EDUCATION

L’éducation aux médias et à l’information

HD-390---media-3-SipaDans notre société, être un citoyen responsable et libre demande plus que jamais d’être éduqué aux médias et à l’information. Alors pour former les « cybercitoyens » actifs, éclairés et responsables de demain, l’école a mis en place l’EMI. Place au décryptage.

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«L’environnement informationnel des individus – et donc pas uniquement des « jeunes » – a changé. Il apparaît dès lors simplement normal que l’enseignement évolue, en fonction de cet environnement, et se voie interrogé dans ses contenus comme dans ses modalités de fonctionnement. » De ce constat, fait par Anne Cordier, chercheuse et maître de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication, dans son ouvrage « Grandir Connectés, les ados et la recherche d’information », il apparaît clair qu’une éducation à l’information est nécessaire pour se repérer dans ce nouvel environnement.

Une nécessité mais aussi un droit, comme le précise l’Unesco à partir de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression ; ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». Or, l’éducation aux médias et à l’information (EMI) offre aux citoyens les compétences nécessaires pour chercher et profiter pleinement des avantages de ce droit humain fondamental.

 

Pratique citoyenne des médias

L’exercice de ce droit est renforcé par la Déclaration de Grünwald de 1982, qui reconnaît la nécessité pour les systèmes politiques et éducatifs de promouvoir la compréhension critique par les citoyens « des phénomènes de communication » et leur participation dans les médias (nouveaux et anciens). Il est en outre renforcé par la Déclaration d’Alexandrie de 2005, qui place l’éducation aux médias et à l’information (EMI) au cœur de la formation tout au long de la vie.

En France, c’est tout le fondement de l’éducation aux médias et à l’information, qui est une composante du parcours citoyen mis en place à l’école à la rentrée 2015, de l’école élémentaire à la terminale. Concrètement, l’EMI a pour but d’enseigner une pratique citoyenne des médias comme une lecture critique et distanciée des contenus, de développer une compétence de recherche, de sélection et d’interprétation de l’information ainsi qu’une compréhension des médias, des réseaux et des phénomènes informationnels dans toutes leurs dimensions.

Sur le terrain, Isabelle Miskovsky, professeur documentaliste au collège Guy Flavien (Paris 12e) aime partir des pratiques concrètes de ses élèves de 6e dont elle a la charge dans le cadre de l’EMI. Au rythme d’1h30 hebdomadaire, elle leur apprend à découvrir une autre face des médias en leur faisant lire, comprendre et décrypter l’information, mais aussi à maîtriser leur navigation et leur identité numérique.

Plus qu’une matière, l’EMI s’intègre de manière transversale dans les différentes disciplines. Si dans de nombreux cas ce sont les professeurs documentalistes qui l’animent, l’encadrement de cette éducation peut également être assuré par des enseignants d’autres disciplines, comme par exemple l’histoire et l’anglais dans le second degré.

 

HD-390---media-1-AFPAdaptable à tous les âges

A l’école primaire aussi l’EMI est enseignée. Selon Jean-Marc Merriaux, directeur général de Canopé, (réseau de création et d’accompagnement pédagogique) « l’EMI est adaptable à tous les âges car c’est une vraie logique qui va du primaire au lycée avec une vraie implication de tous les niveaux. On peut en retirer quelque chose à tout âge. »

Une vision partagée par Eric Bonneau, intervenant du Clemi (centre de liaison et des médias d’information)*, qui entraîne les jeunes à la découverte du média radio du CE2… au BTS ! A la fois professeur des écoles et ancien journaliste indépendant, il est devenu l’homme de la radio scolaire sur Bordeaux. Le lundi et le mardi, il insuffle l’esprit radio grâce à son studio mobile dans les 25 établissements scolaires de Bordeaux qui font appel à lui, et le jeudi et le vendredi, il est de retour devant sa classe de CM2, en banlieue bordelaise. « Lors des attentats de Charlie Hebdo j’étais en classe de neige avec des élèves. Pour moi, il était impératif de faire un gros travail sur la liberté d’expression. Il fallait que l’élève soit notamment en capacité de s’informer et de ne pas être en proie à la théorie du complot, mais à même de trouver la bonne information. Avec internet, qui a brouillé les pistes, il est encore plus nécessaire aujourd’hui que les élèves soient capables de trouver les bonnes sources. »

Et Eric Bonneau de mettre en avant les atouts du média radiophonique : « La radio est un outil pédagogique qui permet de travailler de manière transdisciplinaire et qui laisse leur place aux enfants quelles que soient leurs compétences. Les grands timides à la régie, les grandes gueules à l’animation, les plus entreprenants aux reportages. C’est une activité riche qui allie expression écrite, expression orale et technologies numériques. » Les parents d’élèves de sa classe de CM2 en ont d’ailleurs eu un écho concret et surtout sonore grâce une émission quotidienne baptisée « Radio gamelle », pour les informer du déroulement du séjour en classe de neige.

