EDUCATION

Ecole numérique : la dynamique est lancée!

HD-390---numerique-1Après une expérimentation d’un an, la rentrée 2016 sera marquée par le lancement officiel du grand plan numérique à l’école. Si le chantier avance, beaucoup de questions restent en suspens.

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L’année scolaire 2016-2017 sera celle de la naissance de l’école numérique. C’était en tout cas le vœu de François Hollande lors de l’annonce, en mai 2015, d’un grand plan numérique pour l’école. A cette occasion, le chef de l’Etat s’était donné pour objectif de transformer l’école comme jamais grâce aux outils numériques, de la faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. Depuis cette annonce, les services de l’administration ne sont pas restés inertes. Une initiation au codage informatique dès la classe de CE1 a été intégrée aux programmes de primaire. Le contenu de ce nouvel enseignement doit être validé prochainement afin d’entrer en vigueur dès la rentrée prochaine.

La réforme du collège, applicable dès septembre, fait elle aussi une place plus importante qu’aujourd’hui au numérique. Côté équipement aussi les choses avancent. Aux quatre coins de la France, les tableaux blancs interactifs, les vidéoprojecteurs et les ordinateurs investissent les classes, du primaire au lycée. Depuis la rentrée 2015, 500 « collèges connectés » testent en grandeur nature l’enseignement par le numérique. Ils devraient être 40 % dans ce cas à la rentrée 2016 et 100 % en 2018.

 

Des initiatives de tous les côtés

Du côté de la formation aussi la dynamique est en marche. Toutes les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) ont désormais intégré le numérique dans leur cursus, des modules de formation ont été développés pour les enseignants en poste et des partenariats signés entre le ministère de l’Education nationale et les grandes entreprises que sont Microsoft et Cisco comportent un volet « formation des personnels ».

De nombreuses autres initiatives visent à venir en aide aux enseignants. Le site Eduscol, par exemple, met à leur disposition un nombre impressionnant de documents et d’exercices utilisant le numérique. Lancé en janvier dernier, le portail du numérique « Prim à bord » recense tous les sites et services numériques utiles aux enseignants du premier degré. Ces derniers peuvent aussi piocher à leur guise des idées sur le réseau Canopé édité par le ministère de l’Education nationale, trouver des contenus sur Nipédu, le podcast dédié à l’enseignement, ou bien partager leurs expériences numériques sur Viaéduc. Quelques clics sur ce réseau d’échange destiné aux enseignants suffisent pour savoir comment utiliser Twitter pour faire une dictée ou apprendre à utiliser un logiciel en vue de créer une bande dessinée. Et ce n’est pas terminé puisqu’un appel à projets (e-FRAN) d’un budget de 30 millions d’euros a été lancé il y a quelques mois pour financer le développement d’initiatives ayant fait leurs preuves sur le terrain. La liste des projets sélectionnés devait être dévoilée courant mars.

 

Le plus dur reste à faire

Si les choses avancent, le chemin sera encore long avant que tous les élèves de France ne bénéficient pleinement des atouts du numérique. En matière d’équipement, notamment, le plus dur reste à faire. Si le collège Boby Lapointe de Roujan, dans le département de l’Hérault (34) a été choisi pour devenir l’un des premiers « collèges connectés », c’est qu’il en remplissait les critères avant même de postuler. Au moment de son inauguration en 2014, l’établissement disposait déjà d’une connexion en fibre optique, de vidéoprojecteurs interactifs, de systèmes de visioconférence et de clés USB pour chaque élève !

Equiper de la sorte tous les collèges de France nécessitera en revanche de lourds investissements que toutes les collectivités locales ne sont certainement pas prêtes à faire. Surtout qu’il leur faudra, avant même d’acquérir le matériel, déterminer lequel est le plus adapté en fonction des équipements déjà existants, des besoins des enseignants et du budget disponible. Elles devront également mobiliser des équipes pour paramétrer et sécuriser chaque terminal puis, une fois confié aux enseignants ou aux élèves, en assurer l’entretien, la mise à jour régulière et le renouvellement en cas de casse ou d’obsolescence.

La vitesse de déploiement du numérique dépendra enfin des enseignants eux-mêmes. Pour l’heure, seuls ceux qui ont monté des projets et qui ont pris sur leur temps personnel pour apprendre à utiliser le matériel mis à leur disposition et dénicher des ressources, utilisent pleinement le numérique en classe. Pas sûr que tous soient aussi motivés, d’autant plus que si les formations existent, elles se font souvent en ligne et sur la base du volontariat.

 

HD-390---numerique-2Des bienfaits avérés

Pourtant, à en croire les « pionniers », l’usage du numérique en classe est plutôt positif. « Régulièrement, je demande à mes élèves de décrire une expérience en rédigeant un texte et en prenant des photos à chaque étape avec la tablette, raconte un professeur de SVT du collège Jean-Moulin de Lyon (69). Non seulement ils apprennent à travailler en autonomie, mais en plus ils peuvent facilement revenir en arrière s’ils se sont trompés ». Dans un collège de l’Essonne (91), les élèves utilisent surtout les tablettes en cours d’anglais pour enregistrer leurs devoirs à l’oral et les envoyer à leur professeur pour qu’il les corrige. « Avec la tablette, on peut se réécouter, recommencer si besoin et surtout, on n’a pas le stress de parler devant toute la classe », explique Louis, un élève de 5e.

 

« Ne pas se laisser déborder »

Si les témoignages enthousiastes sont nombreux de la part des principaux concernés, les conclusions des chercheurs qui se sont penchés sur le sujet sont un peu moins catégoriques. Une étude a notamment été menée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) afin de comparer les pédagogies appliquées dans les collèges connectés et dans les collèges classiques.

Si, dans leurs conclusions, les chercheurs notent que les élèves des collèges les mieux équipés sont plus nombreux à utiliser les outils numériques et que la pédagogie des enseignants est plus « active », ils soulignent aussi que ce n’est pas forcément le cas systématiquement. Dans une note intitulée Tablettes tactiles : retours d’expérimentations et potentialités pédagogiques, l’Education nationale met aussi en garde les enseignants contre une utilisation abusive des tablettes en classe. D’ailleurs, certains enseignants se sont déjà plaints du côté chronophage des tablettes numériques. « A chaque séance, il faut prévoir du temps pour préparer puis ranger les tablettes, pour distribuer les casques audio, pour répondre aux soucis techniques que peuvent rencontrer les élèves…, souligne le professeur d’anglais de l’Essonne. Il faut en tenir compte pour ne pas se laisser déborder ».

L’étude note aussi que si l’on veut que les élèves profitent pleinement des bienfaits du numérique, les professeurs doivent être prêts à leur accorder plus d’autonomie. Pas sûr, là non plus, que tous soient prêts à le faire.

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ZOOM

Les distributions de tablettes se multiplient

Le plan numérique pour l’école prévoit aussi l’attribution d’une tablette tactile à chacun des 800 000 élèves de cinquième en septembre prochain et à tous les collégiens de France à la rentrée 2018. Depuis quelques mois, les distributions s’accélèrent. Ainsi, en 2015, les élèves de 5 collèges de l’Indre (36) ont été équipés grâce au financement conjoint du Conseil départemental et de l’Etat. Début janvier, chaque élève de cinquième du collège Boby Lapointe de Roujan (34) s’est vu remettre sa tablette. Quelques semaines plus tard, c’était au tour de ceux du collège Aimé Césaire de Vaulx-en-Velin (69) de recevoir la leur. Ces distributions devront néanmoins s’accélérer si l’on veut que les objectifs soient atteints.

 

Des collèges ruraux mieux équipés

En 10 ans, l’équipement en matériel informatique des établissements scolaires s’est accéléré. Selon les chiffres de l’Education nationale, on comptait, en 2014, 22 ordinateurs fixes et 3,7 ordinateurs portables pour 100 élèves, contre respectivement 12,7 et 1,8 dix ans plus tôt. Les établissements sont dotés en moyenne de 31 vidéoprojecteurs et de 11 tableaux interactifs pour 1 000 élèves.

Par ailleurs, dans 92 % des établissements, plus d’une salle de classe sur deux dispose d’un accès à Internet. Si l’Education nationale reconnaît l’existence de grosses disparités, elle assure que les petits établissements sont en moyenne mieux équipés que les grands et que l’équipement des collèges ruraux est généralement supérieur à celui des zones urbaines.

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TEMOIGNAGE

Maryline, enseignante en CE2 à L’Isle-Adam et ambassadrice du numérique

« Grâce à l’initiative Ambassadeurs du numérique mise en place par la Délégation académique au numérique éducatif (DANE) de l’académie de Versailles (78), je bénéficie jusqu’à la fin de l’année d’une tablette, d’un vidéoprojecteur et d’un visualiseur, une petite caméra placée au-dessus de mon bureau. Cet équipement léger et peu coûteux me permet par exemple de projeter la copie d’un élève sur le mur pour que toute la classe la corrige ou de montrer à tous les élèves comment évolue la plante que nous avons plantée sans qu’ils ne s’agglutinent autour de moi. En géométrie, plus besoin non plus de me contorsionner devant le tableau avec la grande équerre et la règle de 1 mètre. Je le fais de mon bureau avec les mêmes outils que les élèves. Je me sers aussi régulièrement de la tablette, notamment pour les exercices de calcul mental, et pour les QCM, j’utilise Plicker, une application géniale qui me permet de savoir instantanément quels sont les élèves qui ont la bonne réponse grâce à un système de QR Codes imprimés sur des feuilles. J’ai la conviction que ce type de matériel peut vraiment changer la manière d’enseigner en primaire. En complément, mes élèves participent au Défi TICE 95, un programme qui les amène, chaque semaine, à travailler à partir des ordinateurs mis à leur disposition sur des sujets liés à l’égalité entre filles et garçons. »

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POUR EN SAVOIR PLUS

Débats sur l’informatique et l’école

Le 6 février dernier, la Peep a organisé à Paris une journée « Ecole et Informatique ». Conférences, débats et ateliers ont rythmé ce rendez-vous qui avait pour objectif de permettre aux parents de mieux comprendre « ce que la digitalisation change et la façon dont l’école l’intègre – ou pas ! ».

Vous pouvez revivre la conférence ici.

 

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