DOSSIER

Ecole à la maison pendant le confinement : conseils et témoignages de parents

412---ouv-dossierDepuis le 16 mars, date de la fermeture des établissements scolaires pour cause de prévention du Covid-19, enfants et parents sont confinés ensemble à la maison. Avec souvent, pour ces derniers, la sensation d’une pression considérable, du fait de la nécessité d’accompagner le travail scolaire à distance. Comment délimiter au mieux ce rôle, dans l’intérêt de tous ? Une question à laquelle enseignants, psychologues, représentants de parents d’élèves et familles tentent de répondre dans ce dossier.

 

Depuis plus d’un mois, et encore, au minimum, jusqu’au 11 mai – mais certainement beaucoup plus pour la majorité, tous les élèves, de la petite section de maternelle à la terminale, sont confinés à la maison. Les parents se retrouvent à devoir accompagner le travail scolaire de leurs enfants, en plus d’occuper les petits comme les grands, et parfois en télétravaillant. Un vrai numéro d’équilibriste.

 

 

Les parents ne sont pas censés remplacer les enseignants

« Si certains parents adorent jouer les maîtresses d’école, la plupart ne sont pas des pédagogues nés ! », note Patricia Chalon, psychologue-psychothérapeute. Afin d’aborder cette période de la manière la plus sereine et constructive possible, les parents doivent avoir en tête qu’il n’est pas question pour eux de remplacer les enseignants. « On parle abusivement d’« école à la maison », mais il s’agit simplement de garder les liens avec les apprentissages, pas d’avancer sur le programme », précise Francette Popineau, enseignante en maternelle à Poitiers (Vienne) et secrétaire générale du SNUipp-FSU.

 

 

412---dossier-1A chacun son emploi du temps

Le rôle des parents ? Motiver, soutenir, accompagner. Et c’est déjà pas mal. Parents comme enfants étant confinés entre quatre murs, il va falloir lâcher du lest, sous peine de « craquage » général. « Il va falloir se livrer à la coopération, au partage, à la négociation », conseille Patricia Chalon. Elle recommande de ne rien céder sur certaines habitudes prioritaires, touchant à la santé ou l’hygiène, par exemple, mais de lâcher prise sur les détails : « Votre enfant préfère dormir un peu plus le matin, pour s’y mettre l’après-midi seulement ? Ce n’est pas grave, tant que le travail est fait », illustre-t-elle. A chacun son organisation, en fonction des capacités matérielles, de l’âge, du niveau scolaire et de l’autonomie de l’enfant. « On peut aussi faire évoluer le planning envisagé au départ, mais avec l’enfant. Il sera bien plus coopératif s’il y a contribué », pointe Patricia Chalon.

 

Structuration minimale de la journée

Quel que soit le degré de souplesse choisi, il est préférable de ritualiser les temps de travail et d’avoir un rythme journalier. « On peut s’inspirer de celui de l’école pour l’alternance entre les moments de travail et de repos », conseille Cécile Branquart, professeure des écoles dans le Rhône. Si les enfants ne travailleront pas autant qu’en classe, l’idéal est qu’ils planchent un temps minimum par jour, en fonction de leur âge. « Pour les moins de six ans, pas plus d’une heure en moyenne », précise Katia Philippe, enseignante à l’école maternelle Simone Veil (région niçoise). « Pour un élève d’élémentaire, on peut prévoir une séance de travail d’1h30 le matin et reprendre une petite heure l’après-midi », suggère Cécile Branquart. Un collégien pouvant travailler quelque quatre heures par jour, et un lycéen, encore davantage. Sans négliger les temps de pause. « Laissez-les seuls dans leur chambre, quand c’est possible, pour s’ennuyer un peu, faire marcher leur imagination ou – pour les ados – se ressourcer avec leurs copains (via les réseaux sociaux) », conseille Patricia Chalon.

 

412---maison-ado-parentDiversifier les supports éducatifs

On gagnera à privilégier les activités plus scolaires (graphisme, étude des sons, langage, maths…) le matin, où les enfants sont plus réceptifs, pour consacrer l’après-midi aux activités artistiques ou au sport. N’hésitez pas à diversifier les supports pédagogiques : de nombreux organismes parascolaires proposent gratuitement leurs ressources en ligne… Une offre de programmes du primaire à la fin du collège, La Maison Lumni, est également proposée à la télévision (sur les chaînes de France Télévisions). Et si ça coince, n’hésitez pas à sortir des sentiers battus : visionner une série en VO pour parfaire son niveau d’anglais, l’inciter à écrire un « journal de confinement » pour peaufiner son français ou cuisiner ensemble un bon gâteau pour concrétiser les règles de proportionnalité ? Sans oublier la récompense : « Une fois le travail fini pour tous, se donner rendez-vous autour d’un bon goûter, ou pour faire une activité ensemble », évoque Patricia Chalon.

 

La priorité : l’échange avec vos enfants

Si l’enfant peine, rechigne et que vous sentez l’énervement monter de part et d’autre, mettez l’exercice entre parenthèses. Il faut éviter que le travail scolaire engendre des tensions, dans cette période déjà difficile pour tous. « Lâchez prise, ne culpabilisez pas. S’ils ne font pas une activité, ce n’est pas grave : la scolarité ne se jouera pas là-dessus », rassure Katia Philippe. Cette période contrainte peut même être source de réels effets positifs. « Profitons-en pour apprendre à mieux connaître nos enfants, suggère Patricia Chalon. C’est l’occasion avoir des discussions avec eux sur la vie, la mort, l’amour… Autant de bienfaits nettement plus importants, à long terme, que d’avoir bouclé un trimestre scolaire. »

 

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DES PARENTS TEMOIGNENT

412---parent-Claire-LaunayClaire Launay (Annecy, Haute-Savoie), maman solo de Margot (seconde) et de Corentin (6e)

« Je refuse de nous mettre une pression inutile »

« Le plus difficile, c’est de les motiver, de les sortir du jardin ou des écrans, car ils ont l’impression d’être en vacances. Corentin, surtout, a besoin de moi. Il travaille l’après-midi, je lui fais apprendre ses leçons. J’aide aussi Margot sur certains devoirs à rendre. Je surveille les rendez-vous pour les classes virtuelles, le planning de la semaine transmis par les enseignants… C’est très chronophage. Au final, cela se passe plutôt bien. Même si leurs efforts sont sélectifs : ils ont levé le pied sur technologie, musique ou sport pour se concentrer sur maths, français, anglais et histoire-géo. Mais je laisse couler. Tant par manque de temps et d’énergie que par refus de nous mettre une pression inutile. »

 

 

412---parent-Brigitte-MorhaBrigitte Morhain (Toulouse), maman de Clément (terminale S)

« Être présente jusqu’au bout »

« A la suite des annonces ministérielles, mon fils est arrivé tout sourire en disant : « J’ai mon bac avec mention Bien, plus besoin de plancher ! » Je resterai toutefois présente pour l’accompagner au cours des prochaines semaines. Objectif : qu’il continue à travailler régulièrement, pour obtenir une bonne note d’assiduité. »

 

 

412---parent-Emmanuelle-GenEmmanuelle Gendre, Sannois (Val d’Oise), maman de Raphaël (CM2)

« La patience est le maître-mot »

« La maitresse fournit chaque matin un programme semblable à celui d’une journée d’école classique, récréations et pause déjeuner comprises. Bien qu’en télétravail partiel, je m’arrange pour être disponible quand Raphaël bute sur un point, se décourage, s’énerve, ce qui arrive souvent. Il y a des jours plus faciles que d’autres. On reprend le week-end les notions mal comprises. Mon mari prend le relais en maths et en arts plastiques. La patience est le maître-mot pour tenir sur la durée. Le point positif, c’est la relation différente qui se crée avec les enseignants, très disponibles et à l’écoute. »

 

 

412---parent-Khalil-JabraneKhalil Jabrane (Suresnes, 92), papa d’Ilyana, en grande section de maternelle

« Se relayer à deux »

« Avec mon épouse, nous nous relayons auprès de notre fille au rythme de nos réunions, car nous sommes tous deux en télétravail. L’organisation est essentielle. Nous faisons un point la veille au soir pour nous répartir les tâches en fonction de nos obligations. Il faut savoir ne pas se montrer trop perfectionniste et si ça bloque, se dire qu’on en fait moins ou que l’on finira plus tard. »

 

 

412---parent-Celine-BlondezCéline Blondez (Lille, Nord), maman solo de Mathieu (4e) et Camille (CM2)

« Pas les yeux fixés sur la montre »

« Etant actuellement sans emploi, je leur consacre beaucoup de temps. Ils travaillent plutôt l’après-midi, mais il n’y a pas vraiment de règle. Mathieu est bon élève, mais il faut le pousser. Je lui rappelle, matière par matière, ce qu’il a à faire. Camille est plus « scolaire » : elle aime bien que je lui donne mon avis sur la matière par laquelle commencer. Je l’aide pas mal, par exemple sur sa fiche de lecture hebdomadaire. Je n’ai pas les yeux fixés sur la montre, on se cale plutôt sur le nombre d’exercices à faire. On se sent quand même un peu livrés à nous-mêmes. »

 

 

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412---Nicolas-Anoto-(encadrINTERVIEW

Nicolas Anoto, professeur d’histoire-géographie au collège Paul Riquet à Béziers (Hérault)

« En aucun cas cette période ne pourra pénaliser les élèves »

Quelles sont les principales inquiétudes des parents de collégiens ?

Ils s’inquiètent de ne pas toujours pouvoir accompagner le travail de leurs enfants, faute de disponibilité et/ou de moyens. Beaucoup de questionnements, aussi, sur la prise en compte de ce trimestre, notamment dans l’optique du Diplôme national du Brevet (DNB), pour les parents d’élèves de 3e.

 

Que pouvez-vous leur répondre ?

Il faut qu’ils se rassurent, notamment pour le DNB : c’est l’examen le plus facile à organiser sous la forme d’un contrôle continu. Par ailleurs, le travail fait en ce moment ne peut pas être évalué avec les mêmes exigences que les deux trimestres passés. A la rentrée, on rattrapera le temps perdu, d’une manière ou d’une autre. En aucun cas, cette période ne va pénaliser les élèves.

 

Quels conseils pour les aider à accompagner leur enfant ?

Qu’ils centrent le travail sur la révision, en faisant des fiches par chapitre, du travail réalisé les deux premiers trimestres. Interroger l’enfant sur ces fiches, en lui demandant de reformuler ce qu’il a compris, est très profitable pour la mémorisation.

 

 

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POINTS DE VUE

412---Cecile-Branquart-(proCécile Branquart, enseignante à l’école élémentaire Château Gaillard, à Villeurbanne (Rhône)

 « Familles précarisées : éviter la culpabilisation et s’appuyer sur les enseignants »

« J’enseigne en CP dédoublé, en zone REP+. Plusieurs familles n’ayant pas accès à un ordinateur, nous nous arrangeons pour que tout soit accessible par smartphone. Les exercices sont très simples et ne nécessitent pas d’être imprimés. Certains parents ne sont pas francophones ou sont même illettrés. Du coup, nous sommes en lien avec leurs enfants par un appel quotidien. Nous faisons des propositions de travail journalier de deux heures environ, mais sans exigences sur le plan des retours et sans notation. Nous sommes bien conscients que le suivi des apprentissages peut être le cadet des soucis d’une famille, notamment quand celle-ci est confrontée à des problèmes de précarité et de mal-logement. Les parents qui se sentent dépassés ne doivent pas hésiter à nous solliciter : nous répondrons tous présents. »

 

412---parent-Brigitte-MorhaBrigitte Morhain, présidente de l’association départementale PEEP Haute-Garonne et de l’union académique PEEP (académie de Toulouse)

« Les associations de parents, en première ligne dans le soutien aux familles »

« Pendant le confinement, les associations de parents d’élèves, et notamment la PEEP, jouent un rôle important. D’abord, de relais entre l’institution et les familles. Les présidents PEEP du département me font remonter interrogations et initiatives des parents, que je transmets au recteur, dans le but de les généraliser. Je donne aussi aux chefs d’établissement, puis, s’il le faut au rectorat, la liste et les difficultés des parents ayant des problèmes d’équipement informatique. Nous jouons aussi un rôle de soutien aux familles. Nous sommes intervenus auprès du rectorat pour obtenir l’impression des devoirs et corrections à l’attention des familles isolées et non équipées. Et nous avons réussi à rattraper quelques élèves décrocheurs, en communiquant avec les parents et grâce à l’intervention des délégués de classe. »

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