 

HD-390---media-2Des outils pour les parents

Autre point positif, cette éducation aux médias et à l’information crée également du lien avec les parents, souvent soucieux de la consommation numérique de leurs enfants. Pour Jean-Marc Merriaux, « la création d’une discussion avec les parents est d’ailleurs essentielle. L’EMI, dans toutes les questions qu’elle soulève, permet de recréer du lien. »

Et pour acquérir les bons réflexes, adopter les bons usages, il faut aussi de bons outils. Pour ses élèves bordelais de primaire, Eric Bonneau les fait travailler avec différents supports, tels que le site internet « un jour, une actu » (1jour1actu.com), le journal en « français facile » de RFI (radio France internationale), la version quotidienne du journal Sud Ouest, etc. Isabelle Miskovsky, de son côté, a fait découvrir à ses élèves de 6e le moteur de recherche qwant junior, qui fournit des contenus adaptés à leur âge. Autant d’outils que les parents peuvent aussi faire entrer à la maison ! L’idéal, selon la professeur documentaliste, serait d’ouvrir davantage l’école aux parents via l’EMI à l’occasion de conférences-débats et d’un vrai travail d’équipe : « L’EMI c’est l’occasion pour chacun de pouvoir réfléchir ensemble. C’est une chance dont il faut qu’on s’empare. »

 

Note : * Eric Bonneau coordonne l’action pédagogique du Clemi autour de la radio dans l’académie de Bordeaux. De la réflexion à la conception, ce site accueille toutes les productions des élèves du primaire au lycée. https://blogpeda.ac-bordeaux.fr/clemibordeaux.

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ZOOM

Le parcours citoyen à l’école

Ce nouveau parcours éducatif de l’école élémentaire à la terminale est construit autour de l’enseignement moral et civique, de l’éducation aux médias et à l’information, et de l’enseignement aux élèves du jugement, de l’argumentation et du débat dans les classes. Les objectifs ? Faire connaître aux élèves les valeurs de la République les amener à devenir des citoyens responsables et libres. En cela, l’éducation aux médias et à l’information est nécessaire pour développer une connaissance critique de l’information, décrypter l’image et apprendre à se forger une opinion.

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27e Semaine de la presse et des médias dans l’école

Temps fort d’éducation aux médias depuis 25 ans, la semaine de la presse se déroule cette année du 21 au 26 mars 2016. A la suite des attentas du 13 novembre 2015, le thème sera le même que l’année dernière à savoir « La liberté d’expression, ça s’apprend », proposé par le Clemi (centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information) en janvier 2015 suite à l’attentat à Charlie Hebdo.

« Avec 15800 écoles et établissements scolaires déjà inscrits pour participer à cette édition, cette semaine est plus que jamais une nécessité, un vrai enjeu, car les enfants et les jeunes sont confrontés dans leur consommation à une information de plus en plus mondialisée et de plus en plus diversifiée », explique Jean-Marc Merriaux, directeur général de Canopé dont le Clemi est un service. Si cette opération permet aux élèves de découvrir les médias d’information dans leur diversité et de mener de multiples activités autour de ce thème, c’est aussi l’occasion pour eux de « s’interroger sur l’origine de l’information et de développer leur esprit critique ».

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INTERVIEW

390-media-IsabelleMiskovskyIsabelle Miskovsky, professeur documentaliste au collège Guy Flavien (Paris 12e)

Parlez-nous du « P’tit Flavien », le journal scolaire que vous supervisez ?

Il existe depuis 2004 et avec une collègue enseignante d’histoire, nous l’encadrons pour l’enseignement média. Il a été créé à la demande des élèves qui souhaitaient faire un journal. C’est donc une activité volontaire pour laquelle les élèves qui le veulent peuvent s’inscrire. Des élèves de la 6e à la 3e y travaillent hors du temps scolaire, le jeudi midi au CDI. Nous sortons 5 numéros par an, avant la coupure des vacances scolaires.

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Comment s’organise sa rédaction ?

Il y a tout un travail en début d’année sur ce qu’est un angle, les outils nécessaires à la construction d’un article et les différents types d’articles qui existent. Avant chaque début de numéro, on organise une conférence de rédaction pendant laquelle nous discutons des sujets qui pourraient être traités. Puis ils reviennent travailler sur leurs articles au CDI. Et au moment du bouclage, nous refaisons une réunion pour faire les dernières vérifications.

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Quel est le profil des élèves qui y participent ?

C’est très hétérogène. Nous avons par exemple une jeune élève roumaine, qui a encore du mal à écrire en français et qui a dicté son article à un camarade, d’autres qui sont partis en reportage accompagnés par un enseignant pour couvrir la grève des éboueurs. Mais également des élèves d’une classe Ulis (Unités localisées pour l’inclusion scolaire, ndlr) qui viennent écrire des articles avec d’autres.

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Que leur apporte la rédaction de ce journal ?

On voit qu’ils s’impliquent plus dans le collectif. Ce qu’ils nous disent, c’est que cela donne aussi du sens à leurs apprentissages scolaires ; par exemple, un article sur la COP 21 et les cours de SVT.

Cela donne aussi plus d’aisance par rapport au travail de l’argumentation. C’est également un outil de valorisation du travail des élèves de l’établissement. C’est enfin un lien vers les parents qui vont découvrir leurs enfants dans un cadre de travail scolaire mais de manière différente.

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