2023, lors d’un déplacement à Marseille, le Premier ministre Gabriel Attal a émis le souhait que les collégiens soient « scolarisés tous les jours de la semaine, entre 8 h 00 et 18 h 00, à commencer par les quartiers prioritaires et les réseaux d’éducation prioritaire ». Une mesure qui, pour l’heure, n’aurait pas de caractère obligatoire… et dont les tenants restent encore à définir, en particulier les activités (aide aux devoirs, activités culturelles, sportives…) qui seraient proposées à ces collégiens.
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ZOOM
Depuis plusieurs années maintenant, l’institution scolaire s’attaque à la violence que constitue le harcèlement scolaire. Depuis la rentrée 2023, un plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école est mis en œuvre ; un plan décliné en 3 volets : prévention, détection, solutions. Parmi les récentes mesures concrètes, rappelons que le harcèlement scolaire est devenu un délit pénal (loi du 2 mars 2022), et qu’il est désormais possible de faire changer d’établissement scolaire les élèves harceleurs dans les cas les plus graves (décret du 16 août 2023).
Mieux contrôler les outils numériques, possibles vecteurs de menaces
Fin mars, les espaces numériques de travail, ENT, qui servent de lien entre élèves, enseignants et parents, ont été suspendus après les menaces d’attentat contre les collèges et les lycées. Des faits qui conduisent à une vigilance accrue quant à la sécurisation des accès numériques. D’ici la rentrée scolaire 2024, le ministère va renforcer la sécurité de l’authentification pour accéder aux ENT, avec la mise en place d’une double authentification (mécanismes de sécurisation complémentaires).
Actuellement, avant la réouverture prochaine de ces services numériques, tous les parents sont invités à réinitialiser les mots de passe d’accès à leur compte.
Par ailleurs, toujours concernant les potentielles problématiques de violences liées au numérique – cyberharcèlement notamment –, comme l’a demandé en début d’année le président de la République, des mesures doivent être prochainement annoncées pour mieux réguler les réseaux sociaux et l’accès aux écrans pour les jeunes.
« Déployer un bouclier autour de l’école »
« Qu’il s’agisse de prévenir toute agression physique ou verbale, de lutter contre le harcèlement ou de faire respecter les lois et valeurs de la République, au premier rang desquelles figure le principe de laïcité, nous devons d’abord une protection totale à chacun de nos élèves ». C’est par ces mots d’introduction, que Nicole Belloubet, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, a rappelé les enjeux qui ont guidé son plan « Déployer un bouclier autour de l’école ».
Un plan en trois grandes parties :
- assurer la sécurité de tous les élèves ;
- protéger les personnels ;
- sécuriser les écoles et les établissements scolaires.
Concernant la sécurité des élèves, en matière de prévention, des coordinateurs « harcèlement » seront présents dans tous les établissements scolaires via le dispositif pHARe.
En matière de civisme, l’enseignement moral et civique sera renforcé avec de nouveaux programmes disponibles à rentrée 2024.
Pour lutter contre toutes les formes de racisme, d’antisémitisme et de discrimination, au cours de sa scolarité, chaque élève devra obligatoirement effectuer une visite d’un lieu de mémoire.
Dans ce plan global, il est rappelé plusieurs mesures qui sont récemment entrées en vigueur, entre autres :
- Concernant la lutte contre le harcèlement, la mise en place d’un numéro unique contre le harcèlement et le cyberharcèlement : le 3018 ; le questionnaire soumis à tous les élèves dès le CE2 « pour un recueil systématique de la parole ».
- En matière de sanction, l’engagement de la procédure disciplinaire est automatique dans les cas suivants :
- lorsque l’élève est l’auteur de violence verbale à l’égard d’un membre du personnel de l’établissement ;
- lorsque l’élève commet un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un élève ;
- lorsque l’élève commet un acte portant une atteinte grave aux principes de la République, notamment au principe de laïcité.
- L’interdiction du port des abayas et des qamis, rappelant « les devoirs de neutralité de l’École à l’égard de tous les élèves, quelles que soient leurs convictions, et de protection des élèves contre toutes formes de pression physique, symbolique ou psychique » (instruction du 31 août 2023).
PPMS, mode d’emploi
Chaque école, collège et lycée dispose d’un plan particulier de mise en sûreté (PPMS). Il s’agit d’un document opérationnel qui a pour objectif d’assurer la sécurité des personnes présentes dans l’école ou l’établissement dès lors que survient un événement majeur et en attendant l’arrivée des secours. Les PPMS organisent la réponse face aux risques majeurs (naturels ou industriels) ou aux menaces (intrusion, attentats ou toute forme d’attaque, violences au sein ou aux abords de l’école ou de l’établissement). Un PPMS comprend la description de l’école ou de l’établissement, son organisation interne et les conduites à tenir. Chaque année, les école et établissements scolaires réalisent au moins deux exercices PPMS, distincts des exercices d’évacuation incendie, l’un sur le volet risques majeurs et le second sur le volet menaces.
Sécurité : nouveaux dispositifs à la rentrée
À compter de la rentrée scolaire 2024, un service de défense et de sécurité académique (SDSA), rassemblant l’ensemble des missions académiques liées à la sécurisation de l’espace scolaire, sera créé dans chaque académie. Des actions concrètes sont attendues, notamment en ce qui concerne les équipements jugés nécessaires pour sécuriser certains établissements scolaires (grilles, agents d’accueil, systèmes d’alarme…). Mi-avril, le Premier ministre a indiqué qu’en plus des 150 établissements scolaires déjà identifiés pour une protection renforcée, « 350 établissements supplémentaires les plus sensibles ont été identifiés pour une protection amplifiée ».
Par ailleurs, en plus des équipes mobiles de sécurité (EMS) déjà présentes dans chaque académie – elles interviennent en renfort des équipes éducatives pour assurer protection et sécurité des personnes et des biens –, une équipe mobile de sécurité nationale (EMS-N) sera mise en place à la rentrée. Selon la circulaire du 3 avril qui porte sa création, il s’agira d’une « réserve de 20 agents expérimentés qui pourra être projetée sur tout le territoire en moins de 48 h en cas de crise aiguë autour d’une école ou d’un établissement ».
Un guide et un numéro d’urgence pour les personnels
Dans le prolongement du plan « Déployer un bouclier autour de l’école », présenté début avril par la ministre de l’Education, un guide sur la sécurité et la protection des personnes à l’école sera mis à disposition des personnels de l’Education nationale concernés. Ce guide rappelle « les dispositifs juridiques protégeant les agents, les modes de sécurisation des enceintes scolaires et contient des fiches décrivant des actions très concrètes et des modèles de documents visant à assurer la protection de chacun et à saisir les autorités judiciaires ».
Par ailleurs, une ligne d’écoute et de soutien psychologique est mise en place pour tous les personnels de l’Education nationale : le 0 805 500 005, numéro d’urgence national pour s’entretenir avec un psychologue 7 jours sur 7, 24 h/24.