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La cyberviolence n’est pas une fatalité !

HD-389---cyber-2Insidieuse et discrète, la violence exercée par le biais des nouvelles technologies est particulièrement destructrice. Les parents doivent savoir la repérer pour mieux la combattre.

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La violence scolaire a changé de visage. Si les bagarres dans la cour de récréation et les insultes gratuites au détour des couloirs n’ont pas disparu, les agressions passent de plus en plus souvent par les nouvelles technologies. Le phénomène est loin d’être marginal. Qu’il soit victime, auteur ou témoin, un jeune sur cinq serait touché de près ou de loin par la cyberviolence, selon une étude du ministère de l’Education nationale publiée en 2014. Un chiffre en progression par rapport à la précédente enquête de 2011. Si tout le monde peut être touché, le risque est plus présent en fin de primaire et en début de collège et les filles ont 1,3 fois plus de risque que les garçons d’en être victimes.

Des commentaires désobligeants sur Facebook à la mise en ligne de photos embarrassantes en passant par l’envoi d’insultes ou de menaces par SMS, la cyberviolence prend des formes très variées. Certains auteurs n’hésitent pas à lancer des rumeurs sur Internet ou à poster des messages sur les réseaux sociaux en usurpant l’identité de leurs victimes. « Nous avons aussi eu plusieurs cas de garçons qui ont menacé leur ancienne copine de rendre publiques des photos d’elle dénudée si elle ne se remettait pas avec eux, dévoile la représentante d’une association d’aide aux victimes de harcèlement. Les nouvelles technologies sont prisées des agresseurs car elles leur permettent de toucher un large public et ainsi de renforcer leur sentiment de supériorité et d’asseoir leur popularité. »

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Des conséquences parfois dramatiques

Lorsque les agressions deviennent régulières et qu’un rapport de domination s’installe, la violence tourne au cyberharcèlement. Plus de 700 000 jeunes en seraient victimes d’après les chiffres officiels. Léa en fait partie. « Tout a commencé avec la publication de photos prises lors d’une soirée, se souvient-elle. Sans savoir vraiment pourquoi, j’ai commencé à recevoir des insultes et des critiques sur mon physique. A partir de ce moment, il suffisait que quelqu’un poste un commentaire sur Facebook pour que les messages haineux pleuvent. Mon petit ami aussi a en reçu. On lui demandait ce qu’il faisait avec une fille comme moi. J’avais l’impression de jouer à un jeu dont je ne connaissais pas les règles. J’ai bien essayé d’en parler à mes parents, mais ils ne m’ont pas prise au sérieux. »

Anxiété, isolement, mal au ventre, perte de sommeil, baisse des résultats scolaires, dépression… Les conséquences du cyberharcèlement sont nombreuses. Selon certaines études, la peur de se retrouver face à ses agresseurs expliquerait à elle seule 25 % de l’absentéisme des collégiens et des lycéens.

Parfois, le cyberharcèlement vire même au drame. En 2013, le suicide d’une adolescente de 17 ans avait marqué les esprits. Elle avait fait l’objet pendant des mois d’une violente campagne de dénigrement suite à la publication sur les réseaux sociaux de photos la montrant ivre lors d’une soirée. Si le cyberharcèlement peut pousser certains vers de tels extrêmes, c’est qu’il ne s’arrête jamais. Avec la généralisation des ordinateurs et des smartphones, les victimes sont confrontées à leurs agresseurs du matin au soir, y compris lorsqu’elles se retrouvent chez elles, créant un sentiment d’insécurité permanent particulièrement destructeur. « A chaque fois que j’allumais mon PC ou que je consultais mon téléphone, je me demandais ce que j’allais y découvrir », témoigne Chloé, une ancienne victime.

 

HD-389---cyber-1Des mesures pour limiter le phénomène

Face à ce fléau, le ministère de l’Education nationale a intégré en 2015 la question du cyberharcèlement au programme d’enseignement moral et civique. Une journée nationale de mobilisation contre le harcèlement a été décrétée le 5 novembre, un clip de sensibilisation a été diffusé dans les écoles et un site Internet (Nonauharcelement.education.gouv.fr) ainsi qu’une page Facebook ont été lancés. Un numéro gratuit, le 3020, a aussi été ouvert de manière à ce que victimes comme témoins puissent trouver une écoute et une aide directe et anonyme par téléphone. Enfin, le ministère a annoncé pour fin 2016 la création d’une brigade de 1 500 formateurs dont la mission sera de sensibiliser les quelque 300 000 personnels de l’Education nationale à la détection et à la résolution des cas de harcèlement. La cyberviolence ne doit pas être une fatalité.

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TEMOIGNAGE

389-romanoDr Hélène Romano, docteur en psychopathologie, auteure de « Harcèlement en milieu scolaire » et de « Ecole, sexe et vidéo » (éd. Dunod)

« Si le harcèlement est toujours violent, il l’est encore plus lorsqu’il a lieu sur Internet car le fait de se retrouver derrière un écran ôte toute barrière empathique. Beaucoup de jeunes harceleurs n’auraient jamais insulté un autre élève s’il avait été en face d’eux. L’impact varie aussi en fonction de la personnalité du harceleur. S’il s’agit d’un jeune connu pour sa violence, c’est difficile à vivre pour la victime, mais il y a une certaine logique. Mais il n’est pas rare que lorsque l’agresseur est l’ancien(ne) meilleur(e) ami(e), le choc s’avère très violent. Comme la politesse ou l’hygiène, les parents doivent apprendre dès le plus jeune âge à leurs enfants à maîtriser les écrans, leur expliquer qu’ils ne peuvent pas tout faire sur Internet. Ils doivent aussi prendre le temps de discuter avec eux quand ils en ont besoin, car beaucoup de jeunes, à peine rentrés chez eux, s’enferment dans leur chambre et se retrouvent seuls face à la mésestime qu’ils ont d’eux-mêmes et à leurs angoisses. »

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A SAVOIR

Les bons réflexes à adopter

Vous pensez que votre enfant est harcelé ? S’il ne se livre pas directement, incitez-le à se confier en lui montrant un reportage sur le sujet, par exemple. Puis signalez les faits au médecin de famille, au médecin scolaire et au chef d’établissement en soulignant son devoir de protection des élèves. Un changement d’établissement est envisageable si le jeune est d’accord. Quant au dépôt de plainte, ses effets peuvent être contre-productifs lorsque la plainte est classée.

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Les limites à ne pas dépasser

Sur Internet ou ailleurs, la liberté d’expression a ses limites. L’injure est punie d’une contravention de 38 euros quand elle est émise en privé (c’est le cas d’un réseau social fermé) et jusqu’à 12.000 euros d’amende lorsqu’elle est publique. Ces peines sont aggravées en cas d’injure raciste, sexiste, homophobe ou à l’encontre des handicapés. Le harcèlement, lui, est puni de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende. Quant à la publication de photos sans l’accord des protagonistes, elle constitue une atteinte au droit à l’image, elle aussi condamnable.

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