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MAGAZINE – Facebook et les jeunes : décryptage d’un phénomène

Les ados y racontent leur vie sur leur « mur » et vont voir celle des autres, s’envoient des messages… Aujourd’hui, tous ceux qui y sont inscrits avouent qu’ils ne pourraient plus vivre sans… Vous avez certainement reconnu Facebook ! Quelles sont les raisons du succès de ce réseau social ? Décryptages. Les ados y racontent leur vie sur leur « mur » et vont voir celle des autres, s’envoient des messages… Aujourd’hui, tous ceux qui y sont inscrits avouent qu’ils ne pourraient plus vivre sans… Vous avez certainement reconnu Facebook ! Quelles sont les raisons du succès de ce réseau social ? Décryptages.
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En quelques années, Facebook est devenu indispensable aux « digital natives », – la génération de ceux nés avec un ordinateur –, tout autant que la possession d’un téléphone ou d’un accès à Internet. Selon une étude de l’Unaf (Union nationale des associations familiales), en juin 2011, 48 % des 8-17 ans étaient connectés et 18 % des moins de 13 ans y avaient leur propre compte, alors que cet accès leur est interdit. « Une limite raisonnable, car il est illusoire de croire qu’avant 13 ans, un enfant peut décider de ce qu’il peut montrer et voir en toute conscience », explique Olivier Gérard, coordonnateur à l’UNAF, spécialisé dans les nouvelles technologies.

Les raisons du succès ? Facebook est une véritable plateforme d’échanges qui regroupe toutes les activités que l’on fait en ligne, regarder des vidéos, partager ses photos… C’est le génie de Mark Zuckerberg, son créateur : « il a compris qu’en faisant de son site un facilitateur, les ados seraient preneurs. Ainsi, on peut s’inscrire sur de nombreux sites en passant par son compte Facebook, inutile de se réinscrire, le profil facebook suffit », explique Olivier Gérard.
Armé de tous ces avantages, le site a explosé au fil des années, au point de devenir aujourd’hui incontournable et d’être devenu la norme. Ne pas être inscrit signifie être exclu du groupe, à l’image de ceux qui ne possédaient pas la télé à une autre époque et qui passaient à côté des discussions de la cour de récréation. « J’ai souvent songé à me déconnecter en me disant que Facebook ne servait à rien et puis, j’ai réalisé que si je n’étais plus inscrite, je ne serais au courant de rien, je me sentirais à l’écart », avoue Louise, 17 ans.

Un outil chronophage
« Les ados ont un besoin de reconnaissance, de visibilité que leur offre ce réseau social », explique Alexandre des Isnards, auteur d’un ouvrage sur le phénomène Facebook. Un outil dont l’utilisation peut frôler l’overdose… « Facebook passe avant mes devoirs et même pendant mes devoirs, je vais vérifier régulièrement ce qu’il s’y passe », explique Sophia, 14 ans. Car aujourd’hui, l’accès illimité à Internet permet aux jeunes d’être connectés en permanence et renforce l’addiction.
L’autre risque de cet outil, c’est le mode de fonctionnement du site « Il faut être conscient que si Facebook est gratuit et son créateur si fortuné, c’est qu’il se rémunère sur la publicité, qui sera de plus en plus ciblée. Ce site aspire nos données personnelles et établit un profilage de ses utilisateurs à des fins commerciales. Il faut également être conscient qu’en publiant des photos sur le site, celles-ci appartiennent automatiquement à Facebook », précise Olivier Gérard.
« Vivant exclusivement de la publicité, Facebook nous pousse à publier un maximum d’informations sur nous-mêmes et nos goûts, décrypte Jacques Henno, spécialiste des nouvelles technologies de l’information, auteur de « Facebook et vos enfants ». C’est le même système que la publicité à la télé : ils ont besoin d’audience et pour cela, ils nous poussent à rendre publiques un maximum d’informations ». Exemple : on ne peut que « liker » (aimer en anglais) une activité ou un statut, en appuyant sur le bouton « j’aime » car le bouton « Je n’aime pas » n’existe pas. L’addiction naît ainsi d’un besoin de reconnaissance (combien de gens ont « liké » ma dernière activité ?).

Le rôle crucial des parents
C’est là que les parents entrent en jeu et doivent sensibiliser leur enfant autour de trois risques : laisser son profil ouvert, avoir trop d’amis qui n’en sont pas et poster des messages compromettants. « Première étape : vérifier ensemble les paramètres de confidentialité pour sensibiliser l’ado à ces problèmes », estime Jacques Henno. « J’ai construit mon profil avec mes parents, en limitant l’accès à mes photos à mes seuls amis », explique la jeune Sophia. « J’ai expliqué à ma fille que tout ce qu’elle publiait ne lui appartenait plus », renchérit Valérie, mère de Léa, 14 ans. En effet, les ados veulent souvent être amis avec le collège ou le lycée entier ; il faut donc leur apprendre à faire le tri. « Il est primordial de leur faire comprendre que ce qui les amuse aujourd’hui peut nuire à leur réputation future », prévient Alexandre des Isnards.
Cette démarche s’intègre dans une éducation plus large à l’utilisation d’Internet. Poser des limites claires et expliquer les dangers, chercher à comprendre plutôt que d’interdire est essentiel pour leur avenir. « Les parents ne peuvent faire abstraction des pratiques numériques, c’est un enjeu de parentalité, d’autorité puis d’autonomisation. Les parents doivent s’y intéresser », estime Olivier Gérard.

Amis ou pas avec ses enfants ?
C’est la grande question de tout parent dont l’enfant est sur Facebook… « Je suis ami avec mon fils pour sentir son humeur, quand je dois l’aider », explique Thierry. En revanche, veillez à rester discret. « J’ai bloqué ma mère car elle commentait systématiquement mes photos et ensuite, en discutait pendant les repas de famille », raconte Sophia. « Mes filles me disent que je ne suis pas une amie mais leur mère, explique Rosane, mère de deux ados de 14 ans. Je respecte donc leur intimité, mais en confiance. C’est-à-dire qu’elles laissent leur profil ouvert sur l’ordi familial… » « Chacun doit rester à sa place, tranche Olivier Gérard. Il y a des infos que vous ne devez pas connaître, ça peut perturber la relation parents/enfants. »
MG

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POINT DE VUE
Alexandre des Isnards, auteur de « Facebook m’a tuer » (Nil éd.)

« En permettant aux ados de mettre en scène leur vie, Facebook est un outil dont ils ont immédiatement saisi l’importance. Par exemple, lorsqu’ils jouent les rebelles sur une photo, ils anticipent l’effet que fera ce cliché sur leur « amis ». Mais passer son temps à mettre en scène sa vie et le vérifier n’apporte pas grand-chose au final. Autre fait important, Facebook permet de mettre fin à la solitude, mais du coup il signe la fin de la capacité à être seul. Mais le côté positif, c’est que si vous êtes amis avec vos enfants sur Facebook, ils peuvent vous faire passer des messages par ce biais sur des sujets qu’ils n’oseraient pas toujours aborder frontalement. »

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POINT DE VUE
Boris Guimpel, psychologue, spécialiste des troubles addictifs

« L’adolescence est la période de la vie où l’on construit son identité à venir et les réseaux sociaux s’inscrivent dans ce processus. En exprimant ce qu’il ressent et en le partageant avec ses amis, cela permet à l’adolescent de mettre de la distance et de pouvoir en discuter avec les autres. Et en même temps, cette interaction va lui renvoyer une image positive. »

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