EDUCATION

Interdiction du téléphone portable à l’école et au collège

HD-402---portable-AFPDepuis la rentrée, les téléphones portables sont interdits dans tous les établissements scolaires, de la maternelle au collège. Si certains voient dans cette mesure un moyen d’améliorer le climat scolaire et de renforcer l’attention des élèves, d’autres émettent des doutes quant à l’intérêt d’une telle loi.

 

 

Le 7 juin dernier était votée à l’Assemblée nationale la loi interdisant les téléphones portables à l’école (loi parue au Journal officiel le 3 août). Depuis la rentrée de septembre, plus aucun élève de la maternelle au collège ne peut utiliser un « téléphone mobile ou tout autre équipement terminal de communication électronique » à l’intérieur des établissements ainsi que « pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule à l’extérieur de leur enceinte ». Une manière, selon le gouvernement, de renforcer l’attention des élèves, de favoriser leur concentration et d’améliorer leur capacité de réflexion.

« Les cours dispensés par les enseignants se trouvent en permanence concurrencés par d’autres sources d’information et de stimulation, et les élèves peuvent se disperser, expliquait devant les députés la rapporteure de la loi Cathy Racon-Bouzon. Plus largement, l’usage des téléphones à l’école, en dehors des cours, pèse sur le climat scolaire : les élèves s’enferment dans leur bulle ». L’interdiction des téléphones devrait aussi permettre de limiter la triche, de lutter contre le vol et le racket et de sensibiliser les élèves aux dangers de l’abus d’écrans.

 

Tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne

Depuis quelques années, quasiment tous les adolescents possèdent un téléphone dont ils ne se séparent presque jamais. Grâce à lui, ils consultent des sites Internet, s’envoient des messages, regardent des vidéos. Le smartphone leur permet aussi de prendre des photos et faire des films qu’ils peuvent, en quelques secondes, échanger avec leurs amis et diffuser sur les réseaux sociaux. Si le smartphone est un formidable outil de communication, il joue aussi un rôle non négligeable dans l’essor du cyberharcèlement, dans l’augmentation de la diffusion des vidéos à caractère pornographique et dans les problèmes de sociabilisation que rencontrent certains jeunes.

La nouvelle loi les fera-t-elle pour autant disparaître des établissements scolaires ? Rien n’est moins sûr. Car si le texte impose un principe général d’interdiction, il prévoit aussi un certain nombre d’exceptions. Celles-ci sont tout d’abord d’ordre pédagogique. Les établissements qui le souhaitent auront en effet la possibilité d’autoriser les téléphones dans le cadre des enseignements ou de certaines activités. A l’heure du numérique, on aurait mal compris qu’un enseignant n’ait pas la possibilité, s’il le souhaite, de profiter des atouts de ce terminal que la plupart des collégiens ont dans leur poche.

Les établissements auront également la possibilité d’accepter que les élèves utilisent leur portable dans certaines zones de l’établissement (dans la cour), à certaines heures de la journée (le midi ou le soir à la sortie des cours) ou sous certaines conditions (pour joindre leurs parents lorsqu’un cours est annulé ou sous réserve de l’accord de la vie scolaire, par exemple). Dès la rentrée, les conseils d’école dans le primaire et les conseils d’administration dans le secondaire devront recenser ces exceptions dans leurs règlements intérieurs. Au final, si la loi est la même pour tous, sur le terrain, tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne. Alors que certains élèves ne pourront pas toucher à leur téléphone de la journée, d’autres auront la possibilité de l’utiliser sous certaines conditions plus ou moins strictes.

 

HD-402---portable-2Le portable… au fond du cartable !

Outre les modalités d’application, la mise en œuvre de l’interdiction et les sanctions applicables aux contrevenants restent aussi à définir. Certains établissements, par exemple, pourraient décider de contraindre leurs élèves à déposer chaque matin leur téléphone dans un casier prévu à cet effet où ils le récupèreront en fin de journée. Néanmoins, pour des questions pratiques, la plupart des établissements devraient plutôt imposer à leurs élèves d’éteindre et de ranger au fond de leur cartable leur téléphone dès qu’ils franchiront les grilles de l’établissement. C’est cette solution qu’a choisie le conseil d’administration du collège Les Saules à Eybens (38) qui a instauré l’interdiction avec un an d’avance.

« A une époque où les jeunes passent leurs journées sur leur portable, il nous paraissait utile d’introduire chez les adolescents qui nous sont confiés l’idée que l’on peut se passer de son portable pendant quelques heures », justifie Sophie Ravanne, la principale du collège, qui ne voit dans cette mesure que des aspects positifs.

 

Des élèves partagés

Les élèves, eux, sont plus mitigés. Si certains d’entre eux disent s’ennuyer pendant les récréations depuis qu’ils n’ont plus accès à leur portable, d’autres reconnaissent les bienfaits de la mesure, à l’image de Loan, un élève du collège Les Saules : « Avant, dès que j’avais un moment, je jouais sur mon portable et j’allais sur les réseaux sociaux, mais maintenant, je discute plus avec mes amis ».

 

HD-402---portable-1Les surveillants sollicités

L’interdiction n’est toutefois pas sans conséquences. Les surveillants doivent faire preuve d’une attention accrue et d’une bonne organisation dans la gestion des sanctions.

Au collège Les Saules, par exemple, lorsqu’un surveillant prend un élève en flagrant délit d’utiliser son téléphone dans l’enceinte de l’établissement (cela se produit 5 à 6 fois par semaine), il le lui confisque. Lorsque l’incident se produit pour la première fois, l’élève peut venir récupérer lui-même son téléphone à la fin de la journée. Mais en cas de récidive, le téléphone est rangé dans le coffre-fort de l’établissement et les parents sont prévenus de manière à ce qu’ils viennent eux-mêmes chercher le téléphone. Cette procédure prend du temps et nécessite une bonne dose d’organisation : que les téléphones ne soient ni abîmés ni perdus, qu’ils soient remis au bon propriétaire, etc.

 

L’utilité de la loi en question

Si la volonté d’interdire les téléphones au sein des établissements scolaires peut se justifier, l’utilité d’une loi pour y parvenir est, en revanche, loin d’être évidente, le code de l’Education donnant déjà la possibilité aux établissements scolaires qui le souhaitaient d’interdire l’usage du téléphone portable. Il leur suffisait pour cela de préciser dans le règlement intérieur les usages interdits.

 

Pour un usage responsable du numérique

Mais, selon la rapporteure de la loi, la députée LREM Cathy Racon-Bouzon, « cette loi permettra de renforcer l’assise juridique de l’interdiction, tout en laissant une certaine autonomie aux établissements, puisque leur règlement intérieur peut définir des lieux où le téléphone peut être utilisé et dans quelles conditions. Cette mesure s’inscrit aussi dans une perspective plus large qui vise à renforcer l’éducation des enfants et des adolescents au numérique, et notamment à un usage responsable et éclairé d’internet et des réseaux sociaux ».

Pourtant, dans la pratique, la loi ne devrait pas changer grand-chose, la plupart des établissements ayant déjà réfléchi à la question des portables et à la meilleure manière d’encadrer leur usage. Il leur suffira de modifier leur règlement intérieur pour adapter ces règles au nouveau contexte juridique. Le texte aura néanmoins eu un effet positif, celui de respecter une promesse de campagne du président de la République Emmanuel Macron.

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Capture d’écran 2018-09-05 à 19.54.49POUR EN SAVOIR PLUS

Vade-mecum

Le ministère de l’Education nationale a publié un vade-mecum sur l’interdiction du téléphone portable à l’école et au collège. A découvrir ICI.

 

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ZOOM

Le téléphone, écran préféré des ados

En quelques années, le téléphone est devenu l’accessoire indispensable des jeunes. En 2017, 92 % des 12-17 ans en possédaient un (dont 86 % un smartphone), soit 4 fois plus que 6 ans auparavant.

La grande majorité d’entre eux (79 %) l’utilisent principalement pour regarder des vidéos, notamment sur Youtube. Ils n’étaient que 45 % à le faire en 2016. Viennent ensuite les réseaux sociaux, Facebook et Snapchat en tête.

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itw-402---PVincentPOINTS DE VUE

Philippe Vincent, proviseur et secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale (Snpden-Unsa)

« Même si nous attendons encore des précisions sur la manière dont les chefs d’établissement devront appliquer cette loi, je ne pense pas que le texte qui a été voté changera radicalement la donne. Certes, il va obliger les chefs d’établissement à mettre le sujet à l’ordre du jour du premier conseil d’administration de l’année. Il faudra alors qu’une majorité se prononce en faveur de la réécriture du règlement intérieur. Dans le cas contraire, l’interdiction sera totale. Certains établissements pourraient en profiter pour modifier la manière dont ils gèrent les téléphones mais je suis certain que la majorité d’entre eux se retrouveront dans une situation identique à celles qu’ils connaissaient avant. Dans de nombreux établissements, en effet, les portables ne posent pas de problème particulier. Quant à ceux qui ont rencontré des soucis à cause des téléphones, ils ont déjà pris les mesures qui s’imposaient. On avait le sentiment que le sujet était tranché. »

 

itw-402---PNiemecPhilippe Niemec, principal du collège Georges Besse de Loches

« Dans mon collège, nous avons interdit les portables dès la rentrée 2017, après avoir découvert que des vidéos à caractère pornographique étaient visionnées dans l’enceinte de l’établissement et que des photos prises par des élèves dans les toilettes de l’établissement circulaient. Cette décision répondait aussi à une attente de la vie scolaire et des parents qui s’inquiétaient de voir les jeunes constamment les yeux rivés sur leur écran. Désormais, les portables doivent être rangés de manière à ce qu’on ne les voie pas. Si un élève est surpris avec un téléphone à la main, l’appareil est confisqué. Seul un tuteur pourra venir le récupérer.

Nous avons expliqué aux représentants d’élèves que cette mesure n’avait pas pour but de les brimer, mais de limiter certains abus et de les protéger.

Nous avons également relancé des activités de cour pendant les pauses et instauré une éducation aux médias. Nous sommes conscients que cette mesure n’a pas changé le rapport qu’ont les élèves avec leur téléphone et qu’elle n’a pas vraiment fait évoluer le climat scolaire, mais au moins, les problèmes liés aux portables ont disparu. Et même certains élèves reconnaissent que cette interdiction a eu un impact positif. »

 

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