EDUCATION

Bâtiments scolaires : la sécurité au centre des attentions

HD-408---securite-SipaDouze millions d’élèves fréquentent chaque jour les établissements scolaires. Pour éviter au maximum qu’ils ne se blessent, des processus précis s’appuyant sur de nombreuses normes ont été mis en place.

 

C’est la hantise de tous les personnels de l’Education nationale… et des parents ! Chaque année, des milliers d’enfants sont victimes d’accidents dans l’enceinte de l’établissement ou lors de sorties scolaires. Rien que sur l’année 2017-2018, l’Observatoire national de sécurité des établissements d’enseignement (ONS) en a recensé plus de 23.000 ! Heureusement, dans la grande majorité des cas, les conséquences sont minimes. La plupart du temps, les équipements ne sont même pas en cause. Il n’en reste pas moins que pour l’État et les collectivités locales, limiter les risques auxquels sont exposés les élèves demeure une priorité absolue. Pour tendre vers cet objectif, un arsenal de mesures contraignant mais nécessaire s’est progressivement imposé.

Cela commence dès la construction du bâtiment. En tant qu’établissements recevant du public (ERP), les écoles, les collèges et les lycées doivent respecter un certain nombre de règles d’urbanisme. La disposition des bâtiments, la largeur des couloirs, le nombre d’ouvertures, la résistance des vitrages, mais aussi les éclairages, les chauffages, le réseau électrique, les garde-corps… Tous ces éléments et bien d’autres sont soumis à des normes précises que les architectes doivent impérativement respecter. Plus les bâtiments sont récents et plus celles-ci sont nombreuses. Désormais, le moindre bâtiment neuf est censé être équipé de portes coupe-feu, de dispositifs limitant les risques d’écrasement des doigts ou encore de systèmes de protection acoustique, entre autres. Les équipements en lien avec la sécurité anti-incendie font l’objet d’une attention particulière. Tous les établissements scolaires doivent notamment être munis de systèmes de détection de fumée et d’extincteurs et les issues de secours être équipées de systèmes d’ouverture permettant une évacuation rapide en cas d’urgence.

Un certain nombre d’informations doivent par ailleurs être affichées. Un plan des lieux doit être apposé à l’entrée des locaux afin d’aider les pompiers à s’orienter en cas d’intervention, des plans d’évacuation doivent être accrochés dans les couloirs, des consignes de sécurité doivent figurer dans chaque pièce et des affichettes rappelant l’interdiction de fumer dans les locaux doivent être mises à la vue de tous.

 

Une multitude de registres à tenir à jour

Une fois le bâtiment ouvert au (jeune) public, son entretien fait lui aussi l’objet d’un encadrement strict. Les locaux doivent être nettoyés chaque jour selon un protocole précis. Les équipements (chauffage, ventilation, ascenseurs, réseaux d’eau, de gaz, d’électricité…) doivent être inspectés régulièrement, en général chaque année. La moindre intervention ou réparation doit d’ailleurs être consignée dans un registre conservé par le chef d’établissement. Un autre registre recense tout ce qui a trait à la sécurité incendie, comme la révision des extincteurs, les tests des détecteurs de fumée ou la vérification des issues de secours, et pour s’assurer que tout est en ordre, une commission de sécurité se rend sur place régulièrement, tous les 5 ans en général. Composée de représentants de l’Etat, de la collectivité locale, des forces de l’ordre, des pompiers et de l’établissement, elle est en charge de vérifier que les systèmes de sécurité sont en état de fonctionner et que les règles de sécurité sont respectées (que les affichages sont au bon endroit, que les issues de secours ne sont pas encombrées, etc.), puis émet un avis. Si celui-ci est défavorable (c’est le cas dans environ 10 % des cas), une série de préconisations sont émises. Il revient ensuite à l’autorité compétente de se prononcer sur une éventuelle fermeture qui, dans les faits, reste exceptionnelle.

 

HD-408---securite-2Une responsabilité partagée

Les registres liés aux travaux d’entretien et à la sécurité ne sont pas les seuls documents officiels que les établissements doivent tenir à jour. Il y en a un aussi pour les éléments liés à la santé des personnels, un autre pour les mesures de prévention de la légionellose, un autre encore pour recenser la présence d’amiante dans l’établissement. D’autres registres permettent aussi de suivre l’état des aires de jeux, l’entretien des équipements sportifs ou encore la qualité sanitaire des repas servis à la cantine. Une attention particulière doit également être accordée aux produits chimiques que l’on peut trouver dans certaines salles de classe (cours de physique-chimie notamment), dans les locaux d’entretien ou à l’infirmerie. Ceux-ci doivent être scrupuleusement étiquetés et répertoriés dans un registre dans lequel doivent figurer, pour chacun d’entre eux, les risques potentiels et la conduite à tenir en cas d’exposition inadaptée.

Si un accident survenait, la responsabilité du propriétaire du bâtiment (la ville pour les écoles, le conseil départemental pour les collèges ou le conseil régional pour les lycées) pourrait être engagée s’il s’avérait que les contrôles nécessaires n’avaient pas été réalisés correctement. Mais les personnels de l’Education nationale pourraient également être inquiétés s’il était établi que certaines informations n’avaient pas été diffusées correctement aux élèves ou au personnel ou si des actions de prévention obligatoires n’avaient pas été menées. En primaire, par exemple, il revient aux directeurs d’école de veiller à ce que les élèves se lavent régulièrement les mains, que les locaux soient aérés chaque jour et que chacun connaisse la conduite à tenir en cas d’urgence. Pour cela, chacun d’entre eux est tenu d’organiser tous les ans un Plan particulier de mise en sûreté (PPMS) Risques majeurs. Au cours de cet exercice de sécurité grandeur nature, les personnels et les élèves sont censés apprendre en conditions réelles la conduite à tenir en cas d’incendie ou de catastrophe naturelle ou technologique.

 

Un dispositif sans cesse renforcé

Au fil des années et des événements tragiques, les normes de sécurité n’ont cessé de se renforcer. Ce fut le cas notamment après les tempêtes de 1999 et après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001. Ce fut aussi le cas après les attentats de 2015. Le ministère de l’Education nationale avait, dans la foulée, débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros pour aider les collectivités locales et les établissements privés sous contrat à renforcer la sécurisation de leurs bâtiments en vue d’une éventuelle intrusion violente, la sensibilisation des enseignants à la sécurité avait été renforcée, un guide pratique sur la sécurisation des établissements scolaires avait été diffusé aux collectivités locales.

Depuis, les clôtures autour de certaines écoles ont été réhaussées, des interphones ont été installés dans des classes et des mairies ont mis à la disposition des enseignants de leur commune des systèmes leur permettant d’alerter leurs collègues en cas de danger imminent. Certains lycées ont également été équipés de grilles infranchissables et de portiques de sécurité. Surtout, depuis 2016, tous les établissements doivent réaliser tous les ans un deuxième PPMS baptisé, lui, Attentat-Intrusion, au cours duquel élèves et adultes apprennent à se comporter en cas d’intrusion terroriste. Depuis, d’autres normes sont encore apparues. La dernière en date concerne la qualité de l’air intérieur. Depuis l’année dernière, un contrôle des systèmes d’aération et des tests de toxicité de l’air ambiant doivent être réalisés au moins tous les 7 ans dans les écoles maternelles et élémentaires, par exemple.

Dans la pratique, tous les établissements ne respectent pas parfaitement l’ensemble de ces consignes. Quant aux collectivités locales, elles n’apportent pas toujours l’attention nécessaire à l’entretien de leurs bâtiments. En 2016, plusieurs centaines d’écoles marseillaises avaient ainsi été déclarées insalubres. Un grand programme de rénovation, en partie financé par l’Etat, avait été lancé. Deux ans plus tard, si des avancées avaient été réalisées, les travaux nécessaires étaient encore loin d’être tous achevés.

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ZOOM

Les cours d’EPS en première ligne

Sur l’année 2017-2018, l’ONS a recensé pas moins de 23 571 accidents survenus pendant le temps scolaire, dont 12 617 en primaire, 9 970 en secondaire et 984 dans des établissements agricoles. Dans le secondaire, par exemple, ces accidents ont abouti le plus souvent à une plaie (29,8 % des cas), à une fracture (18,9 %) ou à une contusion (18,6 %). Dans 56,5 % des cas, l’accident a eu lieu en cours d’EPS. La gymnastique, le basketball et le handball sont les sports les plus accidentogènes.

 

Accessibilité, « peut mieux faire »

Depuis le 1er janvier 2015, tous les bâtiments recevant du public (ERP) sont censés être accessibles aux personnes porteuses de handicap. Sur le terrain, si des progrès indéniables ont été réalisés, la situation est encore loin d’être idéale. Il n’est pas rare qu’un établissement se présente comme accessible alors que des marches empêchent l’accès à certaines salles ou que des portes sont trop étroites pour laisser passer un fauteuil roulant.

L’ONS, qui est chargé de surveiller l’accessibilité des bâtiments scolaires, a également alerté sur le fait que les élèves porteurs de handicap étaient trop souvent mal pris en charge lors des exercices d’évacuation.

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itw-408---JM-SCHLERET2014POINT DE VUE

Jean-Marie Schléret, président de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS) – ancien président national de la Peep (1980-1986)

 

« En 30 ans, la sécurisation des établissements scolaires s’est nettement renforcée, surtout depuis que la gestion des bâtiments scolaires a été confiée aux collectivités locales. Mais il y a toujours à faire. Après les événements de 2015, par exemple, une attention toute particulière avait logiquement été portée aux risques d’intrusion, mais l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen le 26 septembre dernier a rappelé à tout le monde que les risques liés aux catastrophes naturelles ou technologiques ne devaient pas pour autant être négligés. A la lumière de ces événements récents, il me semble primordial que soit réalisé rapidement un état des lieux complet, afin notamment de s’assurer que les consignes de sécurité sont respectées et que les exercices de protection des élèves et des personnels sont correctement réalisés. De par son indépendance, l’ONS me semble le mieux placé pour effectuer un tel état des lieux. Les projets du gouvernement visant à le dissoudre ne vont pas dans le bon sens. »

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