EDUCATION

Harcèlement scolaire : oui à l’action, non au silence !

HD-404---harcelement-AFPPour combattre le harcèlement scolaire, des initiatives se multiplient à travers la France, et ce tout au long de l’année : désignations d’ambassadeurs, interventions dans les écoles, concours… Les élèves s’emparent du sujet pour mieux sensibiliser chacun aux risques du harcèlement.

-

Apolline, 13 ans, échange avec ses amies. Elles sont élèves en 4e, au collège La Fontaine à Antony (92) et, ensemble, elles doivent réfléchir à un projet vidéo. Le sujet ? Une jeune fille chahutée et moquée par un groupe d’élèves dans la cour de récréation. Chacune des amies propose des idées pour aborder ce sujet, emblématique d’un cas de harcèlement scolaire. « Ce travail nous permet d’aborder le point de vue de chacune. Nous n’avons pas été confrontées au harcèlement personnellement, même si nous savons que les moqueries sont faciles entre élèves. Mais le fait d’en parler entre nous, ça dédramatise aussi les situations, commente Apolline. Et nous savons que si un élève est en difficulté, il faut l’aider, ne pas faire semblant de ne rien voir. » Une fois montée, leur vidéo sera envoyée au concours « Non au Harcèlement » organisé chaque année par le ministère de l’Education nationale.

L’objectif de ce concours national est d’aborder la thématique du harcèlement par le biais de vidéos ou d’affiches créées par des élèves. Ainsi, le collège Rabelais à Metz (57) a remporté le concours l’année dernière dans la catégorie « vidéo pour des élèves de cycle 3 (CM1, CM2, 6e) ». « Le projet, initié par notre CPE (conseiller principal d’éducation), s’est inspiré de l’expérience d’une élève de 6e victime de harcèlement à l’école primaire, partage Chantal Capesius, principale du collège Rabelais. Toute sa classe s’est mobilisée derrière la réalisation de cette vidéo. Ils sont également passés dans toutes les autres classes du collège pour présenter leur film. Cela a permis de préciser ce qu’est le harcèlement scolaire pour mieux le prévenir. Ils en ont fait une information générale, diffusée à tous. » Cette vidéo, où l’élève subit les railleries des autres à cause de sa couleur de cheveux, a même été montrée aux écoles primaires voisines. La démarche a permis d’aborder cette problématique avec les futurs collégiens et de la définir avec les bons mots.

-

 

HD-404---harcelement-2Auteur ou victime ?

En effet qu’entend-on par harcèlement ? Selon l’Education nationale, le harcèlement scolaire a pour caractéristiques la violence et la répétitivité de propos dénigrants qui entraînent l’isolement de la victime. Les agressions touchent souvent le physique, mais aussi le genre (une fille trop masculine, un garçon trop efféminé), l’orientation sexuelle, le handicap (un trouble de la communication à cause d’un bégaiement par exemple) ou l’environnement social. « Les élèves peuvent contribuer à ce qu’un élève perde confiance en lui, car souvent le harcèlement fait résonance à un complexe ou à une différence. Quand un élève est touché, c’est qu’il se sent stigmatisé », souligne Régine Fontaine, référente académique de la lutte contre le harcèlement scolaire pour l’académie de Toulouse. Son rôle consiste notamment à assurer le suivi d’un cas de harcèlement signalé par les parents d’élèves. Avec son homologue (deux référents harcèlement sont nommés par académie et deux par département), elle vérifie que la situation est bien prise en charge sur le terrain, par le chef d’établissement. Ce dernier doit être tenu au courant de tous les cas de harcèlement, comme il doit en informer sa direction académique, le rectorat voire la police ou la gendarmerie pour les affaires les plus graves. Il doit aussi maintenir le contact avec les parents. Ces derniers le rencontrent lors d’un rendez-vous formel, notamment pour préciser les agissements et propos blessants dont a été victime leur enfant. Ils peuvent alors demander au chef d’établissement de prendre des mesures pour que le harcèlement cesse.

