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Enfants du divorce : comment les préserver ?

Lorsque les parents se séparent, ils oublient parfois de penser à la douleur éprouvée par les enfants.
Pourtant, il est possible de les protéger d’une souffrance inutile si les adultes savent agir avec bon sens…
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Ce qui me désole le plus dans les cas de divorce que je traite, c’est que souvent les parents ne sont pas assez adultes quand ils abordent leur séparation. Pourtant, ils devraient penser en priorité à leurs enfants et appréhender la situation avec recul dans l’intérêt de ceux-ci », remarque maître Catherine Ribay de Villeneuve (lire en encadré). En effet, lorsque deux parents se séparent, il est une chose à retenir : ne jamais mêler les enfants à la séparation. « Ce n’est pas à eux de porter la séparation, il faut que les parents mettent en branle leur intelligence émotionnelle afin de protéger leurs enfants », explique la psychanalyste Clairette Hammer.
Si les parents sont souvent tentés de partager leur rancœur, voire leur haine avec leurs enfants, ce geste peut être dévastateur. Une solution peut être de s’épancher auprès d’un psy ou de ses amis. La fille de Vanessa avait trois ans lorsque celle-ci s’est séparée de son père: « J’ai immédiatement voulu éteindre ses angoisses en évitant les non-dits, en expliquant par exemple qu’elle verrait moins son père, mais aussi en la rassurant en cachant ma détresse », se souvient la maman. Elle a ainsi préservé un maximum d’habitudes, multiplié les attentions et partagé des choses du quotidien. En bref, l’idée est de ne pas cacher les choses mais de savoir trouver les mots, de rassurer l’enfant sur sa nouvelle vie… Et ne jamais critiquer l’autre parent. « C’est important, pour un enfant, de voir que ses parents se respectent toujours malgré la séparation… Cela apaise pas mal d’angoisses. Je n’ai jamais dit de mal de mon ex-femme et je sais que de l’autre côté, Aude ne bave pas sur moi non plus… », témoigne Igor, jeune père divorcé.
« On réunit les enfants dans un moment calme et on explique pourquoi on ne s’entend plus, sans entrer dans les détails qui ne les concernent pas car eux ne sont pour rien dans cette séparation », insiste Clairette Hammer.
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L’aide d’un médiateur
Dans l’idéal, vous pouvez trouver un médiateur, un psychologue pour vous donner une chance d’établir un dialogue dans l’intérêt de l’enfant. La priorité sera la mise en place de son emploi du temps car la grande inquiétude de ceux-ci, c’est l’organisation. « Parmi les traumatismes du divorce, celui du déménagement avec l’idée de quitter le quartier, les copains est le plus fréquent », estime le psychologue Gérard Poussin. « Nous avons pu rester dans le même logement et ma fille a pu conserver ses rituels et ses amis, ce qui l’a apaisée », se souvient Vanessa.
C’est le juge des affaires familiales qui décidera du rythme et du mode de garde de l’enfant, basé sur son bien-être, tandis que l’autorité parentale sera automatiquement assumée par les deux parents (lire en encadré).
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La résidence alternée
Le choix de la résidence alternée variera en fonction de l’âge de l’enfant.
« Les 0/3 ans ont besoin de routine pour se construire, rappelle Jacqueline Phélip, présidente de l’association L’enfant d’abord. Les résidences alternées ne peuvent donc s’appliquer à des enfants aussi jeunes mais le parent chez qui l’enfant ne passe que ses vacances ou ses week-ends peut aussi le sortir, faire des activités avec lui, lui donner son bain pour maintenir un lien étroit… ».
Au primaire la résidence alternée peut être envisagée car, à cet âge-là, ils aiment être proches de leurs deux parents, mais cela n’est possible que si les mêmes rituels sont respectés des deux côtés, que la communication entre les parents est fluide et fréquente et enfin que n’apparaît aucune divergence d’éducation. « Mais pour cela, il faut les accompagner et leur apprendre à devenir des enfants nomades, précise Clairette Hammer. Au collège, ils en ont souvent marre d’aller et venir et risquent de se révolter. Il faut donc les écouter, voir quelles sont leurs envies et où ils désirent poser leur valise. Il faut aussi se réunir entre parents pour gérer les conflits du quotidien car les enfants ont l’habitude de profiter des dissensions », insiste la psychanalyste.
Dans tous les cas, il ne faut jamais faire de l’enfant un messager, mais faire en sorte qu’il sache qu’il est présent dans la vie quotidienne des deux parents par des discussions, des coups de téléphone ou des échanges par webcam. « Ma fille vit chez sa mère mais je conserve un contact étroit avec elle. Ce que je juge important, c’est qu’elle sache un minimum qui est son père, qui sont mes parents, etc. La vie est longue, et Alma a toute sa vie pour me poser des questions”, se rassure Igor. Des droits de visite et de garde élargis sont ainsi une bonne alternative et les spécialistes de l’enfance sont d’accord pour dire qu’il vaut mieux être frustré de ses enfants si c’est dans leur intérêt ; par exemple, si vos horaires ne vous permettent pas de vous occuper suffisamment d’eux.
Autre recommandation, jusqu’à un âge avancé, il ne faut pas séparer les fratries car c’est aussi avec ses frères et sœurs que l’on se construit.
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POINT DE VUE

Gérard Poussin, professeur de psychologie clinique à l’université Pierre Mendès-France de Grenoble.

Auteur de « Les enfants du divorce : psychologie de la séparation parentale (Dunod)

« Les statistiques montrent que la moitié des divorces sont conflictuels et qu’un quart le sont de manière nocive pour les enfants. L’autre point commun de toutes les études c’est que le risque majeur du divorce soit une implication de l’enfant dans le conflit parental avec des conséquences parfois graves pour sa construction. Pour éviter cet écueil, il faut absolument que les parents se mettent d’accord sur une version commune de la séparation et la donne ensemble, même si l’on n’est pas d’accord. Mais attention à ne pas dire la vérité toute nue. Il faut trouver une version entendable par l’enfant, qui colle à son niveau de compréhension et qui soit vraisemblable. Tout doit être organisé et bordé dès le début pour que l’enfant souffre le moins possible. Enfin, il est essentiel de maintenir une routine et de rassurer l’enfant. »

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L’AVIS DU SPECIALISTE

Maître Catherine Ribay de Villeneuve,  co-auteur de « Divorce, comment répondre aux questions des enfants » (éd. Pascal)

« L’autorité parentale est automatiquement assumée par les deux parents sauf en cas de danger pour l’enfant. Son champ d’application est déterminé par le code civil, tout ce qui concerne le bien-être, la santé ou la vie scolaire de l’enfant doit être décidé d’un commun accord. Ensuite, les enfants peuvent vivre en résidence alternée ou bien chez l’un des deux parents avec un droit de visite et d’hébergement plus ou moins large de l’autre parent. Tout cela est décidé devant le juge aux affaires familiales. Il faut savoir que s’il est possible pour l’un des parents de déménager, le magistrat va vérifier qu’il ne s’agit pas d’une volonté délibérée d’empêcher l’autre parent d’exercer ses droits. Car il faut savoir que le juge maintient généralement le lien avec les deux parents. »

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