EDUCATION

Formation aux premiers secours : l’école aux avant-postes

HD-401---secours-2-SIPADepuis plus de 10 ans, tous les élèves doivent être formés aux gestes de premiers secours au primaire et dans le secondaire. Cet apprentissage est même revenu au premier plan avec le renforcement des risques d’attentat que traverse la France. Pourtant, dans la pratique, tous les élèves ne sont pas logés à la même enseigne…

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Position latérale de sécurité, massage cardiaque, compression… ces notions ne doivent plus avoir de secret pour les jeunes quittant le système scolaire. Après avoir longtemps été facultatif, l’apprentissage du secourisme est devenu obligatoire il y a une dizaine d’années. Le décret du 11 janvier 2006 impose l’enseignement pour tous les élèves des gestes qui, un jour, pourront peut-être leur permettre de sauver une vie.

Au primaire, tous les élèves sont censés suivre le module « Apprendre à porter secours » (APS) qui s’étale sur les trois cycles. En maternelle, les enfants apprennent par exemple à repérer les situations de danger, à identifier les risques potentiels (en s’appuyant sur des images, par exemple) et à appeler le 15. En CE1 ou en CE2, ils découvrent comment réagir dans le cas où ils se retrouveraient face à une fracture, à une brûlure ou à un saignement. Ils apprennent également à effectuer quelques gestes basiques et à différencier les numéros d’appel d’urgence (le 15, le 17, le 18 et le 112). Enfin, au cycle 3, ils découvrent comment réaliser des compressions et des massages cardiaques, apprennent à mettre une victime en position latérale de sécurité et à agir face à un traumatisme ou à une brûlure grave, etc.

Ces apprentissages prennent souvent la forme d’ateliers au cours desquels les élèves sont mis dans des situations auxquelles ils pourraient, un jour, être confrontés. « La mise en place de scénettes fonctionne bien à condition de prendre un certain nombre de précautions », prévient Magali Allafort-Duverger, conseillère pédagogique de circonscription (CPC) de la Vienne (86), qui met à la disposition des enseignants de son département une progression APS qu’elle a élaborée. « Pour ma part, je conseille toujours aux enseignants de ne pas simuler l’accident devant les élèves, de ne leur montrer que les bons gestes (et non ceux qu’il ne faut pas faire) et de réaliser les fausses blessures devant eux pour ne pas les perturber. Il est aussi préférable, à la fin de la séance, de dialoguer avec les élèves afin qu’ils aient l’occasion de faire part de leur ressenti ».

 

Un recours fréquent à des intervenants extérieurs

Chaque enseignant de primaire est censé pouvoir dispenser ces formations et remettre aux élèves l’attestation validant leur participation au module APS. Ils peuvent être aidés en cela par le chargé de mission secourisme de leur académie. Dans la pratique, pourtant, beaucoup d’entre eux préfèrent confier cette mission à un tiers, qu’il s’agisse de l’infirmière scolaire ou d’intervenants extérieurs comme des animateurs de la commune, les pompiers, des moniteurs de secourisme ou des associations agréées. L’année dernière, les enseignants de l’école du Thil-en-Vexin (27) ont ainsi fait appel à La Croix-Rouge Française. Deux formateurs de l’association sont intervenus pendant deux heures dans une classe de CM2 pour former les élèves.

Parfois même, ces séances se déroulent hors du temps scolaire, comme dans les écoles de Rueil-la-Gadelière (28) où les élèves de CM1 et de CM2 suivent le module APS lors d’un atelier financé par la Communauté de communes et organisé sur le temps périscolaire. Dans ce cas, au moins, les élèves sont bien formés et les parents n’ont rien à débourser. Ce n’est pas toujours le cas. Faute de temps ou tout simplement par manque d’intérêt, il arrive régulièrement que des enseignants passent outre cette partie du programme ou la délèguent à des intervenants extérieurs payants, quitte à demander aux parents de verser quelques euros.

 

HD-401---secours-3Au collège, objectif PSC1

Au secondaire, la formation au secourisme passe un cap. Tous les élèves sont censés, à la fin de la 3e, avoir décroché l’attestation Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1). Ce diplôme officiel est décerné au terme d’une formation de 8 heures pendant laquelle les connaissances acquises au primaire sont renforcées. Les élèves s’entraînent à pratiquer le massage cardiaque sur un mannequin, à mettre une victime inconsciente en position latérale de sécurité, à stopper un saignement abondant, etc. Ils revoient aussi les différents numéros d’urgence et affinent leurs connaissances de la procédure d’alerte. Là aussi, la formation s’appuie sur une série d’ateliers. Pour que le diplôme reste valable, une remise à niveau est prévue au lycée. Quelle que soit leur filière, tous les élèves peuvent suivre cette formation, même si ceux qui préparent un CAP ainsi que certains baccalauréats professionnels peuvent, dans le cadre de leurs études, être amenés à suivre à la place une formation de Sauveteur secouriste du travail.

