Evaluations en CP et 6e : un dispositif qui promet des progrès
En début d’année scolaire, les élèves de CP et de 6e ont été évalués. L’objectif ? Permettre de déceler le plus tôt possible les lacunes des enfants et y remédier grâce à une nouvelle approche pédagogique. La démarche se veut positive et bienveillante.
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Trois images : une fourmi, un violon, un pantalon. Les élèves doivent repérer celles qui comportent la même syllabe. Puis une série de lettres : A-B-V-Y-J. La consigne ? Entourer celles que l’enseignant dicte. Même si les exercices semblent simples, pour un enfant de CP, c’est une mini-révolution. En effet, en septembre dernier, les élèves de CP ont été évalués. Une épreuve importante pour ces enfants qui n’ont jamais connu d’évaluation officielle à la maternelle. C’est le cas de Paul, par exemple, scolarisé à Nantes. Quand la nouvelle tombe, quelques jours après la rentrée, le garçon se pose des questions. « La maîtresse leur a annoncé qu’ils allaient devoir tous faire des exercices. Paul ne comprenait pas très bien ce qu’on attendait de lui. Il avait peur de manquer de temps et de pas faire les choses correctement ou moins bien que ses copains. Au final, tout s’est bien passé, mais il y a eu un moment d’inquiétude », partage Margot, la maman de Paul.
Obligatoires et communes à tous les élèves, les évaluations de CP entrent dans le cadre d’un dispositif remis au goût du jour. Depuis de nombreuses années, les élèves sont en effet régulièrement évalués. En 2009, par exemple, des tests nationaux étaient organisés pour les CE1 et les CM2. Deux ans plus tard, le Haut Conseil de l’éducation avait sévèrement jugé ces évaluations, souhaitant des indicateurs plus « fiables ». Fin des évaluations uniformes et nationales : chaque enseignant de CE1 et CM2 les adapte à sa façon et, surtout, les organise s’il le souhaite ! En 2016, au tour des élèves de CE2 d’être évalués. Dernier épisode en date, ces évaluations concernent donc aujourd’hui les élèves de CP (première année du cycle 2), mais aussi ceux de 6e (dernière année du nouveau cycle 3).
Lecture, compréhension, vocabulaire…
Lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer avait justifié ce grand retour de la « culture de l’évaluation constructive ». Autrement dit, les évaluations de CP et 6e ont une vocation positive et doivent donner lieu à de nouvelles pistes de réflexions pédagogiques. « Ce sont des évaluations diagnostiques de début d’année, c’est-à-dire qu’elles ont pour but de repérer ce que sait faire l’élève à cet instant-là. A cette période de l’année scolaire, les élèves ont forcément des niveaux différents et les difficultés sont plus difficiles à repérer », confirme Lydie Bourget, doyenne des IEN du 1er degré, à l’académie de Nantes.
Les élèves des deux niveaux de classe ont ainsi dû répondre à des tests en français et en mathématiques, présentés sous forme de livrets. Pour les CP, la partie « français » est divisée en quatre sessions de vingt minutes chacune. Le test comprend une douzaine d’exercices portant sur les capacités d’attention, la lecture, la compréhension de l’écrit, la richesse du vocabulaire. Concrètement, il s’agit de reconnaître des lettres, des symboles, des syllabes, de retranscrire des mots ou encore de lire une histoire. En mathématiques, l’évaluation porte sur les capacités de calcul et la géométrie. Neuf exercices sont soumis aux élèves lors de trois séances de dix minutes.
Quant aux 6e, les évaluations sont organisées en novembre. Elles se déroulent sur ordinateur et durent deux fois une heure. Elles portent à la fois sur la compréhension de l’écrit, la grammaire, l’orthographe, le vocabulaire pour le français et les capacités de calcul, la résolution de problème, les connaissances en géométrie, en grandeurs et mesures pour les mathématiques.
Vers de nouvelles méthodes de travail
En CP, les évaluations sont corrigées par les enseignants. En 6e, l’ordinateur se charge de cette tâche. Dans les deux cas, les résultats sont communiqués aux familles. « Transmettre les résultats aux parents permet de les rassurer, souligne Lydie Bourget. L’objectif n’est pas d’inquiéter tout le monde mais bien de réaliser une photographie à un moment donné et de voir ce que l’enseignant peut proposer pour la progression de l’élève jusqu’à la fin de l’année. »
En effet, à partir des résultats, différentes actions se mettent en place. Tout d’abord au niveau individuel : pour l’enseignant, ces évaluations l’aident à repérer un élève en difficulté, voire à demander la mise en place d’un programme spécifique type PPRE (Programme personnalisé de réussite éducative). D’un point de vue collectif, si les résultats mettent en lumière des compétences en baisse dans la classe, l’enseignant peut ainsi adapter son programme en fonction des lacunes décelées.
