EDUCATION

Quelle sécurité dans les établissements scolaires ?

hd-393-secur-1-afpLa menace terroriste a imposé un renforcement des mesures de sécurité dans les écoles, les collèges et les lycées depuis la rentrée. Leur mise en place a nécessité la coopération de l’ensemble des membres de la communauté éducative. État des lieux.

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L’instruction interministérielle (Éducation nationale et Intérieur) du 29 juillet 2016 a renforcé les mesures de sécurité en vigueur depuis la rentrée scolaire 2016. Un exercice « alerte SMS » a par exemple été déclenché le jour de la pré-rentrée dans chaque académie. En outre, chaque école et chaque établissement scolaire doit désormais réaliser trois exercices durant l’année scolaire, dont l’un aura porté, avant les vacances de la Toussaint – si les recommandations ont bien été suivies –, sur une simulation d’attentat-intrusion. De manière générale, les parents ne doivent pas s’attarder devant les portes d’accès pendant la dépose ou la récupération des enfants à l’école et les attroupements de toute sorte, y compris ceux des élèves fumeurs, sont à éviter devant les établissements.

Autre mesure : un adulte doit être présent à l’entrée pour assurer l’accueil des élèves et un contrôle visuel des sacs des adultes peut être effectué. Quant à l’identité des personnes extérieures à l’école ou à l’établissement, elle est relevée, dans le respect de la législation bien sûr. Par ailleurs, chaque école et chaque établissement scolaire doit actualiser son plan particulier de mise en sûreté (PPMS) face aux risques majeurs, en fonction de sa situation précise. Enfin, un guide d’information sur la sécurité dans les écoles et les établissements scolaires, rédigé à l’attention des parents d’élèves, est téléchargeable ICI – école, ICI-collèges-lycées).

 

hd-393-secur-3-afpL’exercice attentat-intrusion

L’exercice attentat-intrusion, préparé par le directeur ou le chef d’établissement et son équipe éducative, devait donc se tenir avant la Toussaint dans les écoles et les établissements scolaires. La menace terroriste a en effet introduit une nouvelle posture dans le PPMS : s’échapper et/ou se cacher-s’enfermer. Tout le monde n’a effectivement pas la même conduite à tenir puisque celle-ci dépend de la situation vécue : en cas d’alerte, une partie peut s’échapper, l’autre se cacher ou s’enfermer. Les parents sont censés avoir été informés de la date et des conditions de mise en œuvre de l’exercice – ce qui n’a pas été le cas dans de nombreux collèges notamment…

Le jour de l’exercice, une alarme a été déclenchée. Objectif : aboutir à une posture adéquate en veillant à éviter tout scénario anxiogène. Le terme « d’attentat-intrusion » ne devait d’ailleurs être utilisé que par les adultes. Avant le CP, il n’était pas nécessaire d’expliciter auprès des enfants les raisons de l’organisation de l’exercice attentat-intrusion. « On peut parler par exemple d’exercice pour apprendre à se cacher », proposait un guide réalisé par l’académie de Versailles à destination des maternelles. L’autre difficulté pour les 3-6 ans aura été de réussir à rester silencieux. Pour cela, le guide proposait « le jeu de la statue » ou encore du « roi du silence ». À Pau, Stéphanie Carricart, la directrice de l’école maternelle Marca, a ainsi fait passer les exercices de confinement pour des parties de cache-cache. Depuis, les enfants ont pris le réflexe de se cacher quand ils entendent le signal, sans angoisse et sans panique. Dans les collèges et les lycées, il s’est agi aussi de s’entraîner à affronter une situation de crise avec sang-froid.

Après l’exercice, les directeurs d’école et les chefs d’établissement ont réalisé un retour d’expérience qui a permis d’identifier les points forts et, a contrario, les dispositions restant à améliorer. Certains auront eu plus de travail que d’autres. Ainsi, le 13 octobre, faute de préparation suffisante, un exercice attentat-intrusion a provoqué un mouvement de panique dans le collège Lise Ophion, à Matoury (Guyane), lorsque des personnels de l’Education nationale, cagoulés, ont simulé une attaque terroriste.

 

hd-393-secur-2-afpLa communication avec le maire et la police

À cet effet, les « correspondants police-gendarmerie sécurité de l’école » auront pu être consultés. Appelés aussi « référents sécurité », ils assurent la continuité de la sécurisation de l’école ou de l’établissement. Interlocuteurs habituels des directeurs d’école et des chefs d’établissement, ils apportent leur expertise pour la prévention des risques, pour l’élaboration et l’actualisation du PPMS et l’organisation des exercices. Ils peuvent aussi conseiller les maires dans le cadre de travaux de sécurisation. Par ailleurs, pour assurer la sécurité des écoles et la connaissance en temps réel du risque d’attentats (ou de leur survenue) à proximité d’une école, les directeurs d’école fournissent désormais aux services départementaux et/ou académiques leur numéro de portable personnel, sous réserve de leur accord.

A noter que le maire, qui est investi de pouvoirs de police, peut réguler voire interdire la circulation et le stationnement des véhicules aux abords de l’école. Le niveau Vigipirate « alerte attentat » prévoit par ailleurs l’interdiction du stationnement des véhicules aux abords des écoles.

 

Les limites du système

Le renforcement des mesures de sécurité n’élude toutefois pas certaines questions. Le 4 octobre dernier, sur une chaîne d’information, Philippe Vincent, proviseur du lycée Jean-Perrin à Marseille et secrétaire général adjoint du SNPDEN (syndicat des personnels de direction) ne cachait pas son scepticisme quant à l’organisation de l’exercice attentat-intrusion : « Imaginer un exercice qui touche tout le monde, dans mon cas, c’est absolument infaisable ! », avançait-il. Et pour cause : il se trouve à la tête de l’un des plus vastes lycées du pays : 8 hectares, 26 bâtiments, 2700 personnes. Voilà qui illustre la complexité de la situation.

Des interrogations subsistent aussi sur le signal à utiliser pour prévenir d’un attentat. « En général, dans les établissements, nous avons deux signaux sonores, rappelait encore Philippe Vincent. Le premier indique les récréations, l’autre est l’alerte incendie. Mais aucun des deux n’est adapté au déclenchement de l’alerte anti-intrusion ». Pour résoudre ce casse-tête, à Aix-en-Provence, la mairie a doté chaque professeur des écoles d’un bipeur relié au commissariat. Coût : 160 000 euros ! Pas vraiment à la portée de toutes les municipalités. Autre solution : certaines écoles ont mis au point un réseau interne d’alerte SMS. Cela suppose néanmoins que les professeurs laissent leur portable allumé pendant le cours. Enfin, un objet suscite beaucoup d’intérêt : le porte-clés alarme. Il émet un signal pouvant aller de 120 à 140 décibels : relayé dans les classes, il propage l’alerte.

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TEMOIGNAGES

itw-393-damien-denechaudDamien Denechaud, directeur de l’école maternelle Pauline Kergomard, Nailloux (Haute-Garonne)

« Depuis la catastrophe d’AZF à Toulouse, nous devions répéter un exercice lors de chaque année scolaire dans le cadre du PPMS. Désormais, trois exercices sont obligatoires, dont celui qui concerne l’attentat-intrusion. Nous l’avons réalisé le lundi 10 octobre, en simulant le signalement d’un individu suspect aux abords de notre école qui compte sept classes et 190 élèves, et tout s’est très bien passé. J’ai donné l’alerte selon un système que je ne peux pas dévoiler parce qu’il doit rester confidentiel et être connu seulement par les gens de notre communauté éducative. Nous avons mené l’exercice autour du confinement. Il ne faut surtout pas stresser les enfants. Nous avons donc utilisé des petits jeux pour les calmer et leur faire respecter le silence ainsi que des techniques de relaxation. Personnellement, tout cela me fait éprouver un sentiment un peu étrange. Nous nous préparons avec le plus grand sérieux, nous effectuons tous les exercices nécessaires mais nous avons quand même du mal à nous sentir pleinement concernés par toutes ces horreurs. Nous nous sentons si loin de tout cela dans nos petits villages… »

 

Éric Alexandre, proviseur du lycée Madeleine Michelis, Amiens (Somme)

« La sécurité a constitué un point essentiel de la pré-rentrée. Nous respectons scrupuleusement les directives ministérielles. C’est essentiel pour que les mentalités évoluent : il ne s’agit pas de vivre dans la peur mais de ne pas banaliser les choses. D’ailleurs, nous travaillons beaucoup là-dessus avec les élus lycéens. Les parents d’élèves ont été informés de toutes les mesures de sécurisation. Je leur ai demandé de relayer des choses très particulières et je leur ai rappelé ce que nous attendions d’eux en termes de comportements. Nous avons aussi fait passer un message aux enseignants. Pour les rassurer, et pour que, quelle que soit leur discipline, ils se sentent concernés. Ils sont en première ligne pour répondre aux éventuelles questions des élèves et pour replacer les événements dans un contexte historique, conduisant à une réflexion. Car il ne s’agit évidemment pas d’apporter des réponses simplistes.

Nous faisons aussi en sorte que tous les élèves soient accueillis et qu’aucun d’entre eux ne soit stigmatisé. Il ne faut jamais baisser la garde et être très présent en tant qu’adulte. Enfin, nous sommes évidemment en relation permanente avec les services de police ».

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ZOOM

Apprendre les premiers secours

À l’école, l’enseignement « Apprendre à porter secours » (APS) comporte un apprentissage des principes simples, intégré dans les programmes scolaires. En maternelle, par exemple, il s’agit pour l’enfant de reconnaître les risques de son environnement familier et de savoir composer le 15. Il est dispensé par des enseignants formés au PSC1 (prévention et secours civiques de niveau 1). Dans le secondaire, les élèves ayant un mandat (délégué de classe, conseil de la vie collégienne ou lycéenne, conseil d’administration, etc.) bénéficient, à leur demande, d’une formation au PSC1 ou aux gestes qui sauvent. Pour les élèves de troisième qui ne disposeraient pas d’une formation aux premiers secours, une sensibilisation aux gestes qui sauvent doit être organisée.

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POUR EN SAVOIR PLUS

Intervention du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avant la rentrée scolaire

Sécurité des écoles, des collèges et des lycées… par EducationFrance

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