EDUCATION

Les évaluations font leur retour en CE2

HD-388-evaluation-1-AFPAu début de l’année scolaire, la plupart des élèves de CE2 ont fait l’objet d’évaluations. Cette série de tests, amenée à être pérennisée, a pour mission d’aider les enseignants à détecter les difficultés de chacun pour mieux y remédier.

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Décriées, abrogées et finalement réhabilitées, les évaluations de primaire sont revenues sur le devant de la scène en septembre dernier. A la demande du ministère de l’Education nationale, tous les enseignants de CE2 ont dû soumettre leurs élèves à une série de tests en français et en mathématiques. Ce n’est pas la première fois que les écoliers sont évalués de la sorte. En 2008, Xavier Darcos, alors ministre de l’Education nationale, avait instauré une évaluation nationale dans les classes de CE1 et de CM2. Malgré les critiques de nombreux enseignants, ces évaluations avaient perduré pendant plusieurs années, jusqu’à l’élection de François Hollande comme président de la République, qui y avait mis fin sans tarder. Trois ans plus tard, elles font leur retour.

Si elles sont mieux accueillies aujourd’hui, c’est que leur finalité est bien différente. Alors qu’avant chaque école était tenue de faire remonter ses résultats aux services académiques à des fins statistiques, cette fois, chaque enseignant les garde pour lui. Aucun risque, donc, que ces chiffres ne soient utilisés par le ministère pour classer les écoles par ville, par quartier ou par académie en fonction de leurs résultats, comme le craignaient les équipes éducatives. Dans une circulaire parue à la rentrée, la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a en effet précisé que les résultats de ces nouvelles évaluations avaient un objectif diagnostique dans l’unique but d’aider les enseignants à cerner les difficultés de leurs élèves et servir de base à la mise en place de pédagogies adaptées répondant aux besoins de chacun. C’est d’ailleurs pour cette raison que les évaluations n’ont plus lieu en fin d’année, comme c’était le cas auparavant, mais dans les premières semaines suivant la rentrée de septembre, à un moment où tous les élèves sont censés avoir un niveau équivalent. Le fait de les avancer dans le temps permet en outre d’éviter que des enseignants ou des parents ne fassent bachoter les enfants pour qu’ils réussissent mieux.

 

Des évaluations pour tous l’année prochaine

L’autre grand changement, c’est la grande souplesse offerte aux enseignants. Alors qu’avant ils devaient soumettre chaque élève aux mêmes exercices, au même moment et dans des conditions similaires, cette fois, chaque enseignant a pu choisir le moment qu’il jugeait le plus adéquat pour faire passer ces évaluations. La circulaire ministérielle parue cet été précise juste que celles-ci doivent avoir lieu « au cours des premières semaines de l’année et en fonction des objectifs poursuivis au sein de la classe ».

Cette année, les enseignants avaient en outre la possibilité de choisir de faire passer ces évaluations à toute la classe ou seulement à une partie de leurs élèves. Néanmoins, ces évaluations sont amenées à être généralisées et concerneront tous les élèves de CE2 sans exception à partir de l’année prochaine.

Enfin, le contenu même des évaluations était laissé au libre choix des professeurs. Plutôt que de se voir imposer un livret unique qui ne convenait pas forcément à tous les élèves, comme c’était le cas lors des précédentes évaluations, les enseignants, cette fois, ont pu sélectionner les exercices qu’ils souhaitaient leur faire passer parmi plus de 400 fiches mises à leur disposition sur le site Eduscol, chacune d’entre elles proposant un exercice différent censé mettre en évidence une difficulté bien spécifique. Les enseignants qui le souhaitaient avaient également la possibilité de choisir l’un des 4 livrets complets regroupant une sélection d’exercices.

 

HD-388-evaluation-3Des améliorations demandées

Si ces évaluations « nouvelle formule » n’ont pas rencontré de réel blocage sur le terrain, nombreux sont les enseignants qui ont toutefois déploré le temps qu’elles leur ont demandé. Ils devaient dénicher dans un premier temps les exercices qu’ils souhaitaient soumettre à leurs élèves parmi les 400 proposés. Or, de nombreux enseignants ont trouvé la base de données mise en place par le ministère mal faite et compliquée à utiliser. Ils devaient ensuite imprimer les fiches correspondantes. « A raison d’un livret par élève, ces évaluations ont bien entamé mon budget photocopie pour l’année », déplore un professeur des écoles sur un forum dédié aux enseignants de primaire. Il fallait ensuite faire passer les épreuves à tous les élèves puis les corriger. Même si le choix d’un QCM avait été fait pour limiter le temps de correction, les enseignants ont déploré la charge de travail que cela représentait. Enfin, des enseignants se sont étonnés de la difficulté de certains exercices. « Si ma mémoire est bonne, pour les anciennes évaluations de CE2, on considérait qu’un élève était fragile s’il obtenait moins de 75 % de bonnes réponses. Là, sur 7 élèves en maths, je n’en ai aucun qui a dépassé les 50 % alors que j’ai choisi le livret 1, censé être le plus facile, s’étonne Delphine, enseignante à Dijon. Du coup, je ne sais pas trop quoi dire aux parents qui vont s’inquiéter ».

Au final, même si des enseignants expliquent qu’ils auraient préféré la mise en place de tests encore moins formels, d’autres reconnaissent que ces évaluations de CE2 leur permettent de disposer d’un état des lieux assez précis du niveau de chaque élève. « Quand, à la fin de l’année, je demanderai un maintien pour tel ou tel élève, je serai bien contente de disposer de résultats « normés » pour avoir l’appui de mon inspecteur », anticipe néanmoins Delphine, qui avoue que, sans ces évaluations, elle se serait contentée, comme les années précédentes, des exercices quotidiens et des évaluations de fin de séquence pour connaître le niveau de ses élèves.

 

Des résultats qu’il faut mieux exploiter

Faire un état des lieux précis de la classe, c’est bien, mais encore faut-il qu’une fois récoltés, ces résultats soient exploités, que chaque enseignant prenne au sein de sa classe des mesures concrètes pour répondre aux besoins de chacun de ses élèves. Une fois les retards décelés, une fois les difficultés identifiées, encore faut-il trouver des solutions pour y remédier et les mettre en application. Or, pour le moment, rien n’est prévu pour améliorer la prise en compte des élèves en difficulté. Les enseignants sont censés depuis longtemps mener une pédagogie adaptée à chaque élève.

Dans la pratique, pourtant, ce travail personnalisé est loin d’être appliqué dans toutes les classes, soit par un manque de temps ou d’implication de la part de l’enseignant, soit parce que les difficultés sont si importantes que ce dernier ne peut pas y répondre seul. Dans ce cas, un Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) doit impérativement être élaboré. Ce plan coordonné est censé aider à trouver des solutions appropriées dès qu’il apparaît qu’un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences du socle commun. Proposé à l’école élémentaire et au collège, il est élaboré par l’équipe pédagogique, discuté avec les parents et présenté à l’élève.

Si les PPRE vont dans le bon sens, leur efficacité est loin d’être une évidence. De nombreuses études montrent qu’ils ne parviennent pas à réduire les disparités entre élèves. Conscient du problème, le ministère a annoncé que de nouvelles mesures seraient prises pour tenter de réduire les inégalités.

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ZOOM

Pas d’obligation de transmission

S’ils sont tenus d’évaluer leurs élèves, rien n’oblige les enseignants à en transmettre les résultats aux familles. Si certains ont pris l’initiative de les communiquer aux parents, d’autres ont fait le choix de ne les transmettre que sur demande. D’autres encore s’y refusent catégoriquement, estimant que les parents ne sauraient pas les interpréter et refusant de rendre public des livrets qui risquent d’être réutilisés l’année suivante. « Pour savoir où en est leur enfant, les familles disposent du livret scolaire », se justifie pour sa part Delphine, enseignante dijonnaise.

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Une grande variété d’exercices

Les enseignants de CE2 ont pu piocher parmi plus de 400 exercices mis en ligne sur le site Eduscol. A côté de chacun d’entre eux figuraient des indications à destination de l’enseignant, telles que le niveau de difficulté (de 1 pour les plus faciles à 4 pour les plus difficiles), la consigne précise à donner aux élèves ou encore le temps qu’ils avaient pour le réaliser.

En mathématiques, l’élève devait, par exemple, résoudre des opérations avec ou sans calculatrice, trouver parmi plusieurs la figure géométrique ayant 4 côtés de même longueur et pas d’angle droit ou bien, à partir d’un tableau qui lui était fourni, indiquer quel chemin prendre pour aller d’un voilier situé en case A8 à un trésor en case B2.

Autre exemple, en français, il devait trouver, parmi 4 dessins de clown, celui qui correspondait à la description fournie, rédiger une lettre en réponse à un courrier qui lui était lu à haute voix ou bien décrire en une phrase un dessin en utilisant une série de mots imposés.

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TEMOIGNAGE

Marie, enseignante en CE2-CM1 dans une école de Villeneuve d’Ascq (59)

« J’ai fait passer les évaluations à mes 14 CE2 en septembre en m’appuyant sur un livret condensé que notre inspection avait mis à notre disposition. Malgré quelques erreurs et l’absence d’exercices sur l’orthographe, ce document nous a permis de limiter le nombre de photocopies. Il nous a surtout évité de perdre du temps en allant fouiller dans la base de données du ministère. En plus, si j’avais utilisé les exercices de la Banqu’outils, j’aurais dû créer mes propres fichiers de saisie. Eduscol ne propose pas ces documents pourtant indispensables pour répartir ensuite les élèves par groupes de besoin. Au final, même si je ne les ai pas attendues pour diagnostiquer mes élèves, je trouve ces évaluations plutôt intéressantes. Elles m’ont toutefois demandé beaucoup de temps. Avec mon double-niveau, je ne pouvais en effet faire passer que quelques exercices par jour. Et si certains allaient vite, d’autres épreuves, comme la lecture, nécessitaient d’évaluer chaque enfant individuellement ».

 

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