Cela a été le cas au collège Jean Mermoz, à Laon (02). Une fois les évaluations corrigées, professeurs de français et de mathématiques se sont concertés pour dresser le bilan. « A partir des résultats, les enseignants ont construit des séquences de cours et des séquences d’accompagnement, qu’ils ont essayé de personnaliser et d’individualiser au maximum. C’est le gros point fort de ces évaluations : leurs résultats facilitent la prise en charge pédagogique des élèves et c’est d’autant plus important pour ceux qui ont besoin de renforcer certaines compétences », commente Cédric Cardoso, principal du collège Jean Mermoz. Par exemple, les enseignants de français de l’établissement se sont rendu compte que la maîtrise du lexique faisait partie des compétences les plus défaillantes. Ils ont alors créé, au sein de leurs classes respectives, plusieurs groupes à effectif réduit pour travailler sur ce point. « L’organisation par petit groupe a permis de revenir sur la maîtrise du vocabulaire, mais aussi sur la lecture et la compréhension des consignes. Dès lors qu’on dispose d’un diagnostic fiable et facilement exploitable, on peut pousser la logique d’accompagnement assez loin », ajoute Cédric Cardoso. Quelques mois plus tard, les enseignants constatent déjà une amélioration du vocabulaire des élèves. Il est encore tôt pour voir jusqu’où cette approche a porté ses fruits, mais le principal assure que les élèves se trouvent dans une « situation de réussite qui est facilitée. »
Identifier des priorités d’action
Autre étape du processus, les résultats des évaluations sont aussi envoyés à l’inspecteur de circonscription, mais cette fois-ci sous forme anonymisée. Les inspecteurs les reçoivent par « bloc » sans que ne soit identifiés les élèves. « Au niveau du département, nous n’avons pas les résultats de tel ou tel élève, assure Laurent Pinel, inspecteur de l’Education nationale, adjoint à l’IA-DASEN en charge du premier degré, à l’académie d’Amiens. Nous recevons des compilations de résultats, rassemblées par écoles, mais l’objectif n’est en aucun cas de dresser un classement des établissements. C’est pourquoi nous n’exploitons, au final, qu’une partie des tests que nous recevons. Et à partir de ces retours, nous allons identifier des priorités d’action et construire un plan de formation. »
En effet, l’inspecteur observe les compétences dans leur ensemble et estime s’il faut accompagner les professeurs sur certains points. Si plusieurs classes de CP présentent les mêmes compétences en baisse, il peut aussi intervenir en amont auprès de l’école maternelle. Enfin, il est aussi en mesure de proposer des actions de proximité au sein même d’une école s’il se rend compte que l’établissement possède plusieurs élèves en difficulté.
In fine, son intervention est centrée sur la réussite de l’enfant. « C’est tout l’enjeu de ces évaluations : prévenir des lacunes qui peuvent être décelées au bon moment de la scolarité d’un enfant. Depuis de nombreuses années, nous travaillons avec les écoles et l’inspecteur de la circonscription pour analyser les résultats globaux de tous les élèves. Les évaluations apportent un cadre plus précis à cette démarche », explique Cédric Cardoso. Pour le principal et ses équipes, il s’agit d’un véritable outil de pilotage. « Mais c’est aussi un outil perfectible » ajoute pour sa part Lydie Bourget. Suite aux différentes remontées du terrain, le protocole pourrait encore évoluer à la rentrée prochaine.
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REPERES
Chiffres-clés des évaluations
En CP :
750 000 élèves concernés
4 séances de 20 minutes pour le français
3 séances de 10 minutes pour les mathématiques
En 6e :
828 000 élèves concernés
1 séance de 50 minutes pour le français
1 séance de 50 minutes pour les mathématiques
Evaluations de CP : quelques exemples…
En français
- Entourer la première lettre de chaque mot : rangez les jouets.
- Entourer chaque lettre du mot : bateau.
- Copier les mots en passant de l’écriture scripte à l’écriture cursive : maman – papa.
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En maths
- Compte tous les ciseaux et inscris leur nombre dans la case.
- Les cyclistes. Voir schéma ci-dessous :
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INTERVIEW
Valérie Le Pallud, enseignante de CP, à l’école primaire d’application Eugène Corrette, à Saint-Quentin (02)
Les évaluations réalisées en début de CP demandent-elles une organisation particulière ?
Les évaluations sont préparées au niveau national via des livrets communs à tous les CP. Il n’y a donc pas d’organisation à prévoir, hormis le fait de dégager du temps pour les faire passer. En revanche, il est nécessaire de présenter ces évaluations aux élèves. Il faut même les dédramatiser. Ce sont des élèves qui arrivent de grande section de maternelle. Le CP est quelque chose de nouveau pour eux. Lors des évaluations, ils reçoivent un livret avec leur nom et prénom : le caractère officiel de la démarche peut les inquiéter.
Faut-il aussi rassurer les parents ?
En effet, les évaluations ont été très médiatisées et les parents se sont posé beaucoup de questions. C’est pourquoi nous avons choisi avec mes collègues de recevoir individuellement les parents après les évaluations, si possible avec leur enfant. Cela permet de leur expliquer à tous, en toute transparence, à quoi servent les évaluations. Il faut insister sur le fait que c’est normal qu’il y ait des erreurs et qu’elles serviront de base au travail de l’enseignant pour favoriser la progression de l’enfant. Ces moments d’échange sont aussi l’occasion de mettre en valeur les réussites de l’enfant pour mieux le valoriser.
Que vont vous apprendre ces résultats ?
Les résultats m’ont permis de voir avec quels élèves je dois insister sur la graphologie et la phonologie. J’ai aussi scindé mes élèves de CP en deux groupes de lecture. En parallèle, l’équipe pédagogique, réunie en conseil des maîtres, a identifié quels sont les éléments sur lesquels il faut travailler, depuis l’école maternelle jusqu’au cycle 3. Enfin, les évaluations permettent de repérer les élèves qui ont besoin d’aide rapidement, voire de mettre en place pour eux un PPRE (Programme personnalisé de réussite éducative).
