DOSSIER

Batterie de mesures pour « choc des savoirs »

HD-450---dossier-ouvertureDébut octobre, le ministre de l’Education nationale  lançait la mission « exigence des savoirs ». Deux mois après, Gabriel Attal vient d’annoncer son « choc des savoirs », une batterie de nouvelles mesures dont le but affiché est « d’élever le niveau de l’école ».

Au programme (entre autres) : des groupes de niveau au collège, le brevet obligatoire pour entrer au lycée, une nouvelle épreuve de bac en fin de première, la labellisation des manuels scolaires à l’école élémentaire, la mise en place progressive de la méthode dite « de Singapour » pour l’apprentissage des mathématiques, de nouveaux programmes au primaire, de nouvelles méthodes d’évaluation pour le bac et le brevet… Sans oublier, une des mesures les plus emblématiques de ce « choc des savoirs » : le dernier mot aux enseignants pour le redoublement.

On le voit, ce plan ambitieux concerne tous les niveaux de la scolarité et va toucher de très nombreux pans de la scolarité. « École, collège, lycée : mon souhait est bien de remettre de l’exigence à tous les étages » a assuré le ministre de l’Education. Le défi est immense.

 

Du dernier mot aux parents au dernier mot à l’équipe pédagogique ! En matière de redoublement, le ministre de l’Education nationale a décidé d’un virage à 180 ° ! Cette question du redoublement suscite depuis longtemps (toujours ?) débats et polémiques au sein de la communauté éducative quant à son efficacité. Gabriel Attal a tranché. Dans le cadre de son « choc des savoirs » qu’il a présenté début décembre, le ministre a en effet indiqué : « Dès le premier trimestre de l’année 2024, je publierai un décret qui rendra à l’équipe pédagogique – et non plus aux familles – le dernier mot s’agissant du redoublement de l’élève ».

 

Inquiétudes

En pratique, dès le mois de février, les professeurs pourront proposer aux élèves en difficulté « un parcours renforcé en temps scolaire et des stages de réussite durant les vacances scolaires ». Si cette remise à niveau s’avère insuffisante, le redoublement pourra être décidé par l’équipe pédagogique, en particulier lors de l’année de CP.

Il est à noter que les élèves en situation de handicap feront l’objet d’une « appréciation particulière ». La Fédération Française des Dys (FFDys) a justement fait part de ses inquiétudes quant à la réintroduction du redoublement, soulignant que « cela affecte fréquemment les élèves dysphasiques en maternelle, les enfants dyspraxiques au primaire, et les élèves dyslexiques et dyscalculiques à l’élémentaire », et réclamant  la nécessaire coopération avec les parents. Des inquiétudes et une nécessité que l’on ne peut que partager.

 

HD-450---dossier-page-1Nouveautés au primaire

Le « choc des savoirs » présenté par Gabriel Attal comporte de très nombreuses mesures concernant le primaire. A commencer par une réforme des programmes. Ainsi, dès la rentrée 2024, de nouveaux programmes s’appliqueront à l’école maternelle, au CP, CE1 et CE2 (et en 2025 pour le CM1, CM2 et la 6e). Avec la mise en place progressive de la méthode dite « de Singapour » (lire en encadré page 10), l’apprentissage de certaines notions de mathématiques aura lieu plus tôt dans la scolarité. Ainsi, les apprentissages des fractions, des nombres décimaux et des notions de probabilité débuteront dès le CE2.

Soulignons également que ces nouveaux programmes détermineront les attendus qui doivent être maîtrisés par les élèves chaque année. Objectif : que la maîtrise de notions fondamentales pour la progression des élèves ne soit repoussée à la fin des cycles (une mesure que l’on devine en cohérence avec la réintroduction du redoublement…).

Par ailleurs, les manuels scolaires « dont l’efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique » bénéficieront désormais d’une labellisation. Le ministre a annoncé que l’État financera les manuels scolaires de lecture et de mathématiques des élèves de CP et de CE1.

 

Nouveautés au collège

Dès la rentrée prochaine, les élèves de 6e et de 5e seront répartis en 3 groupes de niveaux pour leurs enseignements de français et de mathématiques. Des groupes flexibles et en petits effectifs : le groupe des élèves les plus en difficulté devrait se limiter à une quinzaine d’élèves – ces derniers pourront également bénéficier d’une scolarité aménagée : « le volume horaire de ces disciplines pourra être sensiblement augmenté, avec une réduction temporaire des cours dans d’autres disciplines », a précisé le ministre. Cette organisation en groupe de niveaux s’appliquera pour les classes de 4e et de 3e à compter de la rentrée de septembre 2025.

Autre nouveauté notable au collège, le brevet des collèges va subir plusieurs évolutions. Premièrement, la note du contrôle continu sera calculée à partir de la moyenne des notes disciplinaires, et non plus par les « compétences » converties en points. Deuxièmement, les épreuves terminales représenteront 60 % de la note finale, au lieu de 50 % aujourd’hui. Enfin, et surtout, l’obtention du brevet conditionnera l’accès au lycée ! Une nouveauté de taille pour les collégiens, qui s’appliquera dès la prochaine session du brevet, en juillet 2024 (les 1er et 2). Autre nouveauté, à la rentrée 2025, le ministère a indiqué qu’un dispositif intitulé « Prépa-lycée » serait mis en place pour permettre une remise à niveau pour les élèves n’ayant pas obtenu le brevet, avant un passage possible en 2nde. Un dispositif obligatoire ? En lieu et place d’un redoublement en 3e ? Les détails sont prochainement attendus.

 

Nouveautés au lycée

Pour le brevet, comme pour le bac, le ministre a fait également une annonce importante : la session 2024 signera la fin de ce que l’on appelle les « correctifs académiques », autrement dit des consignes qui révisent à la hausse le résultat des élèves. Pour le ministère : « La crédibilité des examens nécessite, au brevet comme au baccalauréat, la sincérité et la fidélité de la notation ». Il faut donc s’attendre à voir baisser les taux de réussite en juillet prochain…

Autre nouveauté pour les lycéens, une nouvelle épreuve anticipée de mathématiques appliquées sera instaurée en fin de 1re générale et technologique… mais pas avant la session de juin 2026 ! Dans cette optique, de nouveaux programmes de mathématiques en 2nde et 1re générale et technologique s’appliqueront dès la rentrée 2025.

 

Dans l’enseignement professionnel

Enfin, le « choc des savoirs », le plan de Gabriel Attal pour « élever le niveau de l‘école », n’a pas oublié l’enseignement professionnel, une voie de formation qui vient tout juste d’être en partie réformée pour améliorer son attractivité auprès des jeunes à la sortie du collège : augmentation des durées de stage, installation d’un bureau dédié à la relation aux entreprises dans chaque lycée pro, création d’une indemnité de stage progressive…

Ainsi, dès la prochaine rentrée scolaire, les lycéens professionnels de 2nde et de 1re étudieront les mathématiques et le français en groupes à effectifs réduits. Enfin, en terminale, les lycéens disposeront d’un volume horaire augmenté « substantiellement » dans les enseignements généraux dès septembre 2024.

 

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ZOOM

HD-450---dossier-pisaEnquête PISA : un niveau toujours alarmant

Dévoilée début décembre, l’enquête PISA 2022 conduite dans 85 pays montre que le niveau des élèves français de 2nde ou de 3e continue de baisser.

En mathématiques, si les résultats de la France se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE (à un niveau similaire par exemple à celui de l’Allemagne et de l’Espagne), ces résultats ont fortement baissé entre 2012 et 2022.

Comme l’analyse la DEPP (lire ICI leur note d’information), cette baisse globale est à mettre en relation avec l’augmentation du taux d’élèves en difficulté et une diminution du taux d’élèves très performants (voir tableau ci-dessous).

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Notons par ailleurs que les garçons ont des performances supérieures à celles des filles – ce constat est le même depuis 2003.

 

Baisse de niveau aussi dans la « compréhension de l’écrit »

 PISA a également évalué les élèves en culture scientifique et en compréhension de l’écrit. Là aussi, on observe le déclin du niveau des élèves français. Le score moyen de la France en culture scientifique (487) est en baisse par rapport à 2015. Une baisse importante est également constatée en compréhension de l’écrit depuis 2018 (de 493 à 474 points). Soulignons qu’ en France, comme dans tous les pays à l’exception du Chili et du Costa Rica, les filles obtiennent un score significativement meilleur que celui des garçons en compréhension de l’écrit. Leur score est en moyenne supérieur de 20 points à celui des garçons (lire ICI la note d’information de la DEPP concernant la culture scientifique et la compréhension de l’écrit).

 

L’IA, intelligence artificielle, pour les secondes

Dans quelques semaines, à partir de février, quelque 200 000 élèves de seconde de plusieurs académies vont expérimenter l’intelligence artificielle, l’IA ! Plus précisément, ils bénéficieront « à la maison, d’un outil d’IA de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques », un outil de soutien scolaire 2.0 en quelque sorte.

Propriété du ministère de l’Éducation nationale, ce logiciel, appelé « MIA Seconde », sera généralisé à l’ensemble des élèves de 2nde à partir de septembre prochain. Gabriel Attal se félicite que la France soit « le premier pays au monde à généraliser à titre gratuit l’usage d’une intelligence artificielle à tous les élèves d’une classe d’âge pour accompagner leur progression scolaire ».

Dans le même temps, le ministre a rappelé qu’il militait pour « un usage raisonné » du numérique et de l’IA pour personnaliser les apprentissages et individualiser la progression des élèves.

 

Des mentions pour les CAP

Dans un souci d’égalité avec les autres diplômes (bac, brevet…), dès la rentrée 2024, des mentions (« Assez bien », « Bien », « Très bien » et « Très bien avec les félicitations du jury ») pourront être décernées aux élèves obtenant le diplôme du CAP.

 

HD-450---dossier-singapourEn quoi consiste la « méthode de singapour » ?

La méthode dite de Singapour a été créée dans les années 1980 par le ministère de l’Éducation de Singapour et a permis aux élèves singapouriens de se classer en tête des évaluations internationales (TIMSS et PISA) en mathématiques depuis 1995.

En pratique, les élèves passent progressivement du monde concret (approche sensorielle) à l’abstraction des chiffres et des symboles, de manière à donner du sens aux nombres. Ils manipulent des objets (cubes, jetons, balances, géoplans…), puis apprennent par exemple à modéliser les situations en dessinant des schémas ; enfin, ils appliquent les procédures de calcul avec chiffres et symboles.

Le plan de chaque séance se fait selon les principes de la pédagogie explicite : « Je fais, nous faisons, vous faites ». Le professeur montre aux élèves comment faire, puis guide les élèves pas à pas vers la pratique autonome.

Comme le prévoit le « choc des savoirs » de Gabriel Attal, cette méthode de Singapour sera progressivement mise en œuvre pour l’apprentissage des mathématiques, dès l’école primaire.

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