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MAGAZINE – Jeux… dangereux !

Les jeux de non-oxygénation ou d’agression ont toujours été un fléau des cours de récréation. Touchant plus spécifiquement les garçons entre 7 et 15 ans, ils sont hélas souvent méconnus des parents. La Voix des parents vous éclaire sur ce phénomène contre lequel vous pouvez lutter.

Phénomène peu connu des parents, les jeux dangereux font partie du jardin secret de nos enfants. « Les jeux dangereux touchent une large tranche d’âge, en gros les garçons entre 7 et 17 ans, même si nous recevons de plus en plus de messages de maternelles », indique Magali Duwelz, présidente de l’association SOS Benjamin qui lutte contre ces pratiques. Thierry Goguel, éducateur spécialisé dans les conduites à risques, constate, lui, que le phénomène touche « surtout des garçons, avec un pic entre le CM1 et la 5e. C’est un jeu qu’ils expérimentent d’abord en groupe, à l’école, puis que certains renouvelleront seuls, chez eux. Cela touche toutes les classes sociales sans distinction. »

Jeux de non-oxygénation et jeux d’agression
Il faut distinguer les jeux contraints de ceux pratiqués volontairement. « Certains enfants font ces jeux par choix, ceux qui font partie d’un groupe à la recherche de sensations fortes. Mais ils sont parfois compliqués à distinguer des jeux contraints, car parfois la contrainte est perverse, psychologique et on ne la repère pas d’emblée », indique Marie-France le Heuzey, pédopsychiatre, auteur de « Jeux dangereux, quand l’enfant prend des risques » (éd. Odile Jacob).
Les premiers sont baptisés « jeu du foulard », « de la tomate », « le rêve indien »… Différents noms pour un même risque mortel : ces pratiques d’étranglement, seul ou en groupe, avec ou sans accessoires, ont entraîné la mort de plusieurs enfants ces dernières années. « Les victimes sont généralement des enfants curieux, intelligents, joyeux, gais, rieurs, influençables et adeptes des nouvelles technologies. Le problème avec les enfants mûrs, c’est que les parents considèrent qu’ils ont déjà compris comment fonctionnait le monde et le corps. Or, il faut bien leur expliquer les dangers de ces pratiques, cela n’a rien d’inné », prévient Magali Duwelz.
Les jeux d’agression, imposés sous la contrainte, peuvent être un défouloir mais aussi le symptôme d’un mal-être ou d’un rapport exacerbé à la violence. Dans ces derniers cas, ces jeux s’intègrent dans les conduites à risque de l’adolescence, à prendre au sérieux le plus tôt possible. « L’agressivité est parfois une façon de communiquer », décrypte Maxime Julliot, médiateur de réussite scolaire et assistant d’éducation aux Ulis (Essonne). « La finalité de certains jeux sera de taper le copain même si on n’a aucune raison de lui en vouloir. Si je ne déplore aucun accident grave dans mon établissement, c’est parce que nous les suivons de près. Au moindre attroupement, on est vigilant et je pose comme base de leurs jeux que je ne veux pas voir le moindre coup. »

Une prévention indispensable
Séquelles physiques, lésions cérébrales, coma voire décès, sans compter les répercussions psychologiques… On s’accorde à dire qu’en France, entre 15 et 20 jeunes décèderaient chaque année de ces jeux dangereux. « Inutile de leur faire la morale, ça ne marche pas !, prévient Maxime Julliot. Pour eux, la frontière entre jeu et violence est ténue et ils ne réalisent pas les conséquences. Le seul discours qu’ils écoutent est celui des risques encourus : la perte d’un camarade, une exclusion temporaire ou définitive, ça leur parle… »
Le rôle des parents est crucial mais pas forcément évident. « Il faut être vigilant à toute modification du comportement de votre enfant, préconise Marie-France Le Heuzey. Il passe la plus grande partie de son temps à l’école, où il côtoie d’autres enfants de son âge qui l’influencent. Les signes de jeux d’agression sont facilement repérables : vêtements déchirés, lunettes brisées, disparition répétée d’objets, traces de coups, hématomes, nausées, douleurs abdominales, vertiges… » Heureusement, car soutirer des informations à son enfant peut se révéler complexe… « S’il s’agit de jeux volontaires, vous pouvez observer s’il se plaint de maux de tête, de troubles de concentration, de perte de mémoire, de vision floue. De même s’il porte cols roulés et écharpes pour masquer les traces de strangulation. »

Comment réagir ?
Si votre enfant est victime de jeux dangereux, il faut d’abord qu’il en parle avec votre médecin traitant qui va aborder la dangerosité avec un regard extérieur. Ensuite, il faut engager un dialogue avec l’établissement scolaire. Enfin, si ces jeux sont volontaires, c’est que votre enfant recherche des sensations fortes, encouragez-le à pratiquer des activités sportives qui procurent des frissons », recommande Marie-France Le Heuzey.
La principale difficulté est d’en parler à ses enfants sans leur donner de mauvaises idées… « Je conseille d’en parler en termes vagues, sans citer une pratique précise, et de demander si eux en ont déjà entendu parler. S’ils assurent qu’ils n’ont jamais pratiqué, croyez-les mais prévenez-les des conséquences possibles. Expliquez-leur aussi que si un jour, un copain les pousse à essayer, c’est douloureux. Et que cela peut les mener à l’hôpital, voire, s’ils ont provoqué le jeu, devant un juge… »
MG

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TEMOIGNAGE
Magali Duwelz, présidente et fondatrice de l’association Sos Benjamin -
O.N.E.C.R.

« Mon fils Benjamin est décédé le 16 novembre 1995, retrouvé pendu dans les toilettes de son école. Il avait 10 ans, c’était un enfant joyeux et il avait la vie devant lui… On a d’abord pensé à un suicide avant de comprendre qu’il s’agissait d’une pratique “ludique” sans aucun rapport avec une quelconque volonté d’en finir. Je me suis dit qu’il fallait prévenir les parents que ces jeux existaient et qu’ils pouvaient mener à la mort. J’ai donc créé cette association trois ans plus tard car à l’époque, ce sujet était encore tabou. Depuis, l’association SOS Benjamin exerce une mission de prévention mais sans donner de mode d’emploi aux enfants. Nous informons les parents des dangers, nous proposons des formations pour les enseignants et mettons à disposition des outils pour intervenir dans les écoles (clips, coffrets pédagogiques…). Enfin, nous venons en aide aux familles dont l’enfant a été ou est victime de ces jeux dangereux. »
www.sosbenjamin.org


CONSEILS
Christophe Rathelot, pédopsychiatre (13)

« Les enfants se sentent invulnérables, voilà pourquoi, il est primordial de mettre l’accent sur les risques encourus. Mais veillez bien à ne pas leur donner de mauvaises idées, ni à les traumatiser : le dialogue doit être proportionnel à l’âge de l’enfant et au risque qu’il encourt (a-t-il déjà essayé, connaît-il cette pratique…). Si vous avez constaté des signes qui vous alertent, n’hésitez pas à attirer son attention sur certaines expériences tragiques qui découlent de ce jeu. Sinon, parlez-lui simplement des risques encourus sans insister. »


TEMOIGNAGE
Françoise Cochet, présidente de l’APEAS (témoignage publié dans La Voix des Parents n°342)

« Détecter les comportements des enfants, avant qu’ils ne deviennent victimes »

« Au début, on identifiait mal ce type de comportements, on parlait alors de suicides… Mais comment des bambins bien dans leur peau, comme mon fils de 8 ans et demi, décédé il y a six ans, pouvaient penser à se suicider ? Au fur et à mesure des enquêtes, on a pris conscience que cette démarche n’était pas violente, mais « ludique » pour les enfants. Il faut donc détecter ceux qui se livrent à de tels comportements, et les sensibiliser aux conséquences qu’ils n’imaginent pas, en leur parlant de ceux qui ont été victimes de ce jeu. »


TEMOIGNAGE
Cécile Dumoulin, député des Yvelines, co-auteur d’un rapport parlementaire sur les jeux dangereux en octobre 2009

« J’ai souhaité prendre ce problème à bras le corps d’abord parce que j’ai des enfants. Les jeux dangereux sont souvent méconnus des parents et pourtant ils sont répandus. Sous couvert de jeu, les mineurs se laissent aller à des agissements très agressifs. Voilà pourquoi j’ai co-redigé un rapport parlementaire qui établit quatre axes de travail :
• Mieux connaître ce phénomène et mieux coordonner les acteurs
• Mieux informer et former parents et personnel de l’Education nationale
• Mieux prévenir en favorisant la médiation et en élaborant avec les élèves un code de la cour
• Mieux agir sur Internet où l’on trouve des sites qui incitent à cette pratique
Suite à ce rapport, je vais prochainement déposer une proposition de loi afin d’organiser une journée nationale de sensibilisation dans les établissements scolaires ainsi qu’une formation des professionnels concernés. »

Cécile Dumoulin, Députée des Yvelines, et Patrice Verchère, Député du Rhône, présentent leur rapport sur les jeux dangereux à la presse. (21 octobre 2009)

Conférence de Presse – Les jeux dangereux par Groupe_UMP_AN

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