« Souvent, les parents considèrent que leur enfant n’est pas suffisamment protégé. Les familles pensent, à tort, que les auteurs ne sont pas pénalisés », intervient Régine Fontaine. Pourtant, les harceleurs passent en conseil de discipline, qui peut décider d’une période d’exclusion de l’établissement. Mais pour la référente académique, cela n’arrange pas forcément les choses. « Le harcèlement est un cercle vicieux : souvent, l’élève auteur a été lui-même victime à un moment donné », assure-t-elle. C’est pourquoi, elle tient à rassurer parents et élèves sur la prise en charge de cet événement, qui consiste aussi à rediriger l’élève victime pour qu’il soit écouté à l’extérieur de l’établissement.

Une autre partie de la mission du référent académique harcèlement a pour préoccupation de sensibiliser les élèves, mais aussi les personnels qui, mieux formés, pourraient mieux identifier les possibilités de harcèlement. « La communauté éducative ne voit pas toujours les situations de harcèlement ou quelque chose qui pourrait les présager. Or, il faut pouvoir désamorcer tout conflit qui pourrait donner lieu à du harcèlement ensuite : nous nous attelons donc à favoriser la formation. Le dispositif ambassadeurs lycéens va d’ailleurs s’ouvrir au dispositif ambassadeurs collégiens, qui seront formés par des représentants de leur établissement », ajoute Régine Fontaine. Les ambassadeurs ont en effet pour mission de nouer le dialogue avec leurs pairs pour faciliter les échanges et, donc, la parole (voir encadré).

-

 

HD-404---harcelement-1Un hackathon contre le cyber-harcèlement

Lorsqu’il est question de prévention du harcèlement scolaire, tout le monde est engagé. Il s’agit d’une action générale et commune, qui va au-delà du cercle infirmière scolaire – CPE – assistante sociale. C’est pourquoi de plus en plus d’enseignants se mobilisent, à travers l’enseignement civique et moral par exemple, mais aussi à travers des initiatives originales.

Outre la journée nationale de lutte contre le harcèlement (le 8 novembre), les bonnes idées se multiplient dans toute la France. En 2017, le lycée professionnel Salvador Allende à Béthune (62) a imaginé un Jeu de l’Oie, sorte d’outil de prévention, pour être diffusé au sein d’autres établissements du département. Ce support ludique a pour objectif d’apprendre aux élèves du CM1 à la 6e les risques liés au harcèlement.

Autre démarche originale, celle menée par le collège Jean-Jacques Rousseau à Lasbastide-Saint-Pierre (82), dont deux classes de 4e ont participé en novembre dernier à un hackathon, sorte de marathon d’une journée, sur le thème du harcèlement par sexting, c’est-à-dire la diffusion, par sms ou via les réseaux sociaux, de photos qui peuvent mettre en difficulté un adolescent.

Le point commun entre ces initiatives ? Rendre les élèves acteurs. « Ils ont beaucoup de choses à dire. Parfois, ils en savent même plus que les adultes », souligne Régine Fontaine. Pour Mme Forest, CPE du collège La Fontaine à Antony (92), tout réside dans un élément-clé : « le bien vivre ensemble ». « Les travaux réalisés avec les élèves pour dénoncer le harcèlement prennent différentes formes. Ainsi, chacun peut être touché d’une manière différente. Ce travail peut ensuite impliquer l’ensemble du collège, à une plus grande échelle. Le plus important est de faire réfléchir les élèves sur le bien-vivre ensemble. Chaque élève doit pouvoir comprendre que chacun a sa place dans l’établissement. Si le bien-vivre ensemble est acquis, normalement la problématique du harcèlement baisse », explique-t-elle. En abordant la question du harcèlement sous différents biais, chacun trouvera le ton ou la parole qui lui correspondra, permettant ainsi de briser la loi du silence.

-

__________

itw-404---harcelement-emma-INTERVIEW

Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et fondatrice du centre Chagrin Scolaire

Comment intervenez-vous au sein du centre Chagrin Scolaire ?

Lorsque nous recevons les enfants harcelés dans nos structures, nous privilégions un virage à 180° : nous identifions ce qui a déjà été fait pour aider la victime et ce qui n’a pas fonctionné. Souvent, l’enfant est dans l’évitement. Ce n’est que dans un second temps qu’il évoque ses problèmes à un adulte. Le risque est qu’il n’acquiert aucune confiance en ses compétences : il doit donc comprendre qu’il peut se défendre seul.

Il faut lui inculquer des ripostes pour faire tomber le harceleur de son piédestal. Souvent, il jouit d’une certaine popularité au sein de l’école, harceler est en quelque sorte se donner en spectacle.

 

Que faire en cas de cyber-harcèlement ?

Là aussi, l’idée est de favoriser la répartie. Sur le web, la structure harceleur/harcelé est identique, mais le public est plus grand, plus large. Le cyber-harcèlement est toujours provoqué par quelqu’un que l’enfant connaît déjà. S’il y a un risque via sa vie online, c’est qu’il souffre déjà de moqueries au quotidien, à l’école. En revanche, la répartie est plus facile derrière un écran : l’enfant a plus de temps pour la formuler.

 

Quel rôle pour les parents et les adultes si l’enfant doit se défendre seul ?

L’enfant doit apprendre à avoir sa propre répartie, à trouver en lui les ressources nécessaires pour se défendre, mais cela ne signifie pas qu’il doit rester seul. Les parents doivent aider les enfants à puiser dans leurs ressources. Ils doivent les entraîner pour que les phrases sortent plus naturellement une fois face au harceleur. En parallèle, nous formons de plus en plus de professionnels (infirmière scolaire, professeurs, CPE), pour qu’ils sachent mieux appréhender les cas de harcèlement.

-

__________

ZOOM

Chiffres-clés

. 5,6 % des collégiens déclarent être victimes de plusieurs formes de harcèlement. Ce dernier est près de deux fois plus important pour les garçons (7 % contre 4 % des filles).

. 7 % des collégiens disent subir des atteintes s’apparentant à du cyber-harcèlement (usurpation d’identité, vidéos humiliantes ou diffusion de rumeurs). Il est davantage subi par les filles (8 % contre 6 % pour les garçons).

Source : ministère de l’Education, décembre 2017.

 

Les ambassadeurs lycéens

Formés sur la problématique du harcèlement scolaire par l’académie, les ambassadeurs lycéens sont des relais entre les élèves victimes et l’équipe pédagogique d’un établissement. Le lycée Jacques Monod à Clamart (92) compte trois ambassadeurs lycéens. L’action de ces derniers est très étendue. Ils chapeautent en effet un groupe d’élèves qui veillent au quotidien à prévenir le harcèlement scolaire. Ils sont donc en tout 20 élèves à aller de classe en classe pour intervenir et sensibiliser leurs camarades sur le sujet, voire à se déplacer dans les écoles primaires et collèges de la ville de Clamart. « L’objectif est de libérer la parole et de permettre à des élèves de s’adresser plus facilement à leur pairs », souligne Mélanie Blino, CPE du Lycée Jacques Monod.

Les ambassadeurs lycéens de l’établissement envisagent également de produire une vidéo pour le concours Non au harcèlement. Ils espèrent mobiliser un certain nombre d’élèves, leur projet nécessitant des figurants. « Il s’agit de travailler sur le groupe et le sens des responsabilités de chacun », ajoute Mélanie Blino. Les ambassadeurs ont même créé une page Instagram pour revenir sur leur action et offrir un rapide compte-rendu des réunions anti-harcèlement qu’ils suivent avec l’équipe pédagogique.

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis