Un nouveau programme d’Enseignement moral et civique (EMC)
Depuis cette rentrée, de nouveaux programmes d’enseignement moral et civique (EMC) sont progressivement mis en œuvre, du cours préparatoire à la terminale. Des programmes construits autour des grands principes de la République, qui sont le ciment de notre vie en société. Une transmission de valeurs qui s’organise également autour des nouveaux grands défis de notre époque, tels l’éducation aux médias et à l’information à l’ère du numérique, la préservation de notre environnement à l’heure de la transition écologique… On remarquera aussi que ces nouveaux programmes incluent des notions en phase avec l’évolution de la société, avec par exemple le bien-être animal, qui sera enseigné dès le CP.
Emeline Grardel, IEN Pré-élémentaire, chargée de la réussite éducative, dans l’académie d’Amiens, a fait partie du groupe chargé de la rénovation de ces programmes de l’enseignement moral et civique. Elle nous détaille les grands principes qui ont guidé leur réécriture, « dans une perspective de cohérence et de progressivité des cycles d’apprentissage », et les nouveautés de cet enseignement, qui s’appuie, « dans la mesure du possible, à partir de l’examen de situations réelles, qui peuvent être issues de l’expérience des élèves eux-mêmes ».
«Le programme d’enseignement moral et civique répond à l’ambition que nourrit l’Ecole de la République de former les élèves à l’exercice et à une conscience claire de leur citoyenneté. Il les aide à élaborer une idée du bien public qui transcende les intérêts particuliers. Il structure leur parcours citoyen et l’enrichit en assurant la progressivité de leur apprentissage civique. » Tel est le préambule du nouveau programme d’enseignement moral et civique du cours préparatoire à la terminale, publié au bulletin officiel du 13 juin 2024, et qui a commencé à s’appliquer dès cette rentrée (lire en encadré ci-dessous).
Plus globalement, les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique visent à développer chez les élèves des compétences civiques, sociales et émotionnelles essentielles pour vivre en société, en abordant différents thèmes tels que la citoyenneté, la fraternité, l’égalité, la laïcité, le respect de la dignité humaine et la participation démocratique.
Un enseignement progressif et détaillé
Comme nous l’a précisé Emeline Grardel, IEN dans l’académie d’Amiens, qui a participé à leur rénovation (lire son interview plus loin), les nouveaux programmes de l’enseignement moral et civique ont été conçus « dans une perspective de cohérence et de progressivité des cycles d’apprentissage » ; ils présentent « distinctement, pour chaque année, les notions et les contenus que les élèves doivent acquérir ».
Ainsi, par exemple, en CM2, la thématique retenue « Vivre en République » se décline en 4 notions :
– Citoyenneté et nationalité
– Libertés et droits fondamentaux
– Respecter les droits de tous
– A l’école laïque.
Au collège, en classe de 4e, le programme d’EMC aura pour thèmes « L’État de droit et les libertés » et « Défendre le cadre démocratique : sécurité et défense nationale».
En seconde, les élèves aborderont les notions de « Droits, libertés et responsabilité » : « L’État de droit garantit les droits et libertés et un pluralisme démocratique », « Droits et responsabilité : l’exemple de la protection de l’environnement et de la sauvegarde de la biodiversité » et « Liberté et responsabilité : l’exemple de l’information (vecteurs, nécessité et enjeux) ». Autant de sujets en prise directe avec l’actualité…
Développement des compétences psychosociales
De manière générale, le nouveau programme d’enseignement moral et civique (EMC) a été révisé pour mieux répondre aux enjeux actuels de la société, tout en renforçant l’éducation aux valeurs de la République.
Avec un nouveau volet, le développement des compétences sociales et émotionnelles des élèves : l’empathie, la coopération, la tolérance et le respect mutuel. Le nouveau programme s’articule avec « les trois dimensions de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle : se connaître, vivre et grandir avec son corps ; rencontrer les autres et construire des relations, s’y épanouir ; trouver sa place dans la société, y être libre et responsable ».
Par ailleurs, pour rendre cet enseignement plus concret, plus proche des préoccupations actuelles des enfants et des adolescents, on remarquera également que ce nouveau programme encourage la participation des élèves, que ce soit à travers des projets collectifs, des débats sur des sujets d’actualité, des discussions autour d’expériences vécues, etc.
