EDUCATION

Egalité filles-garçons : toujours loin du compte !

HD-401---egalite-2Malgré la volonté politique apparente et les nombreuses initiatives menées dans les établissements scolaires de France, sur le terrain, l’égalité entre les filles et les garçons est encore loin d’être une réalité.

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Que ce soit au niveau des salaires, du partage des tâches ou des violences subies, l’égalité entre les hommes et les femmes n’existe pas. Des mesures ont pourtant été prises par les différents gouvernements : parité des candidatures lors des dernières élections législatives, obligation pour les entreprises de rédiger une charte contre le harcèlement au travail, renforcement des sanctions à l’encontre des auteurs d’actes et de propos sexistes, etc. Le président de la République Emmanuel Macron a même fait de l’égalité femmes-hommes la « grande cause nationale » de son quinquennat.

Conscients que l’égalité ne passera que par une prise de conscience des plus jeunes, l’Education nationale est, depuis longtemps, impliquée dans ce combat. Depuis 1989, le code de l’Education stipule que l’ensemble des établissements scolaires, du primaire au supérieur, « contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation », « assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne » et ont « une mission d’information sur les violences et une éducation à la sexualité » (article L. 121-1). En 2012, une convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons dans le système éducatif a également été signée. D’une durée de 5 ans, celle-ci visait à promouvoir des actions de terrain dans divers domaines.

Au sein de l’école, des mesures concrètes ont été prises. Tout d’abord, les programmes ont été aménagés. Le respect de l’autre sexe et le refus des stéréotypes sont désormais enseignés dans le cadre de l’Enseignement moral et civique (EMC). Ces notions font aussi partie des compétences à acquérir dans le cadre du socle commun et sont intégrées aux parcours Citoyen et Avenir que doivent suivre tous les collégiens. Chaque établissement est également tenu de faire figurer dans son règlement intérieur le principe d’égalité entre les sexes et de mener des actions de sensibilisation dans le cadre de son Comité d’éducation à la santé et la citoyenneté (CESC).

 

Des milliers de ressources

Pour les aider dans leurs démarches, les enseignants peuvent notamment se référer à la plateforme Outils pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école développée par le réseau Canopé. Ils peuvent aussi accéder à d’innombrables ressources en se tournant vers les dizaines de sites Internet traitant du thème de l’égalité entre les sexes : des vidéos éducatives sur le site Matilda, des textes de loi sur le site Télédebout, des exemples de publicités véhiculant des stéréotypes sur le site Genrimages, etc. Ils peuvent également, s’ils en sentent le besoin, obtenir de l’aide auprès du chargé de mission égalité filles-garçons de leur académie. D’ailleurs, eux aussi développent généralement des projets qui leur sont propres. Celui de Clermont-Ferrand, par exemple, a diffusé dans tous les établissements de son académie un livret recensant des outils destinés à limiter la transmission des stéréotypes. Celui de Poitiers publie chaque semestre une revue destinée à faire connaître les actions menées par les établissements en matière d’égalité des chances entre les filles et les garçons. Quant à celui de Rouen, il a réalisé un questionnaire que les enseignants peuvent utiliser pour engager le débat avec leurs élèves sur les stéréotypes sexistes.

Les équipes éducatives peuvent enfin se rapprocher des dizaines d’associations agréées intervenant dans les classes. C’est le cas par exemple de Femmes et mathématiques et de Femmes et sciences qui proposent de sensibiliser les jeunes filles aux filières scientifiques (voir vidéo ci-dessous), ou bien de Elles bougent qui a mis au point un système de marrainage des jeunes filles désireuses de se tourner vers des carrières d’ingénieure ou de technicienne.

 

HD-401---egalité-1Des résultats « pas à la hauteur »

Ce genre d’actions a beau se multiplier aux quatre coins de la France, les stéréotypes ont encore la vie dure. La dernière étude Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, publiée le 8 mars dernier, montre que si les filles maîtrisent mieux le français et sont plus nombreuses à accéder au baccalauréat que les garçons (83,9 % d’entre elles l’atteignent contre 73,9 % des garçons), elles ne représentent encore que 43,5 % des élèves inscrits en première année des classes préparatoires aux grandes écoles.

Elles sont aussi moins nombreuses à se tourner vers les filières scientifiques (en 2016, 41,3 % des terminales scientifiques S, STI2D et STL étaient des filles et 30 % des ingénieurs étaient des femmes) et ne représentent que 15 % des élèves et des apprentis des filières de production contre 70 % des élèves des filières menant à des métiers de services, notamment paramédicales et sociales.

