EDUCATION

Troubles dys : invisibles mais pas invincibles !

HD-400---DYS-1--BsipDyslexie, dyspraxie, dyscalculie… Pour ne citer qu’eux. Les troubles de l’apprentissage et du langage, ou troubles « dys », peuvent impacter de manière sévère la scolarité d’un enfant. C’est pourquoi, il est nécessaire de déployer une prise en charge efficace.

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« Dys », trois lettres derrière lesquelles se cache un monde de difficultés et d’épreuves au quotidien. En effet, sont communément appelés troubles « dys » les problèmes d’apprentissage liés à la lecture (dyslexie), à l’écriture (dysorthographie), au langage (dysphasie), au développement moteur (dyspraxie) ou encore aux activités numériques (dyscalculie). Même si aucune étude n’a donné jusqu’à présent de chiffre officiel des troubles dys en France, l’Académie de médecine estime qu’ils toucheraient environ 8 % des enfants en âge d’être scolarisés (données 2015). « C’est un trouble qui gêne énormément mais qui ne se voit pas » indique Christine Auché-Le Magny, membre de la FFDys, lors d’une conférence de presse à l’HAS, Haute Autorité de Santé.

Cette dernière propose depuis le mois de février un guide dédié aux troubles dys, dans le but de favoriser la coordination des parcours de santé. Ce guide prend en compte une offre de soin graduée en trois niveaux selon la sévérité du trouble, pour faciliter une meilleure prise en charge de l’enfant et, in fine, un meilleur accompagnement pour lui et sa famille. « C’est un sujet sensible car générateur d’angoisse, ajoute pour sa part le Professeur Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de Santé. C’est aussi un sujet complexe, car il fait intervenir beaucoup d’acteurs. Les parents sont souvent déboussolés. Il faut donc coordonner les parcours de santé, qui doivent devenir plus fluides et mieux correspondre aux besoins de chaque enfant. »

 

Une détection le plus tôt possible

Même si les troubles dys sont reconnus comme un handicap par la loi du 11 février 2005, leur détection et leur prise en charge restent en effet perfectibles. Généralement, c’est dès l’âge de l’école maternelle, vers 3 ou 4 ans que sont décelés les premiers obstacles. Troubles de la concentration, lenteur, difficultés persistantes dans le graphisme, la mémorisation, le repérage dans le temps et l’espace… Soit autant de signaux d’alerte qu’il ne faut pas négliger. « C’est souvent à la maternelle qu’apparaissent les premiers indices, comme par exemple une difficulté liée au langage. Mais la véritable détection se fera davantage en primaire, période où l’enfant accèdera au langage écrit, précise Caroline Bouzit, enseignante spécialisée, associée au Centre de référence des troubles du Langage et des Apprentissages de l’hôpital de Garches EREA Jacques Brel  (Hauts-de-Seine). L’important est de distinguer le simple retard d’un trouble durable. C’est pour cela que les échanges sont très importants. Un premier état des lieux peut être fait par l’enseignant ou par les parents. A eux ensuite de solliciter leur médecin, le médecin ou psychologue scolaire ou encore le Rased, le Réseau d’aide spécialisée aux enfants en difficulté. »

C’est la démarche qu’a entreprise Ludivine, maman de Mathis, scolarisé en Isère. « Tout a commencé en grande section de maternelle lorsque la maîtresse de Mathis, elle-même mère d’un enfant dyslexique, a remarqué que quelque chose n’allait pas avec mon fils. Il bloquait réellement sur l’apprentissage de la lecture. Je me suis donc tournée vers un orthophoniste, puis vers le Centre du Langage de Grenoble. Les soupçons de sa maîtresse se sont révélés justes puisque Mathis a été diagnostiqué multi-dys », partage Ludivine.

 

HD-400---Dys-2Accompagnement en classe

Si un bilan orthophoniste et une consultation du pédiatre fournissent des premières pistes, l’enfant peut en effet être ensuite aiguillé vers d’autres spécialistes en fonction de ses difficultés : examen psychologique, examen psychomoteur, bilan ergothérapique, etc. Avec un diagnostic précis, l’enfant pourra être suivi par le professionnel de santé adéquat. Mais à l’école, aussi, il doit pouvoir bénéficier d’un soutien et d’un accompagnement au quotidien. Si Ludivine a eu la chance de trouver une maîtresse conciliante et sensible aux troubles dys, cela n’a pas toujours été le cas durant la scolarité de Mathis. « En primaire, certains enseignants étaient compréhensifs et adaptaient leurs cours. Mais je me suis aussi heurtée à des professeurs qui n’essayent pas de faire d’efforts pour mon fils », regrette Ludivine. La difficulté ? Beaucoup d’enseignants méconnaissent encore ces troubles. « Il faut rappeler aux enseignants que les élèves souffrant de troubles dys ont les mêmes capacités de compréhension que tout autre élève, à condition de prendre en compte les besoins liés à leurs difficultés. C’est au système de s’adapter aux particularités de chaque enfant », rappelle Jean-François Camps, directeur adjoint de la formation continue de l’ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) Toulouse Midi-Pyrénées.

 

HD-400---Dys-3Des aménagements possibles en cours

Concrètement, face à un élève détecté dys, l’enseignant devra mettre en place une pédagogie à double objectif : d’une part, l’aider à surmonter les difficultés, d’autre part, favoriser ses progrès dans les autres domaines malgré une lecture, une écriture, un langage oral déficients. Quant aux parents, ils peuvent demander la mise en place d’un PAP (Plan d’accompagnement personnalisé). La démarche s’effectue après un bilan orthophonique, et avec l’avis favorable du médecin scolaire ou du médecin qui suit l’enfant. Elle se renouvelle tous les deux ans. Avec un PAP, un enfant diagnostiqué « dys » obtient le droit d’utiliser un ordinateur dès l’école primaire, ainsi que des logiciels spécifiques. Il bénéficie aussi de certains aménagements lors des contrôles comme la non-pénalisation de l’orthographe, des adaptations d’épreuves ou la mise en place d’un temps majoré.

Marie-Pierre, habitante de Seyssinet-le-Parisay (Isère) a fait une demande de PAP pour son fils Yoan, dyslexique et dysorthographique. « Le PAP est une procédure nécessaire pour s’assurer que Yoan ait toutes les chances de son côté. Grâce à cela, il dispose de facilités pour la prise de notes. Il prend lui-même ses cours, mais il peut aussi compter sur le support du professeur et des photocopies avec une police de caractères et une taille de texte adaptées. Lors des contrôles, sont prévus des exercices spécifiques comme par exemple des dictées à trous en français. Il peut aussi interroger le professeur pour lui demander des explications sur une consigne. Aujourd’hui, Yoan est en 4e. L’échéance, c’est le brevet des collèges. Si nous avons entrepris la démarche de demande de PAP, c’est aussi pour qu’il puisse passer cet examen plus sereinement », explique Marie-Pierre.

 

Sensibiliser toute la classe

Dans le cas de troubles très sévères, l’enfant peut obtenir une reconnaissance de handicap par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) dont il dépend et demander ensuite la mise en place d’un PPS (Projet personnalisé de scolarisation). En plus des aménagements prévus par le PAP, il permet un accompagnement humain comme la présence d’un AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap) et l’accès à des classes spécialisées type Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire).

Quelle que soit l’adaptation choisie, reste à savoir inclure ce dispositif au sein de la classe. Pour Caroline Bouzit, il s’agit d’une véritable opportunité pour « enrichir le travail de groupe » : « certaines adaptations vont apporter d’autres façons de travailler. C’est important de voir avec les autres enfants de la classe que chacun peut apporter son grain de sel et qu’il y a différentes possibilités pour arriver à un même résultat », affirme-t-elle. Intégrer un enfant dys dans la classe doit se faire en association avec tous les autres élèves. Ces derniers seront non seulement sensibilisés à la connaissance des troubles dys, mais à la question de la différence en général.

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INTERVIEW

400-DYS-francoise_garciaFrançoise Garcia, orthophoniste, vice-présidente de la FNO (Fédération nationale des orthophonistes)

Comment s’organise la prise en charge d’un enfant suspecté « dys » ?

S’il y a une suspicion de trouble dys, nous recevons l’enfant et sa famille pour réaliser un bilan. Ce bilan donne une idée de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne moins bien chez l’enfant. Dans les cas les plus simples, nous posons un diagnostic de dyslexie et proposons un projet thérapeutique. La plupart du temps, il repose sur des soins de compensation, puisque la dyslexie est un trouble durable dont on ne guérit pas. De plus, il y a autant de dyslexies que d’enfants dyslexiques. Certains compenseront sur l’aspect phonologie, d’autres sur l’aspect visuel, d’autres encore sur les stratégies de compréhension qui leur sont propres. C’est très varié. Le projet thérapeutique est vraiment individualisé : il doit s’adapter à l’enfant et à son trouble.

 

Comment associer les parents à ce projet thérapeutique ?

En plus des adaptions pédagogiques qui peuvent être déployées en classe, les parents ont un rôle important lors du temps des leçons, à la maison. C’est pourquoi, il faut leur donner des grilles de décodage du mode de fonctionnement de leur enfant. L’essentiel est que l’enfant ne soit pas réduit à ses difficultés. L’estime de soi est facilement altérée quand on ne réussit pas à l’école. Les parents ont souvent l’impression qu’il faut faire plus pour faire mieux. C’est faux : avec les enfants dyslexiques, il faut faire autrement.

