EDUCATION

Le bio dans les cantines : c’est maintenant ?

HD-392---bio-afp-1Si tout le monde semble d’accord pour rendre les cantines plus « vertes », il reste encore beaucoup à faire pour que le bio prenne la place qu’il mérite dans les assiettes des quelque 6 millions d’élèves qui déjeunent à l’école.

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Elles sont nombreuses à y penser, mais au final, rares sont les collectivités locales à s’être vraiment lancées dans l’aventure du bio. Si 75 % des cantines françaises assurent servir des aliments bio aux élèves, c’est pour la plupart à doses homéopathiques. Selon l’Agence bio, à peine plus de 3 % de la nourriture servie dans les cantines françaises serait d’origine biologique. Un objectif plus ambitieux avait pourtant été fixé il y a 9 ans. En 2007, lors du Grenelle de l’environnement, les différents partenaires s’étaient mis d’accord pour que 20 % de la nourriture servie dans les cantines soit d’origine biologique à l’horizon 2012. Non seulement cet objectif n’a pas été atteint, mais quatre ans après l’échéance, on en est très loin.

 

Une question de moyens ?

Si la plupart des communes renoncent à généraliser les aliments bio dans les assiettes des élèves, c’est le plus souvent pour des questions financières. Les produits bio coûtent en moyenne 20 % de plus que ceux issus de la filière traditionnelle. En ces temps de rigueur budgétaire, beaucoup de collectivités n’ont ni l’envie ni les moyens de dépenser plus pour améliorer les repas des enfants. Quant à relever le prix facturé aux parents, beaucoup de maires y renoncent de peur que la mesure passe mal. Il existe pourtant des moyens de limiter l’impact du passage au bio sur le budget des communes.

Lorsqu’elle a décidé de passer ses trois cantines scolaires au 100 % bio, la commune de Mouans-Sartoux, dans les Alpes maritimes (06), a délaissé les grandes centrales pour s’approvisionner directement auprès des producteurs locaux, évitant ainsi les intermédiaires coûteux. La mairie a aussi créé une régie agricole dans laquelle des agents municipaux cultivent une partie des légumes servis aux élèves et des campagnes ont été menées dans chaque école afin de sensibiliser les élèves au gâchis alimentaire. En parallèle, les oranges et les pommes sont désormais servies en quartiers et chaque élève peut choisir la taille de sa portion, quitte à ce qu’il se resserve par la suite. Ces mesures simples ont permis de diviser par cinq la quantité de déchets et de baisser de 30 000 euros le budget annuel consacré aux achats, sans que la taille des portions ne soit réduite ! Au final, le montant moyen facturé aux familles est resté raisonnable (3,13 euros par repas) et l’impact de l’introduction du bio sur le budget de la commune a été quasiment nul.

 

HD-392---bio-2Une filière qui s’organise

Autre difficulté à laquelle sont confrontés les gestionnaires de cantines qui veulent passer au bio : l’approvisionnement. Dénicher aux alentours de l’établissement des producteurs labellisés bio capables de répondre à des commandes importantes n’est pas toujours une mince affaire. Et quand ils en trouvent, ils doivent contracter avec chacun d’entre eux indépendamment. Mais sur ce point aussi, les choses sont en train de changer. La filière bio s’organise. « Nous avons créé des groupements bio dans presque tous les départements. Les gestionnaires de restauration collective peuvent s’adresser à eux pour connaître les capacités d’approvisionnement en bio sur leur territoire et limiter le nombre d’interlocuteurs, explique Stéphanie Pageot, éleveuse en Loire-Atlantique et présidente de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). Nous organisons aussi des rencontres entre les gestionnaires de cantine et les producteurs de manière à ce qu’un dialogue s’installe entre eux et que chacun prenne conscience des contraintes de l’autre ».

 

Le retour aux produits de saison

Autre écueil : l’introduction du bio dans les menus implique souvent des changements au niveau de l’organisation du service. Par exemple, les gestionnaires de cantine doivent apprendre à anticiper les commandes plusieurs mois à l’avance de manière à laisser le temps aux maraîchers de produire la quantité de légumes demandée. Quant aux cuisiniers et à leurs équipes, ils doivent parfois se remettre à peler les pommes de terre, à émincer les carottes, à éplucher les salades et ne plus se contenter de réchauffer des plats préparés à l’avance. Ils doivent réapprendre à avoir recours aux produits de saison, mais aussi trouver des recettes originales pour faire manger aux enfants certains légumes qui d’ordinaire ont peu de succès, comme les topinambours ou les choux-fleurs. Pour réussir ce tour de force, les cantines doivent faire preuve de pédagogie. Certaines ont mis en place des ateliers d’initiation au goût, d’autres font tester différentes recettes aux élèves et leur demandent de choisir celle qu’ils préfèrent, d’autres encore emmènent les élèves visiter les exploitations où sont produits les légumes qu’ils mangent ou font venir les producteurs. La commune de Mouans-Sartoux, elle, a profité des nouveaux rythmes scolaires pour lancer un atelier Cuisine et nutrition et un atelier Jardin pendant lesquels les élèves cultivent des légumes, apprennent à les cuisiner et confectionnent avec les chefs de cuisine les menus qui seront servis à la cantine.

