EDUCATION

Rentrée 2013 : l’école des profs se rénove

L’Education nationale prévoit la création de 60 000 postes sur cinq ans. Pour cela, le ministère met en place une nouvelle formation aux métiers du professorat au sein des Espé. But affiché : faire évoluer les pratiques pédagogiques et retrouver de l’attractivité.

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L’ instrument le plus important pour la réussite des élèves à terme ». C’est ainsi que Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, présente les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé). Destinées à la formation des futurs enseignants, elles constituent l’une des mesures phares du projet de loi sur la refondation de l’école. Depuis « l’écartement » des IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) en 2010, « l’enseignement était devenu le seul métier qui ne s’apprenne pas », selon les termes du rapporteur du projet Yves Durand.
Ces Espé organiseront des formations de masters à vocation professionnelle « enseignement, éducation, formation » (MEEF), à l’issue de deux années d’études post-licence. Composantes de l’université, ces nouvelles écoles doivent donc corriger la situation qui handicape le système entier depuis plusieurs années (lire encadré « Etat des lieux »). Si les contenus spécifiques de la formation ne sont, pour l’heure, pas encore annoncés, l’objectif principal se dessine clairement : ne plus parachuter les professeurs débutants dans une classe, et, outre leur discipline, leur apprendre à transmettre des connaissances, gérer une classe, enseigner à un enfant handicapé, s’ouvrir à l’international et faire place au volet numérique.
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Une réforme nécessaire
Améliorer la formation des enseignants constitue, en effet, l’un des éléments essentiels pour réussir la refondation de l’école. Lors d’un colloque en mars dernier, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a souligné combien la qualité des enseignants est le premier levier d’amélioration de l’efficacité des systèmes d’éducation en s’appuyant sur des exemples de bonnes pratiques internationales : la réforme allemande, la campagne de recrutement en Grande-Bretagne, les mesures prises par la Corée et Singapour… (lire le blog d’Eric Charbonnier (1), expert éducation à l’OCDE).
Les conditions de formation doivent donc être revues. Le nerf de la préparation à l’éducation étant l’expérimentation sur le terrain, le principal axe d’amélioration avec la création des Espé repose sur un processus d’alternance avec des stages en M1 et M2. « La nouveauté tient à deux choses : on essaiera d’anticiper ces stages dans le cursus de licence pour que les étudiants découvrent les aspects pratiques du métier beaucoup plus tôt et puissent s’orienter en connaissance de cause. L’autre élément se situe dans la deuxième année de master : elle réinstallera un stage rémunéré et accompagné pendant la 2e année de master, pour les étudiants qui auront été reçus au concours. Donc des stages sur une durée plus longue, et de ce fait dans une progressivité mieux assumée, et rémunérés en fin de parcours : voilà les aspects positifs », indique Patrick Demougin, président de la conférence des directeurs d’IUFM (lire l’intégralité de son interview « Grand Témoin »).
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Améliorer l’attractivité du métier
« L’annonce des recrutements m’a interpelée », témoigne Marie. Salariée dans la communication depuis neuf ans, la trentenaire envisage l’éducation comme une possible reconversion depuis quelques temps. « C’est la place accordée à l’alternance qui m’a convaincue. J’ai une certaine expérience avec les enfants, mais la transmission de connaissances est une compétence qui s’acquiert progressivement et ne peut être qu’améliorée. » Quelques craintes demeurent néanmoins niveau  salaire et évolution de carrière.
C’est également sur ces points que l’Education nationale va parvenir à recruter de nouveaux profils. Le processus d’accréditation des Espé est en cours depuis janvier 2013. Reste à espérer que la carte soit équilibrée sur le plan national, que chaque région remplisse son contingent et que la réforme intègre de nouveaux leviers. Eric Charbonnier, de l’OCDE, rappelle que le taux d’échec est en constante augmentation depuis 10 ans, au même titre que l’écart entre les « bons » et les « mauvais » établissements. « Le fonctionnement actuel est mauvais car les établissements qui auraient besoin de plus de moyens sont ceux qui n’en ont pas. » Le spécialiste insiste également sur la mise en place d’une nécessaire formation continue des enseignants, d’une possible évolution de poste tout au long de la carrière (activité de tutorat) et d’une révision de la grille de salaires pour rendre le métier plus juste.
Note
Pour aller plus loin

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ETAT DES LIEUX

1 sur 5 : c’est le taux d’élève en difficulté face à l’écrit en début de 6e.

27e sur 34 : c’est le classement de la France dans les pays de l’OCDE du point de vue de l’équité scolaire.

Entre 2000 et 2009, la France a régressé dans tous les classements internationaux en mathématiques et en sciences.

72 % : le taux d’obtention du baccalauréat sur une génération d’élèves.

12 % : le pourcentage en 2011 de jeunes âgés de 18 à 24 ans ayant quitté le système scolaire sans diplôme ou uniquement avec le diplôme national du brevet.

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GRAND TEMOIN

Patrick Demougin


Président de la conférence des directeurs d’IUFM, Patrick Demougin expose son point de vue sur la réforme de la formation des enseignants. Une vision binaire qui approuve le mouvement, mais dénonce quelques manquements.

Quel regard portez-vous sur la nouvelle formation des enseignants ?

Patrick Demougin – Il s’agit d’une réforme nécessaire. Par certains côtés, elle répond et met en œuvre plusieurs des 22 propositions des directeurs d’IUFM présentées en novembre 2011. La principale étant le rétablissement de l’alternance qui avait disparu après la masterisation. C’est un élément indispensable de la formation qu’il fallait absolument remettre en place. En outre, il est essentiel de redonner de l’attractivité à la profession, et cette réforme peut le faire.


Que pensez-vous de la mise en œuvre de la loi ?

Je me permets d’émettre quelques réserves à ce sujet. La rapidité du calendrier pose des difficultés d’information à destination des étudiants, concernant la mise en place des formations, ou encore pour des questions de ressources humaines… En temps normal, une rentrée se prépare dès février. Dans le cas actuel, pour être prêt en septembre 2013, nous risquons d’avoir à agir dans la précipitation et dans une certaine improvisation. Mais le ministère de l’Education ne pouvait attendre. Il était impossible de décaler à l’année suivante, il existe un réel besoin de réponses immédiates.


Quel est votre avis sur la nouvelle place accordée aux stages ?

Les stages n’avaient pas totalement disparu de la formation comme on le dit parfois. Ce qui avait disparu, c’était la « stagiairisation » rémunérée et accompagnée de formation. Mais il existait des stages d’observation, de pratique accompagnée et en responsabilité totale, dans les deux années de master. La nouvelle formation comportera des stages de même type pendant la première année de master – ils sont indispensables puisqu’ils assurent une entrée progressive dans la fonction d’enseignant – et elle réinstallera un stage rémunéré et accompagné pendant la 2e année de master. Un problème doit être mentionné : le stage en alternance à mi-temps sur le terrain, pendant l’année de master 2, laissera très peu de temps aux étudiants pour compléter leur formation et prendre le recul nécessaire à l’analyse de leur activité. On risque la surchauffe pour ces étudiants qui devront assurer un mi-temps sur le terrain et rédiger dans le même temps leur mémoire de master.


Comment devrait se dérouler la transition entre IUFM et les Espé ?

La constitution des Espé risque d’aboutir à des résultats assez variables selon les académies. Dans certains cas, on semble s’orienter vers une certaine continuité avec l’IUFM existant, dans d’autres, on voit plutôt la volonté de liquider tout le potentiel existant ou de le répartir dans les autres structures universitaires. Il est essentiel que les compétences actuellement dans les IUFM se retrouvent dans les nouvelles structures.