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TEMOIGNAGE

400-DYS-Monique-ANDREMonique André, Isère

« En CE1, notre fille Norine a été détectée dyslexique et dysorthographique. Nous ne connaissions pas du tout les troubles dys, il a fallu se renseigner pour comprendre ce qui lui arrivait. Nous nous sommes donc renseignés sur Internet, puis nous nous sommes rapprochés d’une association, l’Apedys. Nous avons même assisté à des conférences scientifiques sur les troubles dys. C’était un travail nécessaire pour mieux accompagner Norine. A son entrée en 6e, nous avons fait une demande de PPS, renouvelée jusqu’en seconde. En première et terminale, elle a obtenu un PAP. Ces programmes lui ont permis notamment d’avoir des aménagements pour ses examens. Pour le bac de français, l’année dernière, elle a pu conserver son ordinateur et utiliser un correcteur orthographique. Elle a disposé d’un tiers-temps. Pour le bac STI2D qu’elle prépare actuellement, elle sera dispensée d’anglais et d’espagnol à l’écrit.

En classe, aussi, elle bénéficiait d’adaptations. Mais le problème est alors de sensibiliser les autres élèves : voyant que certaines choses étaient mises en place pour Norine, des élèves se sont mises à la harceler. Il est très important de bien présenter les troubles dys à tous les élèves pour que les aménagements ne soient pas considérés comme du favoritisme. »

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REPERES

Les troubles dys : quels sont-ils ?

  • Dyslexie et dysorthographie : troubles spécifiques de l’acquisition du langage écrit,
  • dysphasie : troubles du développement du langage oral,
  • dyspraxie : troubles du geste, du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales,
  • dysgraphie : difficultés liées à l’écriture et au dessin,
  • dyscalculie : troubles des activités numériques,
  • TDA / H : troubles déficitaires de l’attention, avec ou sans hyperactivité.

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GRAND TEMOIN

400-dys-Photo_Nathalie_GrohNathalie Groh, présidente de la FFDys

« La difficulté est de savoir s’orienter vers les bonnes personnes pour avoir accès à un diagnostic »

 

Comment jugez-vous la prise en charge actuelle des troubles « dys » ?

Aujourd’hui pour un jeune qui présente une difficulté d’apprentissage, la prise en charge est très longue. Entre le moment où l’on repère une difficulté et la pose du diagnostic, il peut se passer beaucoup de temps. Pour certains enfants, il faut attendre l’âge de 8 ans, voire de 10 ans, avant que le bon diagnostic ne tombe. Certains troubles, comme la dyspraxie par exemple, restent méconnus, y compris des professionnels de la santé. Cette attente est synonyme de souffrance pour l’enfant. Le risque est alors qu’il se décourage. Seuls les parents acharnés, qui sont un peu sensibilisés aux troubles « dys » et qui ont la chance de rencontrer le bon professionnel dès le départ, bénéficient d’une prise en charge rapide.

 

Comment remédier alors à ce délai ?

La difficulté est de savoir s’orienter vers les bonnes personnes pour avoir accès à un diagnostic. Pour cela, il faut une équipe pluridisciplinaire qui vérifiera notamment que l’enfant entend bien, voit bien, etc. Autrement dit, il faut éliminer toute pathologie qui expliquerait pourquoi il ne rentre pas dans les apprentissages. Par exemple, il y a des jeunes qui souffrent d’une certaine forme d’épilepsie, qui les empêche d’apprendre. Ce n’est pas pour autant un trouble « dys » et consulter un orthophoniste ne lui servira à rien. Le traitement pour lui doit être différent. De même pour les jeunes qui souffrent de troubles de l’attention avec une hyperactivité. Une fois que le bon diagnostic est posé, il y a la prise en charge adéquate qui s’installe. On gagne alors du temps dans la prise en charge de l’enfant.

 

Tous les intervenants ont donc un rôle à jouer dans la détection des troubles dys ?

En effet, la prise en charge des troubles « dys » repose également sur un partenariat santé – éducation – famille. Le travail entre les parents, les enseignants et les professionnels de santé doit être coordonné. Concernant les enseignants, ils pourraient aussi être formés à mieux repérer les troubles « dys ». La suite du processus de reconnaissance du trouble s’en trouverait alors facilitée. De plus, cela permettrait de mettre en place très tôt des adaptations pédagogiques et ainsi permettre aux enfants d’apprendre différemment. Certains enfants ont un réel besoin d’accompagnement, voire de reprendre les bases. Le risque, sinon, est de devoir remédier au décrochage de l’enfant une fois entré au collège.

 

BIO

Engagée depuis plus de 10 ans dans la vie associative, Nathalie Groh est originaire de la région Midi-Pyrénées, où elle a présidé l’association Avenir Dysphasie. En 2011, elle devient vice-présidente de la FFDys et y anime le pôle santé. Présidente d’AAD France du groupe Avenir Dysphasie, elle est nommée présidente de la FFDys en mars 2015.

 

La Peep était présente à la 11e journée Dys organisée par la FFDYS, le 14 octobre 2017.

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