Ecrans : questions d’usages

«Reprendre le contrôle des écrans ! » Un slogan aujourd’hui de plus en plus entendu ; un appel à la vigilance et à la modération, qui émane d’un nombre grandissant de professionnels du monde de la santé et de l’éducation, et qui est même aujourd’hui repris jusqu’au sommet de l’Etat !

Reprendre le contrôle des écrans, pour les parents, c’est mieux contrôler le temps passé par leurs enfants devant les écrans numériques, qui ne cesse de croître, au détriment d’autres activités, mais c’est également pouvoir exercer un minimum de contrôle sur les contenus qu’ils consultent, ou tout du moins être en capacité de les responsabiliser dans leurs usages des écrans – et être ainsi « en mesure de profiter des bienfaits du numérique », comme nous l’explique dans ce dossier Axelle Desaint, directrice d’Internet Sans Crainte.

C’est tout l’enjeu de ce que l’on appelle aujourd’hui la parentalité numérique. De nombreux organismes et associations œuvrent en ce sens, apportant informations et conseils pour aider les parent à accompagner leurs enfants dans ce monde numérique dans lequel ils grandissent, pour prévenir les dangers liés à la surexposition aux écrans et à l’hyperconnexion.

A chaque parent sa méthode ! Face à la surexposition de leurs enfants aux écrans dont ils sont les témoins, chaque parent a sa propre approche : (ré)agir avec fermeté, en mettant en place des interdictions, être dans le donnant-donnant, en instaurant certaines règles d’usage, laisser faire, une forme de démission face à un combat que beaucoup d’entre eux estiment perdu d’avance.

Comme souvent, dans les questions d’éducation et de parentalité, tout est une question de mesure, avec toujours néanmoins en toile de fond la nécessaire communication entre parents et enfants. Néanmoins, dans le cas bien spécifique de l’utilisation des écrans par nos enfants, smartphone en tête, chaque parent sait bien combien il est compliqué de faire entendre raison à son enfant tant ce dernier va entrer progressivement avec ces outils numériques dans une relation d’addiction… Une situation d’autant plus complexe à gérer quand, en matière d’addiction aux écrans, certains parents sont loin d’être des exemples (lire en encadré).

Mesures d’encadrement

La question du temps passé devant les écrans pose des problématiques aujourd’hui démontrées en termes de santé, de relations sociales, de développement cognitif (problèmes concernant le développement du langage et la capacité de concentration en particulier). Pour limiter l’usage des écrans, des mesures ont déjà été prises. Ainsi, par exemple, depuis la rentrée 2018, la loi interdit l’usage du téléphone portable et tout autre terminal de communications électroniques (tablette, montre connectée…) dans l’enceinte des écoles et des collèges – une interdiction valable aussi durant les activités scolaires en dehors de l’établissement.

Citons également la prochaine obligation pour tous les fabricants d’appareils connectés – à commencer par les smartphones – d’installer un outil de contrôle parental. Une mesure, effective à partir de juillet 2024, qui doit permettre de protéger les mineurs de contenus « susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral ».

Autre mesure importante : la loi du 7 juillet 2023 a créé une obligation pour les réseaux sociaux de vérifier l’âge des utilisateurs et d’obtenir l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale pour les moins de 15 ans. Mais, pour l’heure, pas d’application de cette loi. La raison ? Elle entre en opposition avec la législation européenne qui empêche toute régulation au niveau national dans ce domaine…

Au-delà du temps, la question de l’usage

Si la question du temps passé devant les écrans est une réelle problématique, ce que font, regardent, lisent et envoient les enfants sur ces appareils numériques est aussi une question cruciale.

Lors de la table-ronde « Comment accompagner les élèves dans l’usage des écrans ? », organisée par la Peep en 2023 lors du congrès national (à revisionner ICI), Virginie Sassoon, directrice adjointe du CLEMI (Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) conseillait : « Plutôt que demander aux enfants combien de temps ils passent sur leur smartphone, il faudrait mieux parler avec eux de ce qu’ils y font ! ».

Une analyse partagée par Thomas Rohmer, directeur de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (OPEN) : « Les parents méconnaissent les pratiques de leurs enfants. Leurs excès dans les usages numériques sont souvent un signal de mal-être, de failles dans leur construction, d’où la nécessité du dialogue. Il faut remettre de l’éducatif sur ces questions et s’interroger, en tant que parents, sur les contradictions dont nos enfants sont les témoins quant à nos propres usages. »

Nouvelles mesures à venir ?

Lors de sa conférence de presse à l’Élysée le 16 janvier dernier, Emmanuel Macron a souhaité que soit déterminé « le bon usage des écrans pour nos enfants, dans les familles, à la maison comme en classe ». Pour décider des mesures à prendre, le président de la République a réuni une commission composée de spécialistes (épidémiologistes, cliniciens, sociologues…) qui doit rendre  ses conclusions fin mars afin d’établir un consensus scientifique concernant l’impact des écrans sur les enfants et adolescents. Le chef de l’Etat a déjà indiqué que des mesures d’interdiction et de restriction sur les contenus pourraient être prises…

Comme le résume Laurent Karila, psychiatre spécialisé dans l’addictologie : « Arrêter de consommer un écran aujourd’hui ça n’existe pas, il faut pouvoir réguler son temps tout en se faisant plaisir et en évitant de perdre le contrôle ». Un conseil qui vaut pour tous.

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CONSEILS

Axelle Desaint, directrice d’Internet Sans Crainte et Coordinatrice du Safer Internet France

« Poser un cadre d’utilisation des écrans est nécessaire »

Quels conseils pratiques donneriez-vous aux parents pour accompagner au mieux leurs enfants dans la jungle d’internet, pour les responsabiliser dans leurs usages ?

Axelle Desaint : « Je voudrais leur apporter une parole rassurante et leur dire qu’ils n’ont pas besoin d’être experts du numérique pour bien accompagner leurs enfants dans leurs pratiques des écrans. Ils peuvent se faire confiance car beaucoup de messages de prévention reposent sur du bon sens et sont les mêmes que ceux qu’ils transmettent au quotidien. Car leurs enfants comme leurs adolescents ont besoin d’être accompagnés dans leurs usages des écrans, ce n’est pas inné, et les écrans ne sont que des outils conçus pour être captifs.

Les jeunes ont besoin de repères, d’être guidés vers des contenus adaptés et de connaître leurs droits et responsabilités pour profiter des bienfaits du numérique. Poser un cadre d’utilisation des écrans est nécessaire et rassurant pour les enfants et les parents doivent être à côté de leurs adolescents lors de leurs premiers pas sur les réseaux sociaux pour les paramétrer ensemble, c’est une bonne façon de partager ses inquiétudes et de chercher ensemble les solutions. Notre rôle de parents est d’accompagner nos enfants vers une autonomie numérique, on a des conseils et des outils pour les aider. »

Pour bénéficier d’outils et de conseils en matière de parentalité numérique, rendez-vous sur le site internet : www.internetsanscrainte.fr

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ZOOM

Addiction aux écrans : les adultes ne sont pas (tous) des modèles

Une parentalité numérique efficace et responsable passe-t-elle par l’exemplarité ? Si on peut le penser, la « partie » est alors loin d’être gagnée… car la dépendance aux écrans n’est pas l’apanage de nos chères têtes blondes, loin de là ! Selon une enquête de grande ampleur (plus de 20 000 personnes âgées de plus de 18 ans interrogées) publiée le 23 janvier 2024, « près de 6 utilisateurs sur 10 décrivent un rapport de dépendance à leur smartphone et donc un usage problématique des écrans » ! (Pour en savoir plus, retrouvez ICI « L’étude sur l’addiction aux écrans – Observatoire santé PRO BTP, en partenariat avec le Centre de Recherche de l’Institut Rafaël »).

Parentalité numérique : les bonnes ressources

Partenaire de la PEEP, l’OPEN, Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique, et son comité d’experts décryptent le quotidien numérique des jeunes à travers des conseils concrets, des articles de fond et d’actualité ainsi que des tutos adaptés aux problématiques que rencontrent les parents.

www.open-asso.org

« Je protège mon enfant », la plateforme d’information et d’accompagnement à la parentalité numérique propose des outils, des conseils et des ressources pratiques pour mieux informer et accompagner les parents afin qu’ils protègent leurs enfants.

jeprotegemonenfant.gouv.fr

A l’école, les élèves sont formés aux bons usages des outils numériques

• «La formation à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d’enseignement. » L’article L312-9 du Code de l’Education donne comme mission à l’Ecole d’apprendre aux élèves le bon usage des outils numériques.
• Les compétences numériques que doivent progressivement acquérir les élèves sont classées dans 5 grands domaines (avec plusieurs niveaux de maîtrise suivant les niveaux de scolarité) en lien avec le cadre de référence des compétences numériques (CRCN).
•  Depuis la rentrée scolaire 2023, tous les élèves en classe de 6e sont censés bénéficier d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux, ainsi qu’aux dérives et aux risques liés à ces outils.
•  En fin de collège, près de deux élèves sur trois (63,5 %) ont une maîtrise satisfaisante des compétences numériques « leur permettant d’utiliser les outils numériques de façon raisonnée, sécurisée et écoresponsable ». Tel est le constat de l’enquête menée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) publiée en novembre 2023 (lire ICI). Autre enseignement : le niveau de maîtrise des compétences numériques est très lié au niveau de maîtrise en français et en mathématiques en début de 6e. 

« Et si on levait les yeux »

« Et si on levait les yeux ? » est une expérience unique menée par un instituteur réalisateur. Pendant 1 an, Gilles Vernet a échangé avec sa classe, les parents et des spécialistes sur la place des écrans dans nos vies.

Un film-documentaire éclairant qui sera diffusé sur la chaîne Public Sénat le 17 février à 21 h.

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