EDUCATION

Informatique : le primaire fait le pari du codage

HD-388-informatique-3Annoncée en janvier dernier, l’initiation au codage informatique dès l’école primaire doit entrer en vigueur à la rentrée prochaine avec pour objectif que tous les enfants puissent, à terme, en bénéficier dans de bonnes conditions.

-

A côté de la distribution de tablettes et de la connexion au très haut-débit des écoles et des collèges, la future école numérique passera aussi par l’apprentissage du codage informatique. Le 20 janvier dernier, à l’occasion du lancement d’une grande consultation nationale sur le sujet, le président de la République, François Hollande, a annoncé que tous les élèves dès le primaire seraient formés au code, ce langage à la base de tous les programmes informatiques, à partir de la rentrée 2016. L’idée avait déjà été évoquée un an plus tôt par Benoît Hamon, mais à l’époque, il était seulement question d’inscrire cet apprentissage dans le cadre des activités périscolaires et de manière facultative. Il aura finalement lieu pendant les heures de cours et sera obligatoire. Tous les élèves devraient donc en bénéficier.

Depuis cette annonce, les services du ministère ne sont pas restés les bras croisés. Ils réfléchissent à la manière la plus adéquate d’intégrer l’apprentissage du code aux futurs programmes. Pour alimenter leur réflexion, ils suivent les actions des associations en pointe sur ce sujet et soutiennent le développement de ressources numériques dédiées. Les associations Colombus ou France IOI, par exemple, devraient proposer à la rentrée 2016 un portail à partir duquel les enseignants pourront accéder à des supports pédagogiques utilisables en classe, tels que des fiches d’activité, des parcours d’initiation, etc.

Le ministère de l’Education nationale compte aussi s’appuyer sur 4 projets en lien avec le numérique sur les 18 retenus dans le cadre du Programme d’investissement d’avenir, opéré par la Caisse des dépôts. Parmi eux figure, par exemple, Class’code dont l’ambition est de former à l’apprentissage du code quelque 300 000 éducateurs, animateurs et enseignants dans les 5 prochaines années. Ce projet ambitieux piloté par l’Inria s’appuie à la fois sur des entreprises, des collectivités locales, des organismes de recherche et de l’enseignement supérieur pour réussir son pari – soulignons que la PEEP est associée au projet Class’code. Tout est prêt pour qu’une fois validés les futurs programmes des cycles 2, 3 et 4, actuellement en cours de discussion, la machine soit lancée.

 

HD-388-informatique-2Un contenu à définir

Il est encore un peu tôt pour savoir précisément à quoi ressembleront concrètement les futures séances de codage. La ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a toutefois laissé entrevoir quelques pistes. « Les textes publiés par le Conseil supérieur des programmes proposent, par exemple, que les élèves puissent apprendre à coder des déplacements dans l’espace dès le CE1, à l’aide d’un logiciel de programmation adapté, afin de les amener, en fin de CE2, à la compréhension et à la production d’algorithmes simples », avait-elle annoncé le 7 mai dernier. « Plus que l’apprentissage d’un langage informatique particulier, nous souhaitons initier les élèves du primaire à la programmation au sens large, afin de développer chez eux une culture numérique, une pensée logique, précise-t-on par ailleurs à la Direction du numérique pour l’éducation (DNE). Cet apprentissage s’inscrit dans le cadre des enseignements des mathématiques et de la technologie. Il s’articulera autour de projets pédagogiques, porteurs de sens pour l’élève. »

Ce qui est sûr, c’est qu’enseigner le code à des enfants de 8 ans sans les ennuyer n’a rien d’insurmontable. De nombreux pays étrangers l’ont déjà intégré à leur cursus et en France, des dizaines d’associations et de clubs initient depuis des années des enfants volontaires. La plupart s’appuient sur des logiciels éducatifs tel que Scratch, le plus connu d’entre eux, qui permet aux enfants de créer leur propre jeu vidéo en assemblant des briques, chacune correspondant à une commande. Les grands principes de la pensée informatique peuvent même s’apprendre sans ordinateur grâce à un enseignement dit « débranché » s’appuyant sur des jeux de cartes ou de billes, par exemple.

 

La formation au cœur de la réussite

Au-delà de l’aspect pédagogique, le codage pour tous les élèves ne réussira que si le matériel est à la hauteur. Aujourd’hui, le niveau d’équipement varie énormément d’un établissement à l’autre. Alors que certains bénéficient d’ordinateurs de dernière génération entretenus par des équipes dédiées, d’autres doivent se contenter de quelques postes vieillots que les enseignants tentent tant bien que mal de maintenir en état de fonctionnement. Pour réduire ces disparités, le gouvernement cherche à inciter les collectivités locales à investir en leur promettant de leur verser un euro pour chaque euro qu’ils auront dépensé en matériel.

Mais, de tous, le principal enjeu demeure sans aucun doute celui de la formation des enseignants. Pour les volontaires maîtrisant l’informatique, cela ne devrait pas poser de problème. Pour d’autres, moins enclins à utiliser les nouvelles technologies, cela sera d’autant plus compliqué qu’ils risquent, plus que dans d’autres matières, de se retrouver régulièrement face à des élèves qui en savent plus qu’eux. Le ministère a promis de faire de la formation des enseignants une priorité absolue. Il sera aussi possible de faire appel à des animateurs extérieurs à condition de disposer d’un budget pour les rémunérer, voire de laisser la possibilité aux écoles de s’organiser pour que des enseignants volontaires assurent ces cours à la place de leurs collègues. Cette situation n’est pas sans rappeler celle de l’apprentissage de l’anglais, qui a bien du mal à être généralisé de manière satisfaisante au primaire faute d’une formation satisfaisante.

Si la rentrée 2016 marquera le top départ de cette réforme, nul doute que de nombreuses années seront nécessaires pour que tous les élèves de France puissent réellement en bénéficier dans des conditions satisfaisantes. Il faut pourtant faire vite…

 

HD-388-informatique-1Un enjeu pour l’avenir

Dans une société toujours plus connectée, sensibiliser les jeunes enfants à la programmation est plus que jamais une nécessité, que ce soit pour faire naître des vocations dans les domaines technologiques que pour permettre aux futurs citoyens de comprendre comment fonctionnent les objets et le monde qui les entourent. « Hier, on pouvait se contenter d’être de simples consommateurs d’informatique, mais aujourd’hui, ça ne suffit plus, constatait il y a peu un professeur d’informatique sur le site Vousnousils.fr, site internet d’informations au service de la communauté éducative. Ceux qui réussissent à s’adapter sont ceux qui comprennent les mécanismes sous-jacents, c’est-à-dire le code ». Sans compter que l’apprentissage du codage impose à la fois réflexion, patience, rigueur et logique, autant de facultés utiles dans d’autres matières et dans la vie de tous les jours.

Pour autant, le numérique ne fait pas tout. Une enquête Pisa (Program for International Student Assessment) menée en 2012 et dévoilée en septembre dernier montre que l’usage des nouvelles technologies en classe n’a finalement qu’un faible impact sur les résultats scolaires des élèves et ne contribue pas à réduire les écarts entre les élèves favorisés et les autres. La même étude estime que l’ordinateur ne devrait être utilisé qu’une à deux fois par semaine en classe, qu’au-delà, l’effet pourrait être contre-productif. Enfin, les auteurs de l’étude déplorent que les nouvelles technologies soient encore mal utilisées en classe et que les enseignants manquent de formation. La révolution numérique est en marche, mais la route sera encore longue, et sans doute parsemée de bugs…

-

__________

ZOOM

Les parents enthousiastes

D’après une grande enquête menée par la PEEP en octobre, 3 parents sur 4 sont favorables à ce qu’une initiation à l’informatique soit organisée dès le primaire (la majorité estime toutefois qu’elle ne doit pas se faire au détriment d’autres matières). Pour la moitié des parents, cette initiation doit se tenir dans le cadre scolaire (46 %) et de manière obligatoire pour tous (49 %) afin d’assurer un enseignement de qualité et une égalité territoriale.

Dans le secondaire, l’intérêt des parents pour l’informatique est encore plus grand. 86 % sont favorables à ce que les élèves abordent l’informatique au collège et 92 % au lycée. 70 % des parents estiment que l’enseignement de l’informatique doit y être obligatoire et deux sur trois sont favorables à ce qu’elle devienne une discipline à part entière menée par des enseignants dédiés. Les parents ne sont que 20 % à penser qu’un autre enseignant peut s’occuper de l’apprentissage de l’informatique dans le secondaire après une rapide formation.

 

Enquête réalisée du 17 au 20 octobre 2015 auprès des adhérents de la PEEP. Résultats obtenus sur la base de 3077 réponses.

-

__________

TEMOIGNAGE

Virgile, enseignant en classe de CE2

« Si j’adhère complètement au projet, j’ai un peu peur car aucune formation n’est prévue pour l’instant alors que nous sommes censés commencer à l’enseigner à la rentrée prochaine. En plus, il existe de grosses différences de niveau entre les enseignants. Si la plupart savent se servir d’un ordinateur, d’autres ne sont même pas capables de lire leurs emails.

Pour les élèves aussi cela risque d’être compliqué. Pour utiliser le logiciel Scratch, par exemple, il est nécessaire de connaître ce que sont les repères orthonormés (abscisses et ordonnées). Or, cette notion est abordée au collège en temps normal. Si certains élèves comprendront, pour d’autres, ce sera nettement plus difficile.

Même si dans mon école on est plutôt bien lotis pour ce qui est du matériel, ce n’est pas évident de gérer seul 24 élèves en salle informatique quand certains maîtrisent alors que d’autres ne savent pas utiliser le « double clic » sur une souris. J’aimerais faire venir un parent pour m’aider, mais pour cela, il faut que je rédige un projet que mon inspecteur devra valider. Pour l’instant, je n’ai pas eu le temps. »

-

__________

REPERES

Informatique : la France encore en retard

Chaque établissement disposait en 2012 en moyenne de 20 postes informatiques pour 100 élèves, soit 7 de plus qu’en 2006. La France se situait alors au 18e rang européen pour l’équipement informatique des écoles et au 12e rang pour celui des collèges (source DEPP avril 2014). Depuis, des efforts ont été accomplis. A la rentrée 2015, 500 établissements dont 337 écoles devaient être connectés et leurs équipes formées. Plus de 70 000 élèves et 8 000 enseignants doivent expérimenter cette année de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage grâce au numérique.

 

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis