EDUCATION

Langues vivantes : la France toujours à la traîne…

HD-404---langues-3-SIPAMême si des progrès significatifs ont été réalisés, les jeunes Français ont toujours plus de mal que leurs homologues européens à parler des langues étrangères. De nouvelles mesures devraient voir le jour pour améliorer le niveau général.

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Le 12 septembre dernier, l’inspectrice de l’Education nationale Chantal Manès et le journaliste d’origine britannique Alex Taylor remettaient au ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer les conclusions de leur rapport sur l’enseignement des langues vivantes en France. Dans ce document de 72 pages, les deux rapporteurs émettaient plusieurs préconisations, parmi lesquelles rendre l’apprentissage de l’anglais obligatoire pour tous les élèves, renforcer l’usage du numérique dans l’enseignement des langues étrangères, favoriser la mobilité des enseignants à l’étranger et multiplier les recrutements de locuteurs natifs.

Le rapport Manès-Taylor proposait en outre de réduire le temps de chaque séance de langue à 20 minutes au primaire et à 45 minutes dans le secondaire et de faire évoluer le système de notation de manière à ce qu’il valorise les réussites plus qu’il ne souligne les erreurs.

 

Des initiatives pour rattraper le retard

Dispenser dès le CP des cours de mathématiques, d’histoire ou de sciences en anglais fait également partie de leurs propositions de manière à profiter des capacités des plus jeunes enfants à apprendre une langue étrangère. Cette dernière mesure, le ministre de l’Education nationale a d’ores et déjà annoncé vouloir la mettre en place rapidement. Jean-Michel Blanquer a également réaffirmé sa volonté de voir diffusés sur les chaînes de télé du service public plus de programmes en version originale sous-titrée, d’instaurer dès la session 2019 une épreuve de langue au concours de professeur des écoles et de donner aux candidats aux Capes la possibilité de présenter l’une des épreuves dans une langue étrangère. Ces mesures s’ajouteront aux initiatives déjà existantes, comme le retour depuis la rentrée 2017 des classes bilangues qui permettent aux élèves de commencer à apprendre une deuxième langue vivante dès la classe de 6e, les ateliers de pratique de la langue que des établissements proposent dans le cadre de leur accompagnement éducatif et les enseignements facultatifs « Langues et cultures » présents à l’emploi du temps de certains collèges.

Ces mesures seront-elles suffisantes pour faire en sorte que les jeunes Français rattrapent enfin leur retard en matière d’apprentissage des langues vivantes ? Il faut l’espérer, car pour l’instant, les efforts ne nous ont pas permis de quitter la queue de peloton. Selon la dernière enquête SurveyLang, les jeunes Français se classeraient à la quinzième place sur seize pays européens évalués en ce qui concerne l’apprentissage de la première langue vivante et à la douzième place pour ce qui est de la deuxième langue.

 

HD-404---langues-1Les effectifs et l’enseignement en primaire montrés du doigt

Le faible nombre d’heures de cours de langues vivantes, notamment au lycée (lire l’encadré « Jusqu’à 5h30 de langues par semaine »), mais surtout les effectifs trop importants seraient en grande partie responsables de ce retard. « Il est difficile d’interroger à l’oral tous les élèves quand on en a 35 par classe, déplore Jean-Luc Breton, le président de l’Association des professeurs de langues vivante (APLV). Il faudrait généraliser le travail en groupes restreints. Cela se fait en Estonie et ça fonctionne ! ».

L’autre axe de progrès concerne le primaire. Alors que les programmes stipulent que tous les enfants doivent commencer à apprendre une première langue étrangère dès le CP, dans la pratique, on est loin du compte. Il faut dire que sur ce point, tous les enseignants ne font pas preuve de la meilleure volonté qui soit. Si la plupart prennent ce rôle à cœur, beaucoup se contentent du strict minimum. Tous les professeurs des écoles sont censés avoir reçu une formation, mais force est de constater qu’elle était loin d’être suffisante pour permettre à chacun d’enseigner l’anglais dans de bonnes conditions. Des échanges de service entre enseignants sont également préconisés, mais dans les faits, ils ne sont pas systématiques. Quant aux recours à des locuteurs natifs ou à des professeurs de langue, faute de moyens suffisants, ils sont extrêmement rares. Ce manque d’uniformité de l’enseignement fait qu’en 6e, des élèves ayant de bonnes bases se retrouvent avec d’autres qui n’ont quasiment jamais fait d’anglais, obligeant les professeurs à reprendre le programme depuis le début. Face à ce nivellement par le bas à l’entrée au collège, l’uniformisation des apprentissages au primaire devient très urgente.

 

De réelles avancées à souligner

Ce sombre état des lieux ne doit pas pour autant occulter les nombreux progrès accomplis. « Il ne faut pas se dévaloriser inutilement. Personnellement, je trouve le niveau des élèves français très correct, constate William, un professeur d’anglais de lycée très présent sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme MsieurLeProf. Les cours de langues n’ont plus rien à avoir avec ceux d’il y a 20 ou 30 ans. Cela fait longtemps que les enseignants appliquent la méthode actionnelle qui veut qu’on ne consacre plus de cours spécifiques à chaque règle de grammaire ou de conjugaison, mais qu’on les enseigne en partant de documents qui parlent aux élèves. On s’attache aussi bien plus qu’avant à leur transmettre un vocabulaire qui leur soit utile. Au collège, par exemple, ils apprennent à demander leur chemin, à se présenter à un entretien d’embauche ou à passer une commande au restaurant. Au lycée, on s’appuie principalement sur des vidéos ou sur des articles de presse pour les faire parler. Certes, il existe des enseignants qui ont recours à d’anciennes pratiques, mais ils sont de moins en moins nombreux ».

Jamais non plus les enseignants n’ont eu accès à tant de contenus qu’aujourd’hui. Les enseignants du primaire peuvent notamment piocher parmi les milliers de ressources mises à leur disposition sur les plateformes Primlangues ou France TV Education. Ceux du secondaire peuvent se tourner entre autres vers le site Learning English de la BBC ou vers la plateforme Sharemylesson qui propose des leçons clé en main pour tous les niveaux. Les éditeurs de contenus pédagogiques ne sont pas en reste, à l’image de Bayard dont la méthode I love english school propose aux enseignants de primaire des progressions complètes basées sur des documents à projeter sur un tableau interactif et sur divers exercices d’évaluation.

 

Jumelages numériques

Et pour les enseignants qui veulent aller plus loin, eTwinning est là. Grâce à cette plateforme européenne, ils peuvent créer facilement de véritables « jumelages numériques » et faire en sorte que leurs élèves, de la maternelle au lycée, puissent échanger de manière sécurisée des documents écrits ou des vidéos avec des homologues du monde entier. Et ça fonctionne. « Le fait de travailler non pas pour avoir une bonne note mais pour pouvoir communiquer avec des jeunes de leur âge a poussé mes élèves à travailler plus. J’ai constaté que leur vocabulaire s’était rapidement enrichi et que leur accent s’est nettement amélioré », se réjouit Maryse Happe-Charrier, professeur d’allemand au lycée Montmajour d’Arles, qui a organisé un échange avec un lycée autrichien sur le thème de la triche au baccalauréat.

Même si de gros efforts restent à faire, ces initiatives commencent à porter leurs fruits. Plusieurs évaluations nationales ont d’ores et déjà montré une amélioration du niveau des élèves français en langues. Quant à la dernière étude du Cambridge English Language Assessment, elle note une progression de 4 points du critère « expression orale » des élèves français par rapport à la précédente étude.

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itw-404---langues-Philippe-POINT DE VUE

Philippe Ratinet, professeur des écoles en CM1 à l’école Charles Juliet de Jujurieux (01)

« Maîtriser l’anglais est tellement indispensable de nos jours que je m’efforce d’y accorder une large place dans ma classe. J’ai notamment pris l’habitude de consacrer chaque semaine une séance d’anglais au chant. Tout d’abord, je demande à mes élèves de choisir une chanson parmi une sélection, puis je leur fais écouter et les aide à repérer certains mots ou tournures de phrase. Après plusieurs séances, chacun doit pouvoir la chanter. Je les évalue alors individuellement sur ce qu’ils ont retenu pendant que les autres élèves travaillent en autonomie. Cela me prend du temps, mais ça en vaut la peine. Je profite aussi d’autres moments pour introduire l’anglais en classe. Si un élève souhaite aller aux toilettes ou boire, par exemple, il doit impérativement en faire la demande en anglais.

Il m’arrive aussi de leur faire faire du calcul mental en anglais, de leur parler en anglais lorsque l’on fait du base-ball en sport ou bien de profiter du travail sur l’heure en mathématiques pour leur apprendre à le faire également en anglais. Si mes élèves progressent bien, je trouve que le niveau de tous les élèves a tendance à s’améliorer, à tel point que de plus en plus de collègues de 6e travaillent sur les acquis du primaire, sans repartir de zéro. »

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ZOOM

Jusqu’à 5h30 de langues par semaine

Après une première approche sous forme de jeux et de comptines en maternelle, l’enseignement de la première langue vivante commence réellement au CP, à raison d’1h30 par semaine. Ce taux horaire monte à 4 heures en 6e avant de repasser à 3 heures à partir de la 5e, qui marque également le début des cours de LV2 (2h30 par semaine). Le quota de 5h30 de langues par semaine reste le même jusqu’à la classe de première où il passe à 4h30 puis à 4 heures en terminale.

 

Les parents en première ligne

En matière d’apprentissage des langues étrangères, les parents ont aussi leur rôle à jouer. Ceux qui en ont les moyens peuvent bien sûr payer à leurs enfants des cours individuels, des séances de discussion avec des locuteurs natifs, voire des séjours linguistiques. Mais il est également possible d’améliorer leur niveau sans dépenser des fortunes, en faisant écouter aux tout-petits des comptines en anglais, en regardant avec les plus grands des séries télé en version originale sous-titrée ou en paramétrant leurs jeux vidéo dans une langue étrangère. Il ne faut pas non plus hésiter à se rendre avec eux sur l’un des innombrables sites dédiés à l’apprentissage de l’anglais. Pour choisir le bon, demandez conseil à son professeur.

Notez que la Peep a noué un partenariat avec MyCow, une plate-forme en ligne proposant l’accès à un journal quotidien d’actualités internationales en anglais – en sonorisé sous différents accents – et offrant des niveaux de difficulté variables. Elle donne également accès à un cahier d’exercices, à un forum et à un volet d’aide à la traduction, à la prononciation, etc. MyCow propose aux adhérents de la PEEP une réduction sur tous ses prix.

 

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