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Les tatouages, une mode qui laisse des traces…

Depuis quelques années, le tatouage permanent est en phase ascendante – plus de 10 % des Français seraient tatoués, dont une part grandissante de jeunes. Ceux-ci semblent de plus en plus attirés – et de plus en plus tôt – par ce qu’il convient d’appeler une « modification corporelle permanente ». Au-delà des préjugés, quels sont les risques réels et quel rôle avons-nous à jouer en tant que parents ?

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Al’époque où les parents d’aujourd’hui étaient adolescents, le tatouage était encore considéré comme l’apanage de certaines catégories de personnes (motards, punks, (hard)rockers, prisonniers, voyous…). « Peu de jeunes qui viennent nous voir sont dans une logique de réaction par rapport à leurs parents ou à la société », assure Chadia, tatoueuse professionnelle chez Medusa à Tours, brisant sans détour la légende du « tatouage rebelle ».
Aujourd’hui, même si certaines réticences subsistent, le tatouage est devenu plus populaire et, par un simple principe de vases communicants, de plus en plus accessible. Cette spirale ascendante touche les jeunes : effet d’entraînement mutuel entre eux, tentation augmentée par le fait de passer tous les jours devant des « salons de tatouage » qui ont pignon sur rue et influence des stars qu’ils admirent (l’ex-footballeur David Beckham ou l’actrice Angelina Jolie, par exemple, qui en a plus de quinze !).
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Quelles sont les conséquences ?
Mais de la tentation à l’acte, il y a parfois des obstacles infranchissables. Le premier étant l’âge : un certain nombre de salons refusent de tatouer des mineurs, même accompagnés de leurs parents.
Un tatouage dure toute une vie (ou presque : les techniques d’effacement sont coûteuses, complexes et pas toujours efficaces à 100 %). Un jeune n’a pas forcément le recul d’un adulte et un certain nombre d’entre eux qui se sont fait tatouer jeunes le regrettent aujourd’hui. « Notre rôle est de sentir les personnes qui sont prêtes : on est habitués. Quelqu’un qui hésite sur le motif ou sur l’emplacement est quelqu’un qui n’est pas prêt », nous explique Chadia, à qui il arrive de dissuader des tatoués potentiels, ce qui, hélas, n’est pas le cas d’autres tatoueurs qui ne veulent pas perdre le moindre client…
« Quand j’ai eu 17 ans, avec mon copain de l’époque, je me suis fait tatouer. Sans l’accord de mes parents, nous raconte Hélène, aujourd’hui trentenaire. Même si ce petit triskel (symbole celtique) ne me ressemble pas forcément aujourd’hui, il fait partie de mon histoire personnelle et je n’ai aucun regret. » Et c’est bien là une conséquence essentielle à prendre en compte : après un tatouage, le corps a définitivement perdu de sa « virginité » naturelle, puisqu’il est marqué artificiellement.
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Le rôle des parents
« Les parents (ou au moins l’un d’eux) sont responsables d’autoriser, ou non, que leur enfant mineur se fasse tatouer. Non seulement leur signature est indispensable pour que le professionnel puisse effectuer cet acte, mais la présence d’un parent l’est tout autant, car il doit intégrer les mêmes informations de soins et de précautions que celles données au futur tatoué » explique Karine Grenouille, secrétaire du SNAT, le Syndicat national des artistes tatoueurs.
Le côté potentiellement dangereux est quant à lui souvent moins efficace pour dissuader un mineur : la prise de risque assumée fait souvent partie du jeu.
Le fait d’imposer un délai de réflexion peut amener l’adolescent à réfléchir davantage, à ne pas se précipiter, à s’informer et, dans ce laps de temps, à rencontrer (par hasard… ou non) un tatoué adulte qui lui conseillera peut-être d’attendre la majorité pour passer à l’acte. « Le rôle des parents est d’aider l’ado à définir sa motivation et à exprimer leurs éventuelles réticences », poursuit Karine Grenouille. Pour ce qui est du passage à l’acte à la majorité, il faudra compter comme relais sur le sens des responsabilités du tatoueur démarché par votre enfant.
D’après elle, voici quelques-unes des bonnes questions à se poser avant de faire un choix : « La taille et l’emplacement du tatouage en font-ils une marque discrète ou visible ? Sera-t-il possible de le dissimuler ? Le type de motif ne risque-t-il pas d’être mal interprété ? Le simple fait d’être tatoué pourrait-il m’empêcher d’accéder à un emploi, une formation ou même un logement ? ».
Dans tous les cas, même si en France les normes en termes d’hygiène (et notamment concernant les encres) sont draconiennes et que les cas d’allergies vraiment graves relevés sont très rares, se faire tatouer pour un jeune reste loin d’être un acte anodin. Aux parents d’y veiller, ils seront là pleinement dans leur rôle.
LG
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INTERVIEW

