EDUCATION

Elèves surdoués : vers une meilleure prise en charge ?

HD-403---surdoues-3Pour les enfants surdoués, la scolarisation n’est pas un moment toujours facile à vivre. Dans chaque académie, des référents dédiés au sujet veillent cependant à bien orienter les familles et à soutenir les efforts des enseignants. L’objectif est de créer un environnement adapté à l’épanouissement de l’élève.

-

On les appelle enfants intellectuellement précoces (EIP), surdoués ou à haut potentiel intellectuel. Si l’Education nationale retient la première formule, le grand public lui y voit surtout des « intellos ». Plus affectueusement, les élèves au quotient intellectuel supérieur sont aussi surnommés « zèbres », une expression qui fait référence à la métaphore créée par la psychologue française Jeanne Siaud-Facchin en 2 000. Quoi qu’il en soit, leur parcours scolaire est loin d’être facile. C’est l’expérience qu’en retient Alexandra Reynaud, auteure du blog et du livre, « Les Tribulations d’un petit zèbre ».

Détecté haut potentiel intellectuel à l’âge de 4 ans, son fils Elijah s’est heurté à l’hostilité de son enseignante de grande section de maternelle. « Face à la surdouance de mon fils, la maîtresse était aussi perdue que moi. Or, Elijah maîtrisait déjà la lecture et il avait besoin d’être avec des plus grands que lui. L’enseignante, aussi directrice de l’école, a bloqué toute possibilité de saut de classe. Notre enfant a très mal vécu le fait de rester avec des enfants qui n’avaient pas les mêmes besoins que lui », partage Alexandra Reynaud. L’année suivante, en CP, la nouvelle enseignante d’Elijah se révèle plus conciliante : elle a compris la spécificité du jeune garçon et demande à lui faire sauter une classe, pour aller en CE1.

Les années passent, et avec elles les équipes pédagogiques. Pour les parents d’Elijah, c’est à chaque fois la roulette russe. « En 6e, les encadrements laissaient à désirer. Les difficultés relationnelles ont alors éclaté. Les effectifs étaient plus nombreux, avec une mentalité différente chez les enfants devenus adolescents. Pour Elijah, cela a été une année de harcèlement moral et physique », regrette la mère. Déscolarisé à partir de la 5e, Elijah accepte de rejoindre les bancs scolaires à partir de la seconde. C’est aujourd’hui un élève épanoui en classe de terminale et âgé d’à peine 14 ans. C’est aussi en 5e que ses parents ont pu rencontrer le référent précocité de leur académie, une fonction qui n’existait pas encore au début du parcours scolaire de leur fils. Ce référent précocité, ou référent EIP (Enfant Intellectuellement Précoce) les a soutenus dans le projet de déscolarisation, qui était alors une nécessité pour le bien-être d’Elijah.

 

HD-403---surdoues-1Méconnaissance de la surdouance

Les référents EIP sont des relais entre les familles et les équipes pédagogiques des établissements scolaires. Clairement identifiés sur les sites de chaque académie, les familles peuvent les contacter en quelques clics. « L’objectif est de mieux prendre en compte ces publics scolaires que sont les enfants intellectuellement précoces, souligne Isabelle Barbier, inspectrice co-chargée de la mission EIP en Gironde. Il y a beaucoup de représentations sur ces élèves qui sont erronées, aussi bien dans la tête des enseignants que des parents, et du grand public. Notre rôle est donc d’être accessibles pour mieux accompagner les familles. Nous pouvons aussi apporter un éclairage sur l’aspect pédagogique, sur la prise en charge de tel ou tel élève : nous sommes médiateurs de ressources. »

Méconnue, la surdouance effraie parfois. La détection des élèves n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un bilan officiel. De nombreux élèves intellectuellement précoces poursuivent une scolarité sans problème et sans avoir été détectés. D’autres manifestent un comportement qui peut alerter la famille, comme les enseignants : trouble de l’apprentissage ou au contraire forte avancée dans certaines matières, ennui, mal-être voire insolence envers l’enseignant…

De nature curieuse, l’enfant EIP pose beaucoup de questions et son côté « je-sais-tout » peut dérouter. Il peut aussi être brillant à l’oral mais maladroit à l’écrit. Une maladresse qui se manifeste également dans les activités manuelles ou sportives. Enfin, l’enfant EIP est hypersensible. Aussi, avec tous ces critères, difficile de se fonder un jugement solide. Pour cela, seul un psychologue spécialisé pourra aider les familles à placer un nom sur les spécificités de leur enfant. Si elles ne savent pas lequel choisir, elles peuvent solliciter l’aide d’associations dédiées aux enfants surdoués, comme l’Afep (Association française pour les enfants précoces) ou l’Anpeip (Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces). Elles lui fourniront un répertoire de professionnels reconnus.

 

HD-403---surdoues-2Tests de précocité

En France, deux tests prévalent pour mesurer l’efficience intellectuelle. Il s’agit des tests de Weschler, du nom de leur créateur, un psychologue américain : le WPPSI pour les enfants de 2 à 7 ans environ et le WISW de 6 à 16 ans environ. Ils se déroulent sur 3 heures, s’accompagnent d’un test de personnalité et comprennent un compte-rendu détaillé remis à la famille quelques jours plus tard. Un moment pas si évident à vivre. « J’avais tellement peur que le test soit positif que, de stress, j’en suis devenue aphone pendant plusieurs jours. Au final, mon fils a vécu ce passage chez le psychologue bien mieux que moi, car on a pu mettre des mots sur sa “différence” », se souvient Alexandra Reynaud. Si ces tests peuvent être sources d’angoisse, ils sont aussi un sésame pour la mise en place d’un projet éducatif adapté.