Que conseillez-vous aux 40 000 enseignants qui vont être recrutés dans le cadre des concours 2013 et 2014 ?

Il n’y a pas vraiment à les conseiller. Ils ont déjà fait leur choix en passant les concours et c’est un bon choix car le métier qu’ils ont choisi mérite qu’on y consacre son projet de vie. En revanche, il faut les accompagner, par la formation et la recherche, dans la construction de leurs compétences professionnelles. Cela suppose que le nouveau système de formation soit capable d’individualiser leur parcours et de leur apporter des réponses qui satisfassent intellectuellement et pratiquement leurs attentes. Il faut qu’ils prennent conscience d’une chose : ils seront les acteurs privilégiés des nécessaires transformations du système éducatif dans les années qui viennent et devront pour cela savoir agir au sein de la communauté éducative, avec les familles, dans des environnements culturels et sociaux souvent difficiles.

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ZOOM

Concours de recrutement des enseignants, mode d’emploi

Le concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) permet de travailler avec des élèves de 2 à 11 ans, de la première année de l’école maternelle à la dernière année de l’école élémentaire.

Pour l’enseignement public, il existe quatre possibilités d’inscription au CRPE 2013 : le concours externe, le « troisième concours », les « seconds concours internes » et enfin les « premiers concours internes ». Chacun de ces concours s’adressent à des profils spécifiques.

Dans tous les cas, aucune limite d’âge n’est imposée et, au plus tard le jour de la première épreuve d’admissibilité, il faut posséder la nationalité française ou être ressortissant d’un autre État membre de l’Union européenne, jouir de ses droits civiques, ne pas avoir subi une condamnation incompatible avec l’exercice des fonctions, être en position régulière au regard des obligations du service national et justifier des conditions d’aptitude physique requises.

Un dispositif transitoire pour 2014

La session 2014 est ouverte, notamment, aux candidats inscrits en première année d’études en vue de l’obtention d’un master et à ceux remplissant les conditions pour s’inscrire en dernière année d’étude en vue de l’obtention de ce diplôme, ainsi qu’aux candidats qui justifient des conditions pour s’inscrire aux concours externes de droit commun.

Ce dispositif transitoire offre la possibilité, pour les candidats admissibles à ces concours, de bénéficier d’une expérience professionnelle en alternance dans des activités d’enseignement ou d’éducation. S’ils le souhaitent, ils pourront être recrutés par contrat d’une durée déterminée d’une année scolaire entre les épreuves d’admissibilité et celles d’admission du concours afin d’exercer, pendant l’année scolaire 2013-2014, des fonctions d’enseignement et d’éducation en parallèle à la préparation du master, les épreuves d’admission se déroulant en juin 2014.

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TEMOIGNAGE

Anémone Geiger-Jaillet, professeur à l’IUFM d’Alsace

« Pour résumer ma vision globale sur cette réforme de la formation des enseignants : je pense que les stages sont importants au cours de la formation, surtout dans un cadre régulier. Pour le cas de l’école élémentaire, il serait intéressant de mettre en place une garantie de découvrir les trois cycles, mais ce n’est pas prévu comme tel puisqu’on « utilise » les PE (professeurs des écoles) pour « couvrir des besoins d’enseignement ». Concernant les partenariats à l’étranger, la réforme annoncée pose problème : en M1, les étudiants seront concentrés sur les écrits des concours et ne voudront pas aller à l’étranger, en M2, ils seront pour 1,5 jour (primaire) ou 2 jours (secondaire) dans des classes, donc des semaines groupées à l’étranger ou des formations communes binationales – comme nous avons l’habitude de les faire avec des Allemands – seront quasiment impossibles. D’autre part, je regrette que la place de la recherche et les types de mémoires ne soient pas bien définis. Enfin, pour souligner un élément positif : regrouper les formations d’enseignements du premier et du second degré au sein d’une même institution, l’Espé, me semble une bonne chose. »

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