Au sein des établissements scolaires non plus l’égalité des sexes n’a pas cours. Les filles restent plus souvent victimes de propos sexistes et plus souvent mises à l’écart que les garçons. Les enseignants participeraient eux-mêmes à cette différenciation. D’après plusieurs études, les membres des équipes éducatives auraient trop souvent tendance, inconsciemment, à adopter une attitude différente selon qu’ils s’adressent à des filles ou à des garçons. Que ce soit au moment de leur donner la parole, de les noter ou de les sanctionner, l’attitude des enseignants tiendrait compte des compétences présupposées des unes et des autres. « Alors que l’indiscipline des garçons est tolérée, vue comme un comportement fâcheux mais inévitable, elle est stigmatisée et rejetée parfois violemment chez les filles dont on attend la docilité », notait le Haut Conseil à l’égalité dans son rapport publié le 22 février 2017. Ce même Haut Conseil expliquait ces mauvais résultats par le fait que les dispositifs mettant en avant l’égalité entre les sexes étaient insuffisamment connus des enseignants, mais aussi par le manque de formation de ces derniers. Ainsi, l’année dernière, seule la moitié des Ecoles supérieures du professorat et de l’Education (ESPE) proposaient une formation sur le sujet alors que la loi de refondation de l’école votée en 2013 les y oblige. Quant aux postes de chargés de mission égalité filles-garçons, créés par la même loi, ils ne travaillent trop souvent qu’à temps partiel sur cette thématique.

Le Haut conseil à l’égalité notait enfin que les manuels scolaires faisaient encore trop souvent la part belle aux hommes. « Dans les manuels de CP, les femmes représentent 40 % des personnages, 70 % de ceux qui font la cuisine et le ménage, mais seulement 3 % des personnages occupant un métier scientifique », affirmait-il. A ce rythme, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas pour demain.

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ZOOM

Priorité à la lutte contre les comportements

En France, une femme sur six déclare avoir subi des rapports sexuels forcés ou des tentatives au cours de sa vie. Comme l’égalité hommes-femmes, la lutte contre les comportements sexistes et les violences sexuelles se joue en grande partie dès l’école. Du coup, de nombreux établissements organisent des actions pour sensibiliser les jeunes adolescents à ce sujet important : expositions, débats, information… Le travail est considérable. Il faut notamment sensibiliser les jeunes à ce qui relève du comportement sexiste, les informer sur ce qui est toléré et sur ce qui est puni par la loi. Il faut aussi alerter les jeunes filles sur les violences dont elles pourraient être victimes, leur apprendre à réagir en cas d’agression et travailler avec elles sur la notion de choix et de responsabilité. Les actions de sensibilisation au cybersexisme sont aussi de plus en plus fréquentes dans les établissements scolaires. Le harcèlement sexuel via les réseaux sociaux a connu une forte augmentation ces dernières années.

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POINTS DE VUE

Itw-401---filles-gars-AlainAlain Brélivet, chargé de mission égalité Filles-Garçons dans l’académie de Créteil (94)

« La question de l’égalité filles-garçons est particulièrement prise en compte dans l’académie. Les statistiques que nous avons établies montrent des écarts de réussite aux examens plus importants qu’au niveau national. Par ailleurs, l’orientation est encore largement sexuée, même si des évolutions sont notables. Pour lutter contre ces différences de parcours, nous développons de multiples actions. Nous faisons par exemple témoigner dans les établissements des hommes et des femmes aux parcours atypiques, nous proposons des modules pour inciter les filles à se tourner vers les filières scientifiques et, en collaboration avec la SNCF, nous envoyons chaque année des dizaines de jeunes filles découvrir les métiers du rail. Le partenariat avec l’association Capital filles permet à des lycéennes d’être marrainées par des femmes cadres d’entreprise et, grâce à l’Association pour la mixité et l’égalité dans la petite enfance (AMEPE), des garçons découvrent les métiers des services à la personne. Nous cherchons à amener chaque fille et chaque garçon à construire son propre cheminement. Si des résultats sont déjà au rendez-vous, nous savons que nous ne devons pas relâcher nos efforts car les stéréotypes sont puissants. »

 

 

itw-401---filles-gars-jzayEric Sanchez, principal du collège Jean-Zay de Niort (79)

« Dans mon collège, nous organisons régulièrement des actions de sensibilisation pour lutter contre l’homophobie, les discours sexistes ou les stéréotypes. Mais nous avons constaté que, plus que les actions qui ont tendance à mettre en évidence le fait qu’il y a un problème, il était bien plus efficace d’inculquer au jour le jour l’égalité entre les filles et les garçons. En sport, par exemple, les enseignants sont particulièrement vigilants à ce que les équipes soient toujours mixtes, que le capitaine ne soit pas toujours un garçon et qu’il y ait des contacts entre élèves des deux sexes. Les activités du midi sont aussi systématiquement mixtes. Résultat : il arrive ainsi que des garçons fassent de la couture et cela ne pose aucun problème. Pour compléter cette action, nous effectuons un gros travail afin que chaque élève apprenne à faire des choix personnels, sans tenir compte du groupe. Cette sensibilisation a un vrai impact sur leur comportement, notamment au moment de l’orientation. Au final, les problèmes sont rares. Il arrive que des garçons arrivant de Syrie ou d’Afghanistan refusent de s’asseoir à côté d’une fille, mais cette réaction est avant tout culturelle. Nous parvenons toujours à les faire changer d’avis. »

 

 

 Sensibiliser les jeunes filles aux filières scientifiques (Femmes & Mathématiques)

 

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