Sauf que là encore, sur le terrain, les instructions officielles ne sont pas forcément respectées et au final, tous les élèves ne quittent pas le collège avec le PSC1 en poche. Il faut dire que pour les chefs d’établissement, organiser une telle formation n’est pas une mince affaire. Ils doivent tout d’abord trouver un ou plusieurs volontaires parmi les membres de l’équipe éducative (enseignant, surveillant ou autre) qui acceptent de prendre en charge la formation des élèves. Ils doivent ensuite accepter que ces volontaires puissent quitter l’établissement pendant plusieurs jours pour suivre une formation initiale puis, à leur retour, faire en sorte qu’un maximum d’élèves puissent être formés sans trop désorganiser le fonctionnement du collège.

 

Questions de financement

Enfin, ils doivent trouver des moyens pour mettre en place cet enseignement. Pour cela, ils disposent de plusieurs sources de financement. « Je peux puiser dans la marge de l’établissement issue de la dotation horaire globale (DHG) mise à ma disposition pour assurer les heures supplémentaires des professeurs ainsi que dans des financements complémentaires comme les dotations supplémentaires accordées par la Direction des services départementaux de l’Education nationale, les Indemnités de mission particulière notifiées par le rectorat ou encore les Heures supplémentaires d’enseignement (HSE) », explique David Gambard, le principal du collège Pierre Curie de Goussainville (95), nouvellement arrivé, qui s’est donné pour objectif de former 100 % des élèves de troisième au PSC1 à l’horizon 2019.

Cette ambition, tous ses collègues ne l’ont pas. Il n’est pas rare en effet, bien qu’il fasse partie intégrante des programmes, que le secourisme ne soit pas la priorité de certains chefs d’établissement qui préfèrent utiliser leurs DHG à d’autres fins. Dans le cas où tous les élèves ne peuvent pas être formés au PSC1, l’Education nationale prévoit de former en priorité les délégués de classe, les représentants des élèves au conseil de la vie collégienne ou au conseil d’administration et les jeunes officiels à l’UNSS. Il est alors possible, pour les autres, de se contenter d’une formation de 2 heures aux « Gestes qui sauvent » (GQS). Nettement moins poussée, mais aussi beaucoup moins chère.

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ZOOM

Le rôle actif des associations

Le Centre français de secourisme, la Croix-rouge Française, les Œuvres hospitalières de l’Ordre de Malte… au total, une vingtaine d’associations agréées par l’Education nationale interviennent dans les écoles. A l’instar des infirmières scolaires et des pompiers, elles sont souvent sollicitées par les enseignants pour former leurs élèves aux premiers secours. D’ailleurs, la plupart proposent des modules clé-en-main intégrant la venue d’un formateur pendant 1h30 à 2 heures et le prêt du matériel nécessaire. De plus en plus souvent, les associations facturent ces formations. Et même si l’apprentissage des gestes de premiers secours fait partie des programmes, il n’est pas rare que les familles doivent en payer une partie.

  

L’importance de bien donner l’alerte

Réaliser les gestes qui sauvent ne suffit pas. Encore faut-il savoir prévenir les secours. Bien donner l’alerte s’apprend dès la maternelle. Les plus jeunes doivent ainsi être capables de demander de l’aide autour d’eux, d’appeler le 15 et d’indiquer aux secours au moins leur nom et l’endroit où ils se trouvent. A la fin du cycle 3, l’apprentissage est plus poussé : ils doivent savoir quel numéro appeler entre le 15 (le Samu), le 17 (la police), le 18 (les pompiers) et le 112, le numéro d’urgence européen. Ils doivent également être capables non seulement d’indiquer leur nom et l’adresse où ils se trouvent, mais aussi d’expliquer ce qui a pu se passer et décrire l’état de la victime (si elle est consciente, si elle respire, si son cœur bat, où elle saigne…). Ils doivent enfin acquérir un dernier réflexe : ne pas raccrocher tant que le secouriste au bout du fil ne le leur demande pas.

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POINT DE VUE

Marine Choulant, professeur d’EPS et formatrice premiers secours au collège Pierre-Curie de Goussainville (95)

« L’année dernière, je me suis proposée pour remplacer l’ancienne formatrice Premiers secours qui avait quitté l’établissement. J’ai donc suivi 9 journées de formation entre octobre et Noël et, en février, j’ai commencé à faire passer le PSC1 aux élèves de cinquième. Je les prends par petits groupes de 10 élèves maximum pendant 8 heures découpées en 3 séances en suivant un référentiel national. Au début, je leur demande souvent s’ils ont déjà eu à faire face à des personnes en danger. Partir de cas concrets, ça fonctionne bien. Puis je leur présente des photos de blessures, je leur apprends à donner l’alerte et je leur montre comment effectuer certains gestes, comme la position latérale de sécurité, le massage cardiaque ou le pansement compressif. Enfin, j’organise plusieurs ateliers au cours desquels les élèves se retrouvent face à des situations variées et doivent, pour chacune d’entre elles, adopter les gestes adéquats. Pour cela, je dispose d’un mannequin, de maquillage pour simuler les blessures ou encore de couteaux ou de tessons de bouteille neutralisés. A la fin de la formation, chaque élève doit avoir pris part à au moins une mise en situation. A ce rythme, je pense, d’ici la fin de l’année, avoir formé la moitié des élèves de cinquième. L’idéal serait qu’un autre collègue devienne formateur. J’espère avoir impulsé une dynamique. »

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