EDUCATION

La laïcité : pilier de l’école et de la société française

La rentrée scolaire a été marquée par l’édiction de la charte de la laïcité. Ce document affiché dans les établissements scolaires vise à clarifier en 15 points ce fondement de notre société et vient en rappeler les principes. Professeurs, élèves, parents et sociologues livrent leurs avis.
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Lorsque furent votées les lois qui fondent l’école laïque, publique et obligatoire entre 1879 et 1889, l’idée directrice était de former des citoyens autonomes capables de développer une réflexion personnelle, protégés de l’influence du monde extérieur. Plus de 100 ans après ces textes fondateurs, à cette idée d’autonomie de la pensée s’est ajoutée celle du « vivre ensemble » dans la pluralité des religions qui composent la France contemporaine.
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La neutralité des personnels de l’Education nationale
A l’école, ce pilier de la société française est d’abord matérialisé par la neutralité des personnels de l’Education nationale. « Ceux-ci se sont engagés à ne pas manifester leurs convictions personnelles dans l’exercice de leurs fonctions et sont tenus de transmettre aux élèves les valeurs de la République. Cette neutralité des personnels empêche que la conscience des élèves soit exposée à l’influence ou à l’endoctrinement de n’importe quelle conviction personnelle », explique Abdennour Bidar, membre de la mission laïcité au ministère de l’Education nationale. A un âge où les esprits sont en pleine formation et donc malléables, cette volonté se révèle indispensable et se trouve donc généralisée aux rapports entre élèves. Ainsi, tout prosélytisme par la parole ou le comportement est proscrit pour que chacun jouisse des mêmes droits, accepte les mêmes limites et soit protégé dans sa liberté de pensée.
Abdennour Bidar prolonge son explication : « L’Ecole accueille des jeunes esprits en formation, qui doivent trouver tout au long de leur scolarité les outils culturels et intellectuels nécessaires à la formation d’une personnalité libre. L’Ecole apprend à l’enfant à s’appartenir à lui-même – à penser par lui-même, à faire ses propres choix de conviction et de vie – avant d’appartenir à tel groupe religieux, social ou politique. L’Ecole cultive l’identité personnelle en considérant que l’enfant a le droit fondamental de se déterminer face aux identités collectives qui le sollicitent. »
C’est pour servir cet idéal que la charte propose 15 articles, boîte à outils dont les enseignants sont tenus de discuter en classe.
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Les 15 articles de la charte
Pour Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, cette charte était donc l’occasion de « réaffirmer le lien entre la laïcité comme condition et la liberté, l’égalité, la fraternité comme finalité ». La laïcité fixant les règles et les limites en vue de servir la liberté de pensée.
La charte rappelle d’une part que la France respecte toutes les croyances et d’une autre part, elle réitère la neutralité de l’Etat à l’égard des convictions de chacun. Ces convictions peuvent être exprimées librement dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public dans un souci d’intérêt général. (articles 1,2,3,4 et 5)
La laïcité de l’école protège les élèves de tout prosélytisme tout en permettant l’exercice de la liberté d’expression. (articles 6 et8)
La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l’autre. (article 9)
Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions. (article 11)
Les enseignements sont laïques. Aucun sujet n’est exclu du questionnement scientifique et pédagogique et aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question du programme. Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’école de la République. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. (articles 12, 13 et 14)
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Une réalité apaisée
Cette charte placée sous le signe du bon sens met sur le devant de la scène le sujet toujours sensible de la religion. Au quotidien, les témoignages sont plutôt rassurants, même si certains avouent que le sujet est sensible. « J’ai l’impression que la religion est vraiment taboue. Lorsque j’aborde les textes religieux en cours de français, les réactions sont vives ou gênées, chacun reste sur son quant à soi ce qui veut aussi dire que les élèves savaient faire la part des choses et ne pas importer au sein de l’école leur religion », constate Laurence Paumès, professeur au collège Gagarine, de Trappes (78).
« On nous a expliqué que cette charte servait à recadrer le débat, mais je ne comprends pas en quoi la laïcité est bafouée. Je n’ai jamais constaté le moindre problème lié à la religion alors que mon lycée est mixte et que mes amis sont musulmans, juifs et catholiques », explique Louise, élève en terminale dans un lycée parisien. Même son de cloche du côté des parents : « Lorsque j’en discute avec d’autres parents d’élèves, nous nous apercevons que les problèmes liés à la religion sont plus que rares et que finalement les parents qui ont un profil religieux mettent leurs enfants dans le privé quelle que soit leur religion », analyse Elisabeth Costagliola, présidente régionale de la PEEP des Pays de la Loire.
Un sentiment partagé par le sociologue Philippe Portier : « Contrairement à ce que l’on nous rabâche sans cesse, l’état de la laïcité n’est pas dramatique, il n’y a nullement péril, les règles restent très largement respectées par les élèves, grâce notamment à la loi de 2004 qui a été très disciplinante ».
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Un premier bilan
Si elle n’apporte aucune nouveauté, c’est plutôt la vocation pédagogique de la charte que les professeurs saluent, comme un « point de départ » aux discussions avec les élèves puisque celle-ci doit être affichée et débattue. « Nous avons choisi de faire une pédagogie de la laïcité. A chacun maintenant, au sein de l’Ecole, de se l’approprier comme telle et de la faire vivre ainsi non seulement dans les établissements scolaires, mais plus tard ensuite dans la société entière », espère Abdennour Bidar.
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Approfondir le débat
Si ce débat sur la laïcité donne l’occasion aux enseignants de rappeler aux élèves que la diversité culturelle est une richesse, il montre aussi que les religions ne sont connues que très superficiellement… Une ignorance qui nourrit les préjugés. « L’intérêt de cette charte est de discuter des valeurs de la République avec les enfants. Mais il me semble que la plupart des problèmes viennent de la méconnaissance des autres religions. Il faudrait proposer des formations aux enseignants afin qu’ils enseignent à leur tour les religions, un outil précieux pour éviter la récupération et l’interprétation en se basant sur des faits incontestables », estime Jean-Christophe Suchard, père d’un jeune collégien. Un outil qui semble indispensable pour des professeurs parfois désarmés face à des élèves en quête de repères.
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REPERES

L’enseignement religieux à l’école

L’enseignement religieux est interdit au sein de l’école.

Les enseignants ne peuvent pas être des religieux. Ils doivent être d’une absolue neutralité sur les questions religieuses. Tout prosélytisme athée ou religieux est proscrit. En revanche, les références au religieux sont possibles dans le cadre d’un enseignement objectivé.

Dans le secondaire, même principe de neutralité et de discrétion religieuse qu’au primaire. Un enseignement religieux est possible en dehors des heures de cours. Des éléments de culture religieuse sont dispensés en classe à travers une vision objective du fait religieux.

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ZOOM

L’article 12 de la charte, pour briser les tabous

Selon l’article 12, « Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. » Selon Abdennour Bidar, chargé de mission laïcité au ministère de l’Education nationale, « cela veut dire que l’appartenance religieuse ne peut pas être un prétexte pour se soustraire aux enseignements. Lorsque des absences non justifiées médicalement se répètent, il y a défaut d’assiduité quel que soit le prétexte. L’Ecole à ce moment-là sanctionne logiquement. La scolarité n’est pas à la carte, et l’on peut encore une fois rapporter cela, pour le fonder, à nos valeurs républicaines : l’égalité, en l’occurrence, est celle des droits mais aussi celle des devoirs. »

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TEMOIGNAGES

La laïcité vue par les enfants…

• « La laïcité à l’école, ça veut dire que l’on doit protéger tous les élèves chrétiens, musulmans, juifs, bouddhistes ou athées de ceux qui veulent les insulter. » Inès, 8 ans

• « Chacun peut vivre avec la religion qu’il souhaite, sans que celle-ci ne perturbe la vie en communauté. » Louise, 18 ans

• « La religion doit être absente du lycée. Selon moi, on ne devrait même pas y faire référence durant les cours. » Léo, 17 ans

• « La laïcité c’est savoir accepter les autres comme ils sont et ne pas juger leur religion, leurs goûts, leurs opinions politiques. En contrepartie, il ne faut pas exhiber sa religion pour éviter que la loi du plus fort prenne le dessus, que chacun essaie de convaincre les autres. » Ikram, 12 ans

• « Toutes les religions doivent être pratiquées librement sans qu’elles soient imposées par ses copains ou ses instituteurs. » Baptiste, 10 ans

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