EDUCATION

Plan de lutte contre le décrochage scolaire

140 000 jeunes de plus de 16 ans quittent le système scolaire sans diplôme ou qualification tous les ans. Pour remettre ces « décrocheurs » sur de bons rails, le gouvernement a lancé un plan qui semble porter ses fruits.
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C’était l’une des promesses de campagne de François Hollande. Le candidat à la présidentielle s’était donné pour ambition de diminuer de moitié d’ici la fin du quinquennat le nombre de décrocheurs scolaires. Chaque année, 140 000 jeunes de 16 à 25 ans quittent le système scolaire sans avoir obtenu ni baccalauréat ni CAP ou BEP. Si certains réussissent à s’en sortir par eux-mêmes, pour bon nombre d’entre eux, cette déscolarisation prématurée marque le début d’une longue période de galère.

Parce que limiter le nombre de ces décrochages est essentiel pour ces jeunes et pour la société, le ministre de l’Education nationale a fait voter le 31 janvier 2013 une loi qui oblige les établissements scolaires à convoquer les parents des élèves trop souvent absents afin de les alerter sur les risques de décrochage et de trouver avec eux un remède pour l’éviter. Depuis la rentrée 2013, un référent décrochage scolaire est aussi nommé dans chaque établissement du second degré présentant un fort taux d’absentéisme. Le ministre a surtout lancé, il y a un peu plus d’un an, une Mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Présente dans chaque académie, elle a pour objectif de proposer des réponses adaptées aux jeunes qui décrochent ou qui risquent de décrocher.

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Des solutions pour prévenir le décrochage

Concrètement, dès qu’il remarque un jeune qui sèche les cours ou qui semble se désintéresser de l’école, le référent décrochage scolaire réunit le Groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS) composé du chef d’établissement, d’un enseignant, du conseiller d’orientation et d’autres membres de l’équipe concernés (infirmière, assistante sociale, vie scolaire, etc.). S’il estime que c’est la meilleure solution, le GPDS peut signaler ce cas sans attendre à la Mission de lutte contre le décrochage scolaire. Des équipes d’animateurs prennent alors en charge l’élève, font le point avec lui sur sa situation, cherchent à comprendre les raisons de son désintérêt. Puis ils tentent de monter avec lui un nouveau projet.

Pour y parvenir, les MLDS disposent d’un large panel de solutions. Au lycée Jules Renard de Nevers (58), 37 « décrocheurs potentiels » ont bénéficié, au cours de l’année 2012-2013, d’un soutien scolaire individualisé. Certains ont même pu se rendre durant quelques jours dans un autre lycée pour se faire une idée précise de ce qu’ils voulaient faire. Quant à ceux qui maîtrisaient mal le français, ils ont pu suivre un atelier linguistique de remise à niveau.

Dans l’académie de Rennes, la MLDS fait découvrir d’autres filières aux potentiels décrocheurs. « Si un jeune en filière mécanique nous dit que finalement, ce qu’il aimerait faire, c’est de la cuisine, nous pouvons l’emmener visiter les ateliers d’un lycée professionnel ou d’un CFA et même aménager son emploi du temps pour qu’il effectue des stages de cuisine. A terme, cela lui permettra de confirmer son projet pour ensuite s’inscrire dans un autre établissement scolaire ou signer un contrat d’apprentissage, explique Mickaël Brignon, le coordonnateur de la MLDS de l’académie de Rennes. Notre mission première, c’est de trouver une solution pour éviter que les jeunes ne quittent prématurément le système ».

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« Une parenthèse d’un an »

Malgré ces précautions, certains décrochent. Il revient dans ce cas aux 360 plates-formes de suivi et d’appui réparties sur tout le territoire de prendre contact avec chacun d’entre eux pour faire le point sur sa situation. Ceux qui veulent trouver du travail sont dirigés vers la mission locale. D’autres réalisent une mission d’intérêt général au sein d’une association dans le cadre d’un service civique. Quant à ceux qui acceptent de retourner dans le système scolaire pour décrocher un diplôme, ils sont orientés vers la Mission de lutte contre le décrochage scolaire la plus proche. Certains intègrent une école de la seconde chance ou un micro-lycée lorsqu’il en existe un à proximité. Ces établissements à la pédagogie adaptée leur permettront de revoir les fondamentaux et de bénéficier d’un suivi personnalisé. Des formations en alternance ou des contrats de professionnalisation peuvent également leur être proposés.

« Dans l’académie de Rennes, nous avons principalement deux types de réponses : l’Action de remobilisation (AR) et le Module de préparation à l’examen par alternance (Morea), précise Mickaël Brignon. Dans la première, les jeunes alternent 15 jours de remise à niveau dans un établissement scolaire et 15 jours de stage en entreprise. Et avec la seconde, nous cherchons à remotiver les élèves qui ont échoué à un examen pour qu’ils tentent à nouveau de décrocher le diplôme. Dans tous les cas, les jeunes bénéficient de l’accompagnement d’un enseignant-référent. »

Au lycée Jules Renard de Nevers, les jeunes déscolarisés sont suivis pendant 28 semaines par une poignée d’enseignants. Le cas échéant, les compétences d’un conseiller d’orientation, d’un médecin scolaire ou d’un animateur socio-éducatif peuvent être sollicitées. Au cours de l’année 2012-2013, 10 élèves ont été accueillis dans ce dispositif. « Ce que nous leur proposons, c’est une parenthèse d’un an pour qu’ils puissent faire le point sur leur situation et savoir ce dont ils ont vraiment envie », précise un animateur MLDS.

Pour être le plus efficace possible, rien de tel que le travail en réseau. C’est toute l’ambition des réseaux Formation-Qualification-Emploi lancés par le ministre de l’Education nationale l’année dernière. Ces réseaux Foquale regroupent les établissements présents dans chaque secteur géographique, recensent les cursus susceptibles d’accueillir les jeunes décrocheurs, identifient les actions qui fonctionnent bien et, au besoin, en créent de nouvelles. Chaque réseau Foquale est piloté par un chef d’établissement désigné par le directeur académique. Les informations qu’ils glanent sont utilisées par les MLDS pour identifier les élèves qui décrochent et avoir une idée précise et régulièrement actualisée des filières et des places disponibles dans les établissements.

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Encore beaucoup à faire

Pour autant, le travail est loin d’être terminé. La réussite de la lutte contre le décrochage scolaire passera aussi par la limitation des redoublements, le renforcement de l’éducation prioritaire ou la valorisation des filières professionnelles, très prisées des décrocheurs. Instaurer encore plus de passerelles entre les filières sera aussi nécessaire pour proposer aux jeunes ayant fait des mauvais choix des solutions alternatives susceptibles de mieux leur convenir. Pour limiter le décrochage, le gouvernement compte aussi sur une meilleure orientation des collégiens et des lycéens afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent dans des filières qui ne leur conviennent pas. Une expérience baptisée « Le dernier mot aux familles » est d’ailleurs menée depuis la rentrée 2013 dans certains établissements. Elle vise à laisser la famille décider en dernier recours de l’orientation de leur enfant de troisième, même contre l’avis de l’équipe enseignante, en faisant le pari qu’il se sentira plus impliqué s’il intègre une filière qu’il aura lui-même choisie. Enfin, rien ne pourra se faire sans un renforcement des actions de remise à niveau des élèves en difficulté. Cette condition est nécessaire si l’on ne veut pas que ces jeunes se démotivent parce qu’ils se retrouvent dans une filière qui leur a été imposée faute de résultats suffisants.

La lutte contre le décrochage est un enjeu de société. C’est aussi une question de solidarité. Qu’ils aient été victimes d’un problème d’orientation ou d’une difficulté passagère, tous ces jeunes ont droit à une seconde chance.

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POINT DE VUE

Nicolas Madiot, coordonnateur MLDS de l’académie de Nantes (44)

« En fonction de leurs besoins, nous proposons aux jeunes décrocheurs d’acquérir le socle commun, de bénéficier d’un accompagnement individualisé, de suivre une formation en alternance et/ou de participer à un atelier de connaissance de soi et du monde. En outre, depuis 2 ans, nous testons une nouvelle approche par les compétences destinée à valoriser leurs acquis plutôt que de souligner ce qu’ils ne savent pas encore. Nous nous appuyons pour cela sur des activités originales telles que des pièces de théâtre ou des ateliers de slam. Nous mettons également en valeur ce qu’ils font en dehors de l’école, dans le cadre d’une association, dans leur famille ou en entreprise, par exemple. La difficulté consiste à leur proposer une formule de remotivation attractive qui ne soit pas en décalage avec ce qu’ils trouveront quand ils réintégreront un parcours classique. Dans la plupart des cas, cela fonctionne. Sur 1 650 élèves pris en charge par la MLDS l’année dernière, 75 % ont repris une formation. Il s’avère parfois que l’élève n’est pas prêt à se lancer tout de suite dans un nouveau projet. Il faut alors savoir patienter et garder le contact avec lui. »
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REPERES

« Le pari sera tenu »

L’année dernière, les plates-formes de suivi ont pris contact avec 180 000 jeunes et rencontré plus de 100 000 d’entre eux. Au final, 20 000 décrocheurs ont fini par réintégrer une formation diplômante et 3 000 se sont lancés dans un service civique. 11 000 autres ont suivi un programme de retour vers une formation. Au total, ce sont 34 000 « décrocheurs » qui, sur l’année 2013, ont été remis sur de bons rails. « Le pari de diviser par deux le nombre de décrocheurs à la fin du quinquennat sera tenu », promet Vincent Peillon, le ministre de l’Education nationale.
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TEMOIGNAGE

Floriane, 19 ans, ancienne « décrocheuse »

« J’ai longtemps eu des bonnes notes, mais en troisième, un conflit avec un professeur a tout changé. Mes résultats ont baissé et j’ai perdu l’envie de travailler. J’ai même failli tout arrêter lorsque je n’ai pas été prise en filière ATMFC (Assistant technique en milieu familial et collectif) faute de place. En m’orientant vers la MGI (Mission d’insertion, ancienne appellation de la MLDS, ndlr), le conseiller d’orientation du collège m’a sauvée. J’ai passé un an à suivre des cours en petits groupes et effectuer des stages en entreprise. J’en ai profité pour améliorer mon projet et obtenir mon brevet professionnel, avant de reprendre le cursus classique. Aujourd’hui, j’ai décroché mon CAP et je cherche du travail. Le directeur de l’hôpital de Saint-Malo, qui m’a déjà employée, m’a d’ores et déjà proposé un autre remplacement. »

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