Un apprentissage à l’école… et en famille !
Si l’enseignement moral et civique dispensé à l’école transmet les principes éthiques et juridiques fondamentaux pour la future citoyenneté de l’élève, cette « éducation » se construit également en dehors de l’école, en famille. Les parents ont naturellement leur rôle à jouer dans la transmission des valeurs qui sont le socle de notre société démocratique (lire en encadré ci-dessous).
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Zoom
De l’EMC aux valeurs de la république
Depuis 2005, le Code de l’éducation dispose « qu’outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». Des valeurs que l’on retrouve en condensé dans la devise officielle de la France : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Liberté : la liberté de disposer de soi, la liberté de conscience et d’opinion, la liberté d’expression…
Égalité : chacun doit bénéficier des mêmes droits et devoirs, sans distinction de sexe, d’origine sociale et ethnique ou de croyances religieuses.
Fraternité : elle correspond au devoir de solidarité qui doit unir tous les citoyens, favorisant la cohésion sociale.
A ces trois grands principes républicains s’ajoute la laïcité, un principe inscrit dans la constitution. Un principe qui s’applique à l’école avec notamment la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans l’espace scolaire.
Un calendrier d’application progressif, du CP à la terminale
Le nouveau programme d’enseignement moral et civique entre en application progressivement, suivant un calendrier détaillé :
- rentrée scolaire 2024-2025 : mise en œuvre au CP, CM1, 5e et en seconde GT (générale et technologique) ;
- rentrée scolaire 2025-2026 : mise en œuvre au CE1, CM2, 4e et dans les classes de 1res générales et de 1res technologiques ;
- rentrée scolaire 2026-2027 : mise en œuvre au CE2, 6e, 3e et dans les classes de terminales générales et de terminales technologiques.
Horaires
Au primaire, du CP au CM2, l’EMC est dispensé par l’enseignant de la classe, à raison de 36 heures annuelles, soit 1 heure hebdomadaire, dont une demi-heure est censée être consacrée « à des situations pratiques favorisant l’expression orale ».
Dans le second degré, l’EMC est généralement pris en charge par les professeurs d’Histoire-Géographie.
Dans les grilles horaires du collège, enseignement moral et civique et histoire-géographie ne sont pas distincts, mais, selon les textes, 30 minutes par semaine doivent être consacrées à l’EMC. Selon le souhait exprimé l’an passé par le président de la République et son Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, jugeant cette matière « essentielle », il est prévu que le volume horaire de cet enseignement de la 5ᵉ à la 3ᵉ (cycle 4) soit doublé depuis cette rentrée 2024.
Au lycée, l’horaire dédié à l’EMC s’établit à 18 heures annuelles.
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Emeline Grardel, IEN Pré-élémentaire, chargée de la réussite éducative – DSDEN 80 (académie d’Amiens ), membre du groupe (GEPP) chargé de la rénovation des programmes de l’enseignement moral et civique
« L’Ecole enseigne dans le respect des opinions et dans le respect des différences »
En juin 2023, le ministre de l’Education nationale de l’époque, Pap Ndiaye, annonçait une réforme du programme d’enseignement moral et civique, EMC. Une refonte qui devait s’articuler autour de 3 axes : « la transmission des Valeurs de la République, l’éducation aux médias et à l’information et la transition écologique et l’éco-citoyenneté »…
En effet, le premier objectif de l’Enseignement Moral et Civique concerne la transmission des valeurs et des principes de la République. Cette transmission comprend quatre axes :
- l’appropriation des valeurs fondatrices de la devise républicaine : la liberté, l’égalité et la fraternité ;
- l’explication et la compréhension du principe de laïcité ;
- la transmission d’une conception de la citoyenneté qui s’appuie à la fois sur l’autonomie du citoyen et sur son appartenance à la communauté politique ;
- la connaissance et le fonctionnement des institutions de la République et de l’Union européenne.
C’est ce que l’on retrouve comme fil rouge dans le programme d’EMC.
Ensuite, dans la logique de cette transmission des valeurs et des principes de la République et au regard de l’évolution de la société, il était nécessaire de pouvoir intégrer au programme d’Enseignement Moral et Civique (EMC) les notions et les compétences portées par l’Education aux Médias et à l’Information (EMI), par l’Education au Développement Durable (EDD), l’Education à la Sexualité (EAS), par le développement des Compétences Psychosociales (CPS) ; le tout participant à enrichir le Parcours citoyen que chaque élève pourra construire tout au long de sa scolarité.
Outre ces lignes directrices sur les contenus, d’autres critères devaient-ils guider la réécriture de ce programme ?
En parallèle de ces questions de fond, il y a également la question de la forme qui a fait l’objet d’une grande vigilance de la part des concepteurs car on sait combien la forme et l’organisation impactent la compréhension, l’appropriation et la mise en œuvre des contenus. Il était essentiel que la progressivité des apprentissages du CP à la Terminale soit bien lisible pour les enseignants. Cette progressivité spiralaire permet de tirer profit des ces huit années d’enseignement pour revenir régulièrement sur les notions en les complexifiant progressivement afin de les faire correspondre aux compétences et à l’âge des élèves ainsi qu’aux autres domaines d’apprentissage.
L’organisation annuelle des attendus et des objectifs permet cette lisibilité avec une présentation sous forme de tableau qui précise, pour chaque notion abordée, les contenus d’enseignements mais aussi les démarches et les situations d’apprentissage possibles afin d’accompagner les enseignant dans la mise en œuvre de cet enseignement. Il est également à noter que des ressources d’accompagnement à la mise en œuvre avec des propositions très concrètes de séquences, de séances et de démarches vont paraître au fil des prochains mois.
Le harcèlement scolaire est un fléau qui préoccupe énormément les parents d’élèves. En quoi le nouveau programme d’EMC, publié au BO du 13 juin 2024, peut-il contribuer à la lutte contre le harcèlement scolaire à l’école et en dehors ? Quand cette thématique est-elle abordée ? Suffisamment tôt quand on sait que les actes de violence concernent des enfants de plus en plus jeunes, dès le primaire ?
En effet, la lutte contre le harcèlement à l’École est une priorité du ministère de l’Education nationale et tout un ensemble de mesures sont déployées afin de permettre aux élèves de suivre leur scolarité dans les meilleures conditions. L’articulation des enseignements déclinés dans le programme d’Enseignement morale et civique (EMC) et des éducations (EMI, EDD, CPS, séances d’empathie…) concourt à prévenir toute forme de violence et de discrimination et à favoriser un climat scolaire apaisé. Même si la notion « Harcèlement » n’apparaît explicitement que dans le programme de 5e, ce à quoi elle renvoie est présent dès l’année de CP et repris chaque année du programme.
On peut même affirmer que dès les classes de maternelle, les enseignants travaillent à une première acquisition des exigences du respect d’autrui et de la vie en société.
Régulièrement, à l’image de ce qu’il s’est passé il y a quelques jours dans un lycée de Tourcoing, on assiste à une remise en cause des principes de la laïcité, et notamment une offensive sur les signes religieux ostentatoires, notamment le voile islamique, malgré différentes loi (celle du 15 mars 2004, celle sur l’interdiction de l’abaya à la rentrée 2013…). Comment l’EMC peut-elle aider à répondre à ces défis autour de la laïcité ? Comment les élèves sont-ils concrètement sensibilisés à ce principe qui est l’un des fondements de notre pacte républicain ?
La notion de laïcité est abordée dans le programme dès l’année de CE1 par l’enseignement du principe de liberté de conscience. Il est vraiment essentiel de poursuivre cette explication et cette compréhension du principe de laïcité d’un point de vue positif et constructif : le principe de laïcité libère et protège, il ne peut pas être réduit à une liste d’interdits qui contraignent.
On retrouve la notion « Laïcité » à plusieurs reprises dans le programme d’EMC (en CM2, 6e, 3e, 2nde). Sa compréhension s’appuie sur des références à la loi mais aussi sur des situations concrètes qui facilitent leur appropriation et qui accompagnent la réflexion des élèves tout au long de leur parcours scolaire.
Par ailleurs, la journée de la laïcité du 9 décembre est l’occasion de valoriser les projets menés sur ce thème et d’engager concrètement les élèves.
L’enