DOSSIER

(Cyber)harcèlement : comment protéger nos enfants ?

409---harcel-1Un enfant sur dix est victime de harcèlement en milieu scolaire, du primaire au lycée. Et quatre fois plus déclarent avoir été soumis à des agressions diverses en ligne. Face à ce fléau, des mesures de prévention doivent être mises en place le plus tôt possible. Les plus efficaces reposant sur une éducation à la bienveillance et au respect d’autrui. Il est bon aussi de savoir détecter les signes d’un mal-être, pour intervenir rapidement et efficacement. Tous nos conseils, appuyés par des experts de la question.

 

 

L’Ecole de la République est très loin du sanctuaire qu’elle était supposée être. On estime à 10 % la part d’enfants et d’adolescents victimes de harcèlement scolaire. A savoir d’agressions répétées, d’ordre psychologique (moqueries, mises à l’écart, humiliations), physique (coups, violences diverses) ou sexuel, de la part de leurs camarades. Un état de fait désormais aggravé par leur utilisation massive des réseaux sociaux : le cyber-harcèlement prolonge le harcèlement scolaire en dehors de l’enceinte des établissements. A la clé, insultes, publications de photos ou de vidéos « compromettantes », chantage, incitation au suicide… Face à ce fléau, l’institution a instauré, depuis 2015, une Journée nationale et des mesures permettant de mieux détecter les situations de harcèlement (mallette pédagogique, réseaux de référents et d’ambassadeurs, numéro vert, etc.) « Des outils notoirement insuffisants », dénonce Catherine Verdier, psychologue pour enfants et adolescents (1), fondatrice de Psyfamille et présidente de l’association Amazing Kids. Qui préconise aux parents de miser au premier chef sur la prévention, dès le plus jeune âge.

 

409---harcel-2Prévenir les risques de harcèlement : une éducation au long cours

Cette prévention doit en effet d’abord passer par une éducation familiale, basée sur une présence attentive, la bienveillance et le respect d’autrui. Catherine Verdier préconise la « Méthode des trois E » : émotions, estime de soi et empathie. D’abord, aider l’enfant à reconnaître, verbaliser et exprimer ses émotions. Ce qui permet de cultiver l’empathie, une qualité qui se perd si on ne l’entretient pas. « Cela veut dire montrer l’exemple, par des comportements courtois, l’entraide, la vigilance aux autres… », illustre-t-elle. Troisième pilier : l’estime de soi. « Celle-ci est au cœur de la problématique du harcèlement scolaire, dans le sens où le harceleur a, très souvent, une estime de lui-même beaucoup plus basse que sa victime », souligne la psychologue. Cette prévention passe aussi par une éducation à Internet et à une limitation des contenus accessibles et du temps passé devant les écrans, en fonction de l’âge de l’enfant. « Confier un téléphone ou un ordinateur à un mineur doit aller de pair avec un contrat de confiance et dans le cadre d’un dialogue, sur ce qu’il fait sur le Net, ce qu’il y aime ou non… », précise Catherine Verdier. Détecter le harcèlement : les signes qui doivent alerter Il n’est pas toujours facile de repérer une situation de harcèlement, les jeunes préférant souvent occulter les choses, par honte ou par crainte (de décevoir leurs parents, de représailles…). D’où l’intérêt d’être attentif à tout changement de comportement de l’enfant. Il peut s’agir de bouleversements physiques : troubles du sommeil, comportement alimentaire déréglé, bleus ou égratignures sur le corps, maux de ventre, de tête… Son matériel peut être détérioré. Mais aussi de manifestations d’ordre psychologique : irritabilité, changements d’humeur, problèmes de concentration, auto-dévalorisation, chute des résultats scolaires, réticence à aller à l’école qui peut aller jusqu’à la phobie scolaire… Ou encore de changements sociaux : refus d’aller aux activités, de prendre le bus, absence d’invitation aux anniversaires… A ce tableau peut s’ajouter, chez les ados, une consommation d’excitants, des conduites à risques, des mutilations, voire des tentatives de suicide.

 

409---harcel-4Comment réagir ?

En cas de doute, il est important d’en discuter avec son enfant et de l’inciter à se confier. « Mais dans tous les cas, et notamment si la confirmation du harcèlement n’est pas du fait de l’enfant, il faut y aller avec des pincettes, afin de ne pas rajouter du harcèlement à ce qu’il vit », conseille Catherine Verdier. La psychologue déconseille de chercher à entrer en contact direct avec l’agresseur et sa famille, au risque d’aggraver les choses. Mieux vaut rencontrer l’enseignant pour les petites classes, le conseiller d’éducation ou le professeur principal dans le secondaire. Mais jamais « dans le dos » de l’enfant. Les associations de parents d’élèves peuvent aussi jouer un rôle en matière de médiation et de relai des informations. En cas de blocage persistant, saisir le référent académique, voire déposer une main courante. Et envisager, dans les cas graves, un changement d’établissement. S’il a été victime de cyber-harcèlement, il faut réunir toutes les preuves possibles afin de porter plainte, même si le meneur est difficilement identifiable. Vous pouvez également contacter votre opérateur Internet ou l’administrateur du réseau social pour signaler le ou les responsables.

 

Aider à la reconstruction psychique

Afin de favoriser la reconstruction de l’enfant, il faut discuter avec lui de ce qu’il a vécu et de ce que vous pouvez faire pour l’aider. S’il a été le harceleur, essayez de creuser avec lui les raisons de ses actes et discutez ensemble de comment limiter ou réparer les dommages commis. Dans les deux cas, n’hésitez pas à recourir à une aide psychologique, avec un professionnel indépendant ou via des ateliers thérapeutiques dédiés, comme ceux mis en place, notamment, par Psyfamille.

 

 

Notes

1. « #j’aime les autres : Les bonnes relations à l’école », Editions du Rocher, 2017. Et à paraître en février 2020 : « 50 activités bienveillantes pour prévenir le harcèlement scolaire » (Larousse)

2. www.facebook.com/safety/bullying

3. Source : Enquêtes Unicef et Observatoire international de la violence à l’école

4. Source : Délégation ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire 5. Source : Etude Microsoft, 2018

 

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409---itw-Michelle-GilbertPONIT DE VUE

Michelle Gilbert, Directrice Communication de Facebook France

« Confidentialité contrôlée des publications et signalements : les deux bases contre le cyber-harcèlement »

Quels sont les principaux réseaux sociaux utilisés par les 13-18 ans ?

Les adolescents utilisent nos plateformes Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp, ainsi que d’autres comme Snapchat. Avec des modes de consommation différents. Facebook est utilisé pour organiser des événements ou des actions de groupe ; Instagram, pour se réunir autour de passions, discuter avec ses amis et partager photos et vidéos ; Messenger et WhatsApp sont des messageries ; Snapchat aussi, mais en plus ludique. Si ces réseaux sont, dans 80 % des cas, l’occasion d’interactions positives, c’est aussi par eux que peut passer le cyber-harcèlement.

 

Quels outils de prévention avez-vous mis en place ou prônez-vous en la matière ?

Les mineurs bénéficient de protections spécifiques : leur profil ne peut pas être référencé sur un moteur de recherche et ils ne peuvent pas partager en public. On peut bien sûr aussi bloquer des « amis » ou filtrer les commentaires. Nous avons, par ailleurs, créé un portail dédié à la question (2). Parents et enfants y apprennent à paramétrer leur compte pour une confidentialité maximale, à contrôler qui a accès à leurs informations, à les supprimer, etc. Nous avons aussi mis en place des partenariats avec plusieurs associations de prévention : e-Enfance, Internet Sans Crainte ou Génération Numérique, qui animent des ateliers de sensibilisation en milieu scolaire. Ainsi qu’avec le réseau Net Ecoute, sur lequel tout jeune en difficulté peut entrer en contact par chat avec un aidant.

 

En cas de cyber-harcèlement avéré, comment peut-on intervenir sur ces réseaux ?

Première étape : signaler le ou les contenus indésirables. Un bouton étant présent pour ce faire sous chaque contenu. Le signalement sera traité prioritairement si l’on a moins de 18 ans et les publications incriminées radiées. Mais, bien entendu, ce contrôle est impossible en cas d’envois par texto ou mail.

Deuxième étape : passer par une association en ligne directe avec Facebook, comme e-Enfance, laquelle peut nous contacter rapidement. Et, en cas de crise grave, porter plainte.

 

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ZOOM

Chiffres-clés

  • Plus de 700 600 élèves, soit près d’un enfant sur dix, subissent chaque année une situation de harcèlement entre le CE2 et le lycée (5 à 12 % dans le primaire, 7 à 10% au collège (3), 1,3 à 3,4% au lycée (4)).
  • 47 % des 13-17 ans déclarent avoir déjà subi une agression en ligne (5).
  • 22 % des enfants harcelés n’en parlent à personne. 
  • 61 % des élèves harcelés disent avoir des idées suicidaires. 3 à 4 adolescents se suicideraient chaque année du fait de ces insultes en ligne.

Informations et contacts

  • Le site internet nonauharcelement.education.gouv.fr, qui recense l’ensemble des ressources autour de la lutte contre le harcèlement scolaire, notamment des fiches pratiques et des guides thématiques à destination des parents.
  • Numéro Vert Non au Harcèlement : 3020. Appel gratuit, du lundi au vendredi (9h-20h), et samedi (9h-18h).
  • Cyber harcèlement : Numéro Vert « Net Ecoute » (anonyme et gratuit) : 0800 200 200. Du lundi au vendredi, 9h-19h. 

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