EDUCATION

Dédoublement des CP et CE1 : premiers bilans !

HD-405---CP---AFP-1Mesure-phare de la gouvernance de Jean-Michel Blanquer, le dédoublement des classes de CP, puis de CE1, en REP et REP+, a été mis en place depuis septembre 2017 et s’échelonne sur trois ans. Quels sont les premiers retours ? Comment peut-on les quantifier ? Notre enquête de terrain.

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Face au constat alarmant concernant la maîtrise des savoirs fondamentaux – 20 % des élèves ne les maîtrisent pas à la fin de l’école primaire –, le ministère de l’Education nationale, sous l’autorité de Jean-Michel Blanquer, a mis en place depuis septembre 2017 le dédoublement des classes de CP, puis de CE1 sur trois ans, au sein des établissements classés en REP+ et en REP (Réseaux d’Education Prioritaire).

60 000 élèves ont déjà bénéficié de ce dispositif et les premiers résultats de l’évaluation scientifique menée par la DEPP* sont positifs. Conformément aux études françaises et internationales, ils confortent le lien entre la baisse très significative du nombre d’élèves par classe et l’amélioration des résultats des élèves.

 

Une personnalisation propice à l’égalité des chances

La DEPP a conduit l’évaluation auprès de deux groupes d’élèves de CP aux profils proches, l’un ayant bénéficié du dédoublement (en REP+), l’autre non. Les compétences des élèves ont été mesurées au début et à la fin de l’année scolaire 2017-2018, en maîtrise de la langue française, en mathématiques et sur des aspects « non cognitifs » tels que le bien-être, la motivation pour les apprentissages et l’estime de soi. Interrogés sur les bénéfices induits par la réduction de la taille des classes, les enseignants sont dithyrambiques ! 96,5 % des professeurs concernés rapportent une meilleur compréhension des modes de raisonnement des élèves, 98,5 % une meilleure identification des besoins des élèves et 82 % une meilleure dynamique de la classe.

« Les enfants apprennent mieux et plus vite en travaillant par groupe et ce système favorise la proximité et l’intervention personnalisée de l’enseignant ! », confirme Annaïck Therizols, enseignante à Paris. Travailler avec un effectif resserré favorise en effet le travail par petits groupes, propice au soutien des élèves les plus en difficulté. « Cela permet également d’avoir des groupes plus dynamiques pour les lecteurs, c’est particulièrement stimulant ! », ajoute la professeure des écoles.

L’évaluation indique que les professeurs de CP dédoublés décrivent des « classes mieux disposées aux apprentissages scolaires, où les élèves sont plus attentifs, plus concentrés, plus efficaces dans leur travail et plus motivés. Ils présentent moins de difficultés de comportement, de lecture et d’apprentissage ». Les différents témoignages et résultats corroborent l’atteinte des objectifs initiaux, tant sur la personnalisation accrue des pratiques des enseignants que sur l’amélioration du climat scolaire et des conditions de travail des professeurs.

 

HD-405---CP---AFP-2Evolution des pratiques pédagogiques

« Les enseignants choisis, volontaires et expérimentés, ont bénéficié de 9 journées de formation dans le cadre de cette mesure et la municipalité a été très réactive afin d’aménager les classes, en termes de mobilier… », explique Régis Gardes, directeur du groupe scolaire Jean Macé à Sarcelles (Seine-Saint-Denis). Car la question de la place allouée au dédoublement de ces classes a trouvé des réponses différentes d’une école à l’autre, selon la surface disponible. Certains, comme le groupe scolaire Jean Macé à Sarcelles, ont pu dédoubler physiquement les classes, tandis que d’autres comme l’école élémentaire Goubet, ont constitué des binômes de professeurs enseignant auprès de groupes de 24 élèves. « Alors qu’auparavant je ne pouvais pas décloisonner seule, on peut désormais travailler en ateliers, petits groupes et innover dans nos pratiques en préparant nos séances à deux ! » se réjouit Annaïck Therizols.