Professeur Gérard Guillet, Service de Dermatologie-Allergologie, Hôpital de la Miletrie, CHU de Poitiers. Auteur de « Les pouvoirs de la peau, secrets et message » (Albin Michel, 2012)

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Les décalcomanies à la mode dans les écoles primaires sont-elles un problème ?

Pas vraiment. Au pire, elles peuvent provoquer quelques irritations.

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Vous êtes plus concerné par les fameux « tatouages éphémères » au henné noir ?

Oui, ils peuvent déclencher des réactions importantes chez les personnes sensibles. Ils sont en théorie interdits en France, mais on peut en commander sur internet et ils sont très répandus dans les pays du Maghreb : ce n’est pas le henné qui pose problème, mais le produit ajouté, la paraphénylènediamine, qui est très allergisante.

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Pour les vrais tatouages par effraction cutanée, comment savoir si on va être allergique ?

Il est recommandé qu’une personne qui est déjà sujette aux allergies se soumette préalablement à des tests de contact auprès d’un allergologue, car certains pigments d’encre peuvent contenir du cobalt, du chrome, du cinabre (mercure) ou du cadmium, et le risque de réaction est important. Pour les autres, il y a peu de risque.

Sachez par ailleurs que le rouge et le vert sont les couleurs qui sont le plus à risque de réaction.

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Un jeune est-il plus sensible ?

L’immunité n’a pas d’âge pour réagir à l’introduction d’une substance étrangère. Il n’y a pas d’âge protégé ni plus réactif. Et une sensibilisation peut se déclencher tardivement après des années de calme.

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A part l’allergie, quels sont les autres risques ?

L’infection. Bien souvent elle n’est pas liée au travail du tatoueur, mais à l’entretien de la peau par le tatoué lui-même par la suite : défaut d’hygiène avec de l’eau contaminée, par exemple. Sans oublier la lassitude : avoir tous les jours sous les yeux les mêmes dessins, pendant 40 ou 50 ans, ce n’est pas rien…

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REPERES

Décalcomanies et autres « tatouages éphémères »

La mode des décalcomanies est très en vogue chez les plus jeunes, ciblés sans détour par des fabricants qui s’assurent un pouvoir d’attraction irrésistible en achetant les licences des héros préférés du moment. L’un d’entre eux nous assure que « ce n’est pas dangereux en théorie, sauf si vos enfants ont la peau sensible ou pourraient être allergiques, mais les ingrédients sont aux normes. » Les risques sont effectivement très limités, les enfants risquant au pire une petite irritation.

Beaucoup plus dangereux sont les fameux « tatouages temporaires » ou autres « maquillages permanents » à base de henné noir. Très en vogue eux aussi, ils sont interdits en France, mais en vente libre dans certaines destinations de vacances et sur internet… L’ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé) les a pointés du doigt dans une campagne cet été en raison de leur teneur importante en paraphénylènediamine (PPD). Les réactions sont certes peu nombreuses pour l’instant (une dizaine de cas signalée par an), mais elles peuvent être graves et surtout elles ne sont pas forcément immédiates.

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