 

« S’y mettre progressivement »

Insérer du bio dans les menus ne se fait pas à la légère. C’est un travail de longue haleine qui se prépare sur de longs mois et qui implique une étroite collaboration de tous les acteurs, qu’il s’agisse des élus, du personnel communal ou des enseignants. C’est surtout une démarche qui doit être mise en œuvre pas à pas. « Vouloir introduire d’un coup 100 % d’aliments bio dans les cantines est une erreur. Il faut au contraire y aller progressivement, en commençant par un ou deux aliments, de manière à ce que chaque acteur ait le temps de s’organiser », conseille Stéphanie Pageot.

Pour s’engager dans la voie du bio, les écoles et les établissements scolaires peuvent s’inscrire dans la démarche Mon Restau Responsable lancée par la Fondation Nicolas Hulot (lire en encadré et l’interview Grand témoin plus loin) ou bien tenter de décrocher le label En cuisine créé par l’organisme Ecocert. « Aujourd’hui, 350 établissements de restauration collective, en majorité des cantines, sont engagés dans le processus et les demandes d’information sont nombreuses. Il y a un réel engouement pour un retour à une cuisine de bon sens et à des pratiques plus respectueuses de l’environnement, constate Carole Laramas, responsable du label En cuisine chez Ecocert. En plus, arborer un label permet de mettre en valeur ses initiatives et de motiver les équipes ».

Faire évoluer la législation serait aussi un bon moyen pour inciter plus de collectivités à franchir le pas. Un projet de loi visant à introduire 40 % d’alimentation durable et 20 % de produits biologiques dans les restaurants collectifs d’ici 2020 a bien été déposé par la députée de Dordogne Brigitte Allain. Adopté à l’unanimité par les députés en janvier, le texte a été repoussé par les sénateurs. Cette disposition pourrait néanmoins figurer dans la future loi sur l’égalité et la citoyenneté. « Même sans être contraignant, fixer un objectif de 20 % de bio nous permettrait d’avancer, estime Stéphanie Pageot. Mais nous n’attendons pas après cela pour aller de l’avant ».

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A SAVOIR

2,90 euros le repas en moyenne

Même si aucune loi ne les y oblige, 80 % des communes mettent à disposition de leurs administrés un service de restauration scolaire. Dans les 20 % restants, des regroupements intercommunaux sont mis en place. Chaque année en France, quelque 400 millions de repas sont servis aux plus de 6 millions d’élèves qui mangent à la cantine. Seuls 20 % d’entre eux sont préparés sur place, les autres étant confectionnés dans des cuisines centrales. Le prix moyen d’un repas en primaire varie de 0 à 6,67 euros, avec une moyenne de 2,90 euros, soit un budget annuel de 522 euros par enfant (source Unaf).

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POINTS DE VUE

Virginie Duchesne, directrice de la caisse des écoles de Paris 4, qui sert 2.000 repas par jour

« La caisse des écoles du quatrième arrondissement de Paris vient de lancer ses 5 cuisines dans la démarche Mon Restau Responsable. Le diagnostic a été réalisé il y a quelques mois et la séance publique d’engagement se tiendra en octobre. Dans un premier temps, nous nous fixerons comme objectifs l’achat d’équipements moins énergivores et l’introduction dans les menus de 40 % d’aliments bio et labellisés d’ici la fin de l’année, contre 35 % aujourd’hui. Ce qui me plaît dans cette démarche, c’est qu’elle tient compte de nos contraintes, qu’elles soient financières ou organisationnelles. Elle nous permet ainsi d’harmoniser notre déploiement avec le plan alimentation durable de la ville de Paris qui prévoit 50 % de bio et labels d’ici 2020. Elle nous offre la liberté de faire ce que j’appelle du bio « intelligent », à savoir l’achat de produits locaux et de saison plutôt que du bio venant de très loin. Elle tient compte aussi des difficultés d’approvisionnement liées à notre situation au centre de Paris, comme le fait qu’aucun boulanger du 4e arrondissement ne soit en mesure de nous approvisionner en pain, non pas pour des questions de fabrication, mais parce qu’ils ne peuvent pas nous livrer. »

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HD-392-bio-Pamiers5Muriel Gressier, responsable qualité restauration à la mairie de Pamiers (09)

« Nous allons vivre notre quatrième audit annuel qui permettra à Ecocert de certifier que nous respectons les engagements du niveau le plus contraignant du label En cuisine, à savoir l’utilisation d’au moins 50 composantes bio par mois (dont 10 bio et locales), au minimum 50 % des achats denrées en aliments bio ou encore le recours à des produits d’entretien écologiques. Ce label formalise un engagement de longue date de la ville de Pamiers en faveur d’une démarche globale de développement durable. Au début des années 2000, lorsque la commune a cherché à valoriser les produits du terroir, elle a dû tout créer. Une plateforme de producteurs a même vu le jour avec le concours de la chambre d’agriculture.

Aujourd’hui, notre plus grand défi est de sensibiliser la population. Il faut beaucoup d’efforts pour faire admettre aux enfants que le pain bio est aussi bon que le pain classique même si sa mie n’est pas blanche ou faire comprendre aux parents qu’il n’est pas indispensable de servir de la viande à chaque repas. Il faut aussi expliquer notre démarche aux enseignants qui ne sont pas forcément sensibles à la présence de composteurs alors qu’ils pourraient très bien y mettre les déchets des ateliers cuisine ou les dosettes de café ».

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392-Amandine-Lebreton-FNHGRAND TEMOIN

Amandine Lebreton, coordinatrice agriculture et alimentation à la Fondation Nicolas Hulot

Pourquoi la Fondation Nicolas Hulot s’est-elle saisie du sujet de la restauration collective ?

Le thème de la restauration collective faisait déjà partie du pacte écologique signé en 2007 car c’est un formidable levier pour faire évoluer les pratiques agricoles. C’est aussi un sujet qui touche à des domaines essentiels que sont l’alimentation ou la santé et qui revêt une dimension sociale importante dans la mesure où pour certains enfants, le déjeuner pris à la cantine est le seul repas équilibré de la journée.

 

Le 2 juin dernier, vous avez lancé la démarche Mon Restau Responsable avec le réseau Restau’co. Quelle est son ambition ?

Mon Restau Responsable entend développer dans la restauration collective en général et dans les cantines scolaires en particulier des pratiques plus respectueuses de l’environnement en encourageant les gestionnaires de cantine, les producteurs mais aussi éventuellement les parents et les élus à se rencontrer et à travailler ensemble. Le fait d’arborer un macaron Mon Restau Responsable dans son établissement permet aussi de valoriser les pratiques existantes et de pousser les acteurs de terrain à s’impliquer sur le long terme. Cela permet en outre de montrer aux collectivités locales qui financent les repas que leurs efforts en faveur du développement durable ont de réels effets.

 

En quoi diffère-t-elle d’autres pratiques existantes ?

Le processus débute par un diagnostic complet puis par la visite d’un professionnel. Contrairement à un label, le gestionnaire de cuisine fixe lui-même les pistes de progrès en fonction de ses moyens et les annonce aux parents d’élèves, aux producteurs ou encore aux représentants de l’établissement et aux collectivités locales lors d’une séance publique d’engagement. Il peut s’agir d’utiliser plus de produits bio, de réduire le gâchis alimentaire ou encore de diminuer la consommation électrique.

Au bout de six mois à deux ans, les acteurs se réunissent à nouveau pour une séance participative de garantie au cours de laquelle ils jugent si, oui ou non, les objectifs fixés ont été tenus. Notre démarche valorise les actions réalisées et crée une dynamique collective qui limite les risques de voir l’initiative s’arrêter du jour au lendemain parce que la personne qui en est à l’origine baisse les bras ou s’en va.

 

Quel rôle les parents d’élèves peuvent-ils jouer ?

Ils ne doivent pas hésiter à faire part au gestionnaire de cuisine de leur souhait de le voir s’engager dans une telle démarche. Ils peuvent également lui faire parvenir des informations sur la démarche Mon Restau Responsable et lui proposer de réaliser le diagnostic disponible gratuitement sur notre site Restauration-collective-responsable.org. Il est gratuit et sans engagement. Les parents doivent néanmoins avoir conscience que ce type de processus demande du temps, beaucoup d’efforts et qu’il ne peut pas être mis en place du jour au lendemain.

 

 

Pour en savoir plus

Créée en 1990, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme œuvre « pour un monde équitable et solidaire qui respecte la Nature et le bien-être de l’Homme ». Elle s’est donné pour mission de proposer et accélérer les changements de comportements individuels et collectifs, et soutenir des initiatives environnementales en France comme à l’international pour engager la transition écologique de nos sociétés.

Pour plus d’informations sur l’opération « Mon Restau Responsable » de la Fondation Nicolas Hulot, rendez-vous sur le site www.mon-restau-responsable.org.

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