 

Respecter les besoins de l’élève

En effet, une fois l’enfant reconnu intellectuellement précoce et suite à la demande des familles, des aménagements peuvent être envisagés. Il peut s’agir d’actions menées en classe comme privilégier l’oral si l’enfant présente des difficultés à l’écrit, limiter les exercices répétitifs, proposer à l’élève des activités complémentaires le temps que les autres finissent leur travail, etc. A un autre niveau, l’élève peut participer à des séances d’apprentissage de la classe supérieure, s’il est particulièrement performant dans une matière. Enfin, il est possible également de lui faire sauter une classe.

Hélène Arrieta est enseignante spécialisée du Pôle Ressources de l’inspection académique du Puy-de-Dôme. Son quotidien est fait du suivi de ces jeunes surdoués, un public parfois en difficulté. « Nous essayons de faire au mieux en fonction de l’environnement de l’élève qui évolue dans une école plus ou moins conciliante, avec un enseignant plus ou moins enclin à l’adaptation. Parfois les parents pensent que la seule solution possible est le saut de classe, ce qui n’est pas forcément le cas, car tout dépend du profil de l’élève. Notre rôle est donc aussi de réunir tout le monde pour constituer une équipe éducative qui lui est dédiée et où la famille est associée. Enfin, il ne faut pas oublier de soigner les relations avec les autres élèves, qui peuvent s’avérer compliquées », développe-t-elle. Elle intervient alors avec sa collègue pour aider notamment les enseignants. Ces derniers sont les premiers à devoir s’adapter à ces enfants particuliers… sans pour autant laisser de côté les autres élèves.

-

__________

ZOOM

Chiffre-clé

2,3 % : c’est le taux d’enfants intellectuellement précoces, scolarisés de 6 à 16 ans, selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Cela représenterait environ 200 000 enfants en France.

-

__________

itw-403---surdoues---corinnPOINT DE VUE

Corinne Tran, référente EIP région académique Aix-Marseille et Nice

« Un dialogue doit s’établir entre la famille et l’équipe pédagogique »

« Le travail de la cellule EIP (Enfants Intellectuellement Précoces) de la région académique s’organise autour de deux axes. Le premier est d’accompagner les familles en répondant à leurs interrogations. Dans le secondaire par exemple, il s’agit souvent de questions d’orientation, voire de dérogations à la carte scolaire. Une autre sollicitation est le besoin de médiation avec l’établissement, car certains parents ne sont pas satisfaits de l’écoute qui leur est accordée. Il arrive en effet que l’établissement manque de formation. Mais parfois, les familles oublient tout simplement de l’informer de la précocité de leur enfant… Or, un dialogue doit s’établir entre la famille et l’équipe pédagogique.

Le second axe de notre travail consiste à assurer la formation continue des enseignants, notamment pour mieux accueillir ce public particulier que sont les enfants intellectuellement précoces.

La difficulté réside dans la diversité des profils d’élèves. Nous expliquons donc aux enseignants qu’en fonction du profil dans leur classe, il faudra privilégier un axe ou un autre. Par exemple, si un élève s’ennuie, il faut replacer son attention sur l’objet pédagogique, avec de l’approfondissement ou de l’enrichissement. Un autre élève n’aura aucun souci au niveau pédagogique, mais il exprimera un mal-être parce qu’il n’est pas intégré dans la classe. La problématique sera alors de réfléchir à comment créer du lien entre cet élève et le reste du groupe. Le but pour chaque élève EIP, c’est l’inclusion dans sa classe normale, sans étiquetage particulier. C’est pourquoi nous cherchons avant tout à former les équipes pour que l’élève se sente bien dans sa classe. »

-

__________

INTERVIEW

Monique Binda, présidente d’honneur de l’ANPEIP, Association nationale pour les enfants intellectuellement précoces

« La prise en charge des élèves surdoués s’améliore »

Quel est le rôle de l’ANPEIP ?

Notre objectif est d’abord de réconforter les parents, souvent démunis et confus face à la précocité. Quand elle n’est pas encore détectée, les retours qu’ont les parents du quotidien de leur enfant à l’école sont plutôt négatifs. Les enseignants parlent alors d’enfant déconcentré, qui n’écoute pas, etc.

Bien sûr, il y a aussi des enseignants qui connaissent la précocité intellectuelle et savent alerter les parents sur la nécessité d’un test chez le psychologue. En effet, notre travail consiste aussi à orienter les parents vers des psychologues spécialisés qui, à travers un test, valideront ou non la précocité intellectuelle de l’enfant. Nous organisons aussi des rencontres entre les parents, autour de sujets-clés. Cela leur permet de partager leurs difficultés. Chaque enfant est différent et chaque avance est différente.

 

L’ANPEIP existe depuis 1971. La prise en charge des élèves surdoués a-t-elle évolué ?

Oui, elle s’améliore même. Il n’y a qu’à voir la nomination récente des référents académiques EIP : les parents ont désormais quelqu’un à qui ils peuvent s’adresser. Ensuite, il est important qu’un accompagnement de l’équipe pédagogique se mette en place. Etre intellectuellement précoce suppose « juste » de devoir trouver l’accompagnement scolaire qui convient à l’enfant : un saut de classe, ou la mise en place de « compléments » pour l’occuper sur le temps de classe quand les autres élèves terminent leur exercice, par exemple. Il faut qu’il y ait, de la part de l’enseignant, l’écoute et l’acceptation de la différence.

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis