EDUCATION

Palmarès des établissements scolaires : à consommer avec modération !

HD-392---palmares-afpSi les classements des collèges et des lycées peuvent fournir de précieuses informations aux parents, ils doivent être utilisés avec précaution et ne pas être le seul critère à prendre en compte pour certifier de la qualité d’un établissement.

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Chaque année au mois d’avril, ils se dévoilent dans la presse écrite et sur Internet. Ceux du Monde, du Figaro, du Parisien, de l’Express ou encore de L’Etudiant sont les plus connus, mais une grande partie de la presse, y compris régionale, publie son propre classement des lycées publics et privés de France. Au fur et à mesure des éditions successives, ces palmarès n’ont cessé de prendre de l’importance auprès des parents qui n’hésitent pas à s’y référer pour se faire une idée des performances de chaque établissement scolaire.

Tous, sans exception, s’appuient sur les même données fournies par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) de l’Education nationale, notamment les taux de réussite dans chaque série au bac, mais aussi le taux d’accès à l’examen, qui évalue la part d’élèves de seconde qui réussissent à décrocher le diplôme. A ces critères, le ministère de l’Education nationale ajoute une autre donnée, la valeur ajoutée, qui compare les taux de réussite obtenus à des taux attendus en fonction des profils scolaires et socio-économiques des élèves. Une valeur censée profiter aux établissements qui font le plus progresser les élèves aux dépens de ceux qui sélectionnent à l’entrée en seconde afin de ne garder que les élèves qui ont le plus de chances de décrocher leur diplôme.

 

Chacun sa recette de fabrication

Si tous ces palmarès s’appuient sur les mêmes données officielles, leurs résultats doivent néanmoins être pris avec précaution. D’une part parce qu’en fonction du média qui l’édite, un même établissement ne se situera pas forcément au même rang dans le classement. S’ils s’appuient sur les mêmes données brutes, chaque média applique une formule qui lui est propre. « Pour notre part, nous attribuons à chaque critère un poids identique car nous estimons qu’ils ont tous la même importance, précise Philippe Mandry, rédacteur en chef et responsable des palmarès au magazine L’Etudiant. Mais tous nos confrères ne procèdent pas de la sorte. En fonction de leur lectorat ou pour d’autres motifs, il y en a qui attribuent des coefficients plus élevés à certains critères, voire ne tiennent pas compte d’une partie des données fournies. Il est essentiel, au moment de consulter ces classements, de se renseigner sur la méthodologie utilisée et de fuir les médias qui ne la communiquent pas ».

Une autre différence vient du fait que toutes les données fournies par l’Education nationale sont extrapolées à partir des taux de réussite. Or, la qualité d’un lycée ne dépend pas que du nombre d’élèves qui décrochent le diplôme. Des statistiques importantes telles que la part de mentions, le nombre d’élèves accédant aux grandes écoles ou ceux parvenant à décrocher une licence, par exemple, pourraient elles aussi donner des indications précieuses sur les débouchés qu’offre le lycée aux jeunes qui le fréquentent. D’autres critères, plus subjectifs mais tout aussi intéressants pour évaluer les performances d’un lycée, pourraient aussi être pris en compte tels que l’ambiance qui règne dans les classes, l’implication des enseignants ou leur capacité à accompagner les élèves. Il n’en est rien.

 

HD-392---palmares-SIPADes données biaisées

Quant aux taux d’accès au bac et aux valeurs ajoutées, ils sont loin d’être irréprochables. Il suffit à un lycée de n’accepter à l’entrée en seconde que les élèves capables d’avoir leur bac pour voir son taux d’accès au bac grimper en flèche, par exemple. La valeur ajoutée, elle, a pour principal défaut de varier énormément en fonction de l’effectif des classes, du nombre de redoublements et des réorientations. Résultat : un établissement peut très bien voir sa « valeur ajoutée » bondir ou au contraire s’écrouler d’une année sur l’autre alors que l’équipe n’a pas changé, que la pédagogie appliquée est la même et que le profil des élèves n’a quasiment pas évolué.

D’ailleurs, dans un rapport publié en 2015, l’Inspection générale a constaté que les deux tiers des lycées les mieux classés en 2013 ne faisaient plus partie du haut du tableau l’année suivante. La même année, la presse s’était aussi penchée sur le cas d’un petit lycée hors contrat qui avait réussi l’exploit de se hisser parmi les trois meilleurs établissements de France dans le palmarès du « Monde » grâce à une valeur ajoutée exceptionnellement haute de + 18,3. Après que plusieurs journaux ont souligné ses incroyables performances et vanté ses méthodes d’accompagnement des élèves, on s’est rendu compte que ce lycée devait en grande partie ces excellents résultats à une filière comprenant seulement… 2 élèves ! Depuis, le journal Le Monde a modifié son protocole et ne publie plus les résultats des lycées présentant moins de 100 élèves au bac. D’autres ne prennent pas forcément cette peine.

Concernant les classements des collèges, contrairement aux palmarès des lycées, ceux-ci ne prennent en compte que les taux de résultat au brevet des collèges et le nombre de mentions attribuées. Pour eux, le ministère ne fournit aucune donnée liée à la valeur ajoutée. Leurs résultats doivent donc être pris avec encore plus de prudence.

 

HD-392---palmares-XSUn intérêt limité

Au-delà de leurs imprécisions, ces classements ont aussi un intérêt limité. Certes, ces palmarès peuvent avoir une certaine utilité pour les parents prêts à mettre leur enfant dans un établissement privé ou à lancer une procédure de dérogation si le lycée public dont il dépend n’affiche pas les résultats escomptés. Ils peuvent aussi se révéler précieux pour les habitants des grandes villes où plusieurs lycées publics coexistent sur un même secteur. Enfin, certains les consultent au moment d’acheter un bien immobilier de manière à choisir son logement en fonction des performances du lycée auquel il est rattaché. Mais les lycées faisant l’objet d’une sectorisation, dans l’immense majorité des cas, les élèves n’auront d’autre choix que de s’inscrire dans l’établissement dans lequel ils sont affectés, quelle que soit sa place dans le classement.

Mais avant de se référer à ces palmarès, encore faut-il savoir les décrypter et en tirer la substantifique moelle. Si la place du lycée au classement général est importante, c’est loin d’être le seul élément à prendre en compte. « Il faut se plonger dans les résultats détaillés en insistant sur certaines données en fonction du profil de l’enfant, conseille Philippe Mandry, de L’Etudiant. Par exemple, si l’enfant est un bon élève, il est possible de regarder en priorité les taux de réussite obtenus dans la filière qu’il vise. Si son niveau est moyen, opter pour un établissement affichant une bonne valeur ajoutée lui permettra sûrement de progresser. Enfin, s’il éprouve de grosses difficultés, peut-être est-il préférable de se concentrer avant tout sur le taux d’accès au bac afin de ne pas prendre le risque qu’il ne soit poussé vers la sortie ».

Surtout, ces classements ne doivent en aucun cas être le seul critère à prendre en compte. « Nous conseillons toujours aux parents de se rendre sur place, de rencontrer le proviseur et de discuter avec l’équipe enseignante avant de faire leur choix », conclut Philippe Mandry.

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A SAVOIR

Des données accessibles sur le site du ministère

Taux de réussite au bac, taux d’accès, valeur ajoutée, toutes ces données brutes sont également accessibles en ligne sur le site du ministère de l’Education nationale (Education.gouv.fr). Ici, pas de palmarès. Les établissements sont classés par ordre alphabétique. Ces « indicateurs de résultat des lycées » ont l’avantage de donner une vision plus factuelle, sans interprétation, des résultats de chaque établissement. Ils offrent aussi la possibilité intéressante de n’afficher que les résultats des établissements de sa ville ou d’une filière précise. Mais surtout, ils donnent accès à l’historique des données qui permet de voir la progression de l’établissement sur plusieurs années et de savoir si un mauvais classement une année est le fruit d’une tendance générale ou s’il s’agit d’un accident ponctuel.

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Dans l’enseignement supérieur, les écoles ont aussi leurs classements

Ecoles de commerce, d’ingénieurs, de communication ou autre, elles aussi ont chaque année les honneurs de différents palmarès. Pour ces établissements d’enseignement supérieur, la méthodologie est radicalement différente. « L’Education nationale ne fournissant pas de données, nous envoyons chaque année aux écoles un questionnaire très complet composé d’une centaine de questions. C’est à partir de leurs réponses que nous établissons notre classement », explique Philippe Mandry, de L’Etudiant.

Si la méthodologie n’est pas la même, leurs résultats doivent être pris avec autant de précaution, tant les critères sont nombreux et donc leur impact réel dilué.

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POINT DE VUE

Bruno Hannecart, proviseur du lycée Alain au Vésinet (78) et secrétaire national du syndicat Indépendance et Direction

« Même si je sais que des collègues les scrutent avec attention, personnellement, je ne me préoccupe pas de ces classements car je trouve qu’ils ne sont pas pertinents et qu’ils ne reflètent pas la situation réelle des établissements. Par exemple, en fin d’année dernière, 50 élèves de seconde ont quitté mon lycée car ils voulaient intégrer une filière technologique qui n’existe pas ici. Conséquence : le taux d’accès des élèves de seconde au bac va baisser alors que nous ne sommes en rien responsables de cette situation et que ces élèves vont poursuivre leurs études dans de bonnes conditions. Ces palmarès ne tiennent pas compte non plus de critères importants, comme l’environnement social de l’établissement, la concurrence éventuelle des lycées privés ou encore la capacité de nos élèves à poursuivre leurs études dans le supérieur. Surtout, nous n’attendons pas ces palmarès pour évoluer. Chaque année, nous analysons nos échecs, nous cherchons à savoir pourquoi tel élève a raté son bac et nous essayons sans cesse de nous améliorer. Même si je comprends que les parents veuillent le meilleur lycée pour leur enfant, je regrette cette approche consumériste du système éducatif. Je préfèrerais que chaque enfant ait les mêmes chances de réussir quel que soit son lycée. »

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