 

Des enseignants spécialement formés

Ce fonctionnement vient également transformer le travail des enseignants, plus habitués à gérer seuls leur classe, mais avec des effets très positifs. « Le travail d’équipe entre ces enseignants volontaires s’est mis en place très rapidement et cela a très vite changé la donne ! », confirme Régis Gardes. Les résultats de l’évaluation précisent que les professeurs se distinguent par des pratiques pédagogiques « plus actives et davantage orientées vers la différenciation ». Pour l’enseignement du français, les professeurs se distinguent également « par le recours plus fréquent à des pratiques individualisées et à l’enseignement systématique du code alphabétique ».

Dans le cadre de cette mesure, l’enquête précise également que les enseignants de CP dédoublés sont plus nombreux à avoir bénéficié en 2017-2018 d’une formation d’au moins 6 heures consacrée spécifiquement au niveau CP. Les enseignants interrogés ont apprécié cet accompagnement par l’Education nationale dans la mise en place du dédoublement : « Les formations sont de qualité et m’ont donné de bonnes pistes pédagogiques », témoigne Guillaume Alcaraz, l’enseignant binôme d’Annaïck Therizols.

 

HD-405---CP---3Impact immédiat sur les compétences des élèves

Les impacts de ces changements pédagogiques sur les compétences des élèves durant l’année 2017-2018 ont été immédiats, comme le démontre l’enquête : l’effet est de 8 % d’écart-type en français et de 13 % en mathématiques, en faveur des élèves de REP+, par rapport au groupe témoin.

Cet effet est statistiquement très significatif : les élèves de classes dédoublées ont en fin de CP des résultats supérieurs aux élèves issus de classes ayant des caractéristiques similaires mais n’ayant pas étudié dans des classes de taille réduite. Cet effet se vérifie particulièrement pour les élèves en très grande difficulté, qui étaient 40 %  sur les 60 000 élèves scolarisés en CP REP+ l’an dernier (24 000 élèves) : le dispositif permet une baisse de cette proportion d’élèves de 7,8 % en français et de 12,5 % en mathématiques. Soit au terme de la première année, 2 000 élèves de moins en très grande difficulté en français et 3 000 de moins en mathématiques ! « Même s’il faut relativiser ce résultat, car il peut y avoir des effets de cohorte, dès la première année, nous avons réussi à n’avoir en CE1 aucun enfant non-lecteur ! » s’enthousiasme Régis Garde.

Si cette situation correspond à une première année de mise en œuvre, la mesure semble faire déjà ses preuves et indique que la voie empruntée est pertinente. Les constats positifs sont quasi unanimes, celui du ministre de l’Education en tête : « Le résultat est très bon !, s’est-il félicité fin janvier ; les 60 000 élèves concernés ont fait des progrès importants. On a monté le niveau de ceux qui étaient dans la plus grande difficulté. C’est ce que nous recherchions. »

A tel point que pourrait être envisagée une extension du dédoublement à d’autres niveaux de classe, en grande section de maternelle ou en CE2 notamment.

Elise Pierre

Note

* Evaluation menée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance sur l’évaluation de la mesure « Dédoublement des classes de CP en REP+ ».

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ZOOM

Le dédoublement en chiffres-clés

  • Rentrée 2017 : 2 200 classes de CP dédoublées en Rep+, soit 60 000 élèves concernés
  • Rentrée 2018 : 3 200 classes de CP en Rep, 1 500 classes de CE1 en Rep+. Au total, près de 190 000 élèves de CP et CE1 d’écoles Rep et Rep+ étudient désormais dans des classes dont les effectifs sont proches de douze élèves.
  • Rentrée 2019 : 700 nouvelles classes de CE1 en Rep+ et 3 200 classes de CE1 en REP.
  • Au total, 10 800 classes à 12 élèves de CP et de CE1 en Rep+ et Rep. Objectif septembre 2019 : 300 000 élèves bénéficiaires (20 % d’une classe d’âge).

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Itw-405---CP-Frédérique-Le-TEMOIGNAGES

Le groupe scolaire Jean-Macé à Sarcelles, classé REP+, bénéficie depuis la rentrée 2017 de six classes de CP à 12 élèves. Frédérique Leborgne, enseignante en CP depuis 27 ans, expérimente ces nouveaux modes d’apprentissage.

« Le bilan est très satisfaisant, on travaille bien mieux avec cet effectif resserré ! A 12 élèves, j’ai pu tous les accompagner à leur rythme et les amener très loin, en accompagnant notamment ceux qui en avaient le plus besoin. Cela a permis en CE1 qu’aucun enfant ne soit « non lecteur » ! Les résultats sont spectaculaires, en termes de compétences en lecture comme sur le langage, car à 12 ils peuvent s’exprimer plus souvent, et au moment des regroupements parler 2 ou 3 fois, sans attendre leur tour. Nous avons  pu faire des parties de Uno tous ensemble, des moments de partage et de parole qui font des ambiances de classes.

En REP+, nos élèves ont de gros déficits en termes de lexique, de syntaxe, certains ont des parents non francophones. Ils ont progressé sur le langage, la compréhension orale ce qui permet aussi de beaux progrès en lecture. On travaille tout ceci bien mieux avec cet effectif, c’est la magie de ces classes ! En lecture individuelle, ils ont tous les jours un temps privilégié avec l’enseignant et a minima deux moments d’échanges individuels pour vérifier que les stratégies ont été mises en place. Etant constamment sollicités, les enfants sont plus fatigués mais plus vite capables de travailler en autonomie. Ceux qui ont terminé ne s’ennuient pas, ceux qui ont besoin de progresser sont soutenus. Il restera le problème de les préparer ensuite à être en grand groupe lorsqu’ils arriveront en CE2 ! »

 

André Sadé, directeur, Guillaume Alcaraz et Annaïck Therizols, enseignants de l’école élémentaire Goubet à Paris 

Au sein de l’école élémentaire Goubet à Paris (19e), le dédoublement a été mis en place au sein des 5 CP, dont 2 classes à 12 élèves, les 3 autres étant organisées à 24 élèves, avec un binôme d’enseignants. « Faute de place à Paris, nous n’avons pas pu diviser physiquement certaines classes, aussi avons-nous sollicité les enseignants volontaires pour travailler à deux. Le travail d’équipe s’est mis en place très rapidement et nous avons été parfaitement accompagnés ! », témoigne le directeur, André Sadé.

Guillaume Alcaraz et Annaïck Therizols forment un de ces binômes. « Pouvoir travailler en petit groupe est vraiment positif ! Cela permet d’être plus à même d’aider les élèves en difficulté, tout en proposant des travaux de groupe plus dynamiques et stimulants pour les lecteurs. Et en termes d’idées pédagogiques, c’est plus riche ! », se réjouit cette dernière, qui souligne l’accélération des apprentissages, par comparaison aux années précédentes. « Travailler à deux apporte une belle proximité aux élèves, un enseignant menant la séance et l’autre observant les élèves, pour le meilleur suivi possible ! Nous avons par exemple 6 lecteurs qui travaillent seuls sur une histoire, 3 enfants en difficulté avec ma collègue, d’autres avec moi… Nous travaillons en ilot, ce qui permet aussi en mathématiques beaucoup de manipulation par ateliers », complète Guillaume Alcaraz.

Outre le dédoublement, l’école poursuit le décloisonnement. « Nous décloisonnons nos 3 CP pour former des groupes de compréhension pour les élèves qui sont décodeurs, avec des textes à leur portée, des ateliers dédiés aux lecteurs… C’est un vrai confort, les enfants apprennent mieux, plus vite et leurs acquis sont plus solides ! », complètent-ils.

 

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