EDUCATION

Entrepreneurs à 14 ans !


HD-383---entrepr-1« Monter une boîte » à l’école, c’est possible grâce au dispositif innovant de la mini-entreprise. Du collège au BTS, les élèves deviennent de vrais mini-entrepreneurs en charge d’un projet qu’ils auront eux-mêmes choisis. Source d’ambition et parfois même de vocations, retour sur une expérience synonyme d’aventure.

-

« La mini-entreprise m’a fixé sur mon avenir. » Pour Nicolas, en terminale ES, devenir mini-entrepreneur à l’époque de sa 1re ES c’était avant tout mettre en pratique la théorie des cours et enrichir son projet d’intégrer une école de commerce. « Directeur marketing » de l’équipe soudée qui a remporté le championnat de Normandie et terminé sur la 3e marche du podium national avec son Délis’cup (lire l’encadré ci-dessous), Nicolas regrette que cette option ne soit pas plus valorisée et donc notée. « Pour moi, c’est plus utile que d’apprendre le latin », fait-il remarquer avec une pointe d’ironie. En outre, comme toutes les présentations se font à l’oral – et même en anglais lors du championnat national ! –, son niveau dans la langue de Shakespeare s’est considérablement amélioré. « Si au début de l’année j’étais angoissé à l’idée de passer mon oral de bac français, à la fin, parler devant un seul professeur me paraissait de la rigolade. »

-

« La mini-entreprise les fait grandir »

Magali Cressy d’EPA (1) n’est pas surprise de cette mise en confiance et de toutes les conséquences positives qui découlent de la participation des élèves à la mini-entreprise. En charge de l’animation et de la coordination sur la région Haute-Normandie qui compte cette année 72 projets de mini-entreprises, elle ne compte plus les retours positifs d’élèves métamorphosés. « Entre ceux qui disent avoir trouvé leur place et ceux qui ne regrettent pas, la mini-entreprise les fait tous grandir. »

Grâce aux 30 à 60 heures de ce programme pédagogique réparties sur une année scolaire, les élèves inscrits (et choisis quand ils sont trop nombreux) appréhendent la gestion de projet et acquièrent des réflexes pour concrétiser une idée. Entre « brainstorming » (réflexion en groupe), étude de marché et présentation de projets aux futurs actionnaires, les mini-entrepreneurs apprennent à respecter les objectifs qu’ils se sont fixés et s’organisent comme une vraie entreprise. Autour des 6 départements que compte l’entreprise (Communication, Financier, Relation client…), les mini-entrepreneurs se répartissent les fonctions en passant des entretiens avec CV et lettre de motivation à l’appui. Une mise en conditions réelles qui stimule et valorise leurs qualités personnelles (créativité, solidarité, autonomie, esprit d’initiative, etc.).

-

HD-383---epa-deuzeDes profils d’élèves variés

A cette période de l’année, la classe de 3e du collège de l’Europe de Cormeilles (27) en est à la réalisation de questionnaires pour leur étude de marché et l’étude de la concurrence. Pour ces 16 élèves sélectionnés dans cette option Découverte Professionnelle sur 30 inscrits, c’est au rythme d’une matinée par semaine et encadrés par deux enseignantes qu’ils découvrent les joies de l’entreprenariat. Si l’envie de découvrir autre chose et de varier des cours classiques pouvait être la motivation initiale de Pierre, Julien ou Marie, après seulement trois sessions tous se prennent au jeu et s’investissent dans leur projet de mini-carrés potagers. Et pour Paul, participer à cette aventure, « ça n’est que du bonus ». Et l’objectif est en vue : leur première assemblée générale avec présentation du projet aura lieu en janvier devant leurs actionnaires pour une commercialisation du produit le mois suivant.

Pour les deux encadrantes volontaires Marjorie Lapergue, professeur de SVT et Perrine Caudebec, professeur d’anglais, il était important de varier les profils d’élèves. « Pour cela, nous demandons également l’avis de nos collègues car cela peut permettre de raccrocher un élève en difficulté, ou encore à celui qui est plus timide de s’affirmer. » Equipées d’un support pédagogique fourni par EPA, les enseignantes aident les élèves dans leurs recherches. L’animateur EPA, lui, revient toutes les 5 à 6 semaines mais reste toujours disponible pour les professeurs en cas de besoin.

Quand la fin de l’aventure aura sonné pour cette classe de 3e, ils auront le choix entre des chèques cadeaux, une sortie collective ou un don à une association pour répartir leurs bénéfices. Magali Cressy le sait pour l’avoir vu maintes fois, « tous les élèves veulent des chèques cadeau en début d’année et finissent en majorité par choisir une sortie collective pour prolonger la mini-entreprise par un moment « corporate » (esprit de groupe, ndlr), rien qu’à eux. » Et la mini-entreprise qui les a précédés leur a laissé un beau cadeau… un don de 200 euros pour les aider dans leur futur projet. Une classe de Dieppe, elle, a tout offert à l’Hôpital de la ville car la console Wii des enfants hospitalisés avait été volée… Quand mini-entrepreneurs rime avec grand cœur. ?

 

Note

(1) : EPA, Entreprendre pour apprendre, est une fédération d’associations loi 1901 agréée par le ministère de l’Education nationale comme activité complémentaire à l’école. 22 associations EPA couvrent aujourd’hui l’ensemble du territoire. Infos sur www.entreprendre-pour-apprendre.fr.

-  

__________

INTERVIEW

383---Magali-Cressy-EPA-HNMagali Cressy, animatrice-coordinatrice EPA Haute-Normandie

Qu’est ce que la mini-entreprise peut apporter à un élève ?

Pour ceux qui sont en décrochage, cela permet de les réintroduire dans le système scolaire. A cette occasion, on va croire en eux et leur donner des responsabilités et cela change tout. Grâce à la pédagogie du projet, le rapport au professeur est également différent. Le professeur encadrant doit changer de peau et devient plus un coach. Parfois, les élèves le tutoient et l’appellent par son prénom tout en maintenant le respect. Les jeunes qui réussissent en mini-entreprises ne sont pas forcément les bons élèves de la classe.

-

Quelle est l’influence des adultes encadrants sur la mini-entreprise de ces adolescents ?

L’idée c’est de transmettre la méthode de réflexion. Nous ne sommes pas là pour faire à leur place. Nous préférons chez EPA des échecs d’élèves plutôt que des réussites de profs mais heureusement 95 % des projets vont au bout. Notre rôle est aussi d’insister sur des thèmes comme la parité. Par exemple, on travaille sur la question du sexisme car les préjugés sont encore et toujours d’actualité dans la jeune génération. Les filles font de très bonnes PDG aussi et on veut qu’elles osent plus !

 

-

__________

ZOOM

Une mini-entreprise à la sauce normande

383---delicupLa « success story » d’Art’Gliss a commencé à la cafétéria de leur lycée de Vernon (Eure). Inscrits en mini-entreprise dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, ces élèves de 1re ES et S se sont alors rendus compte qu’il n’existait que des gros pots de sauce peu appétissants. Et l’idée est née d’une coupelle lavable à clipser directement sur l’assiette pour éviter le mélange des sauces aux aliments (voir photo ci-contre). Quelques mois plus tard, le Délis’cup allait voir concrètement le jour grâce à Véxin Polymères, un industriel situé à 10 km de leur lycée, qui a accepté de développer et de réaliser le produit en échange de cette idée. Elue championne de Normandie, cette mini-entreprise a remporté la 3e place au concours national EPA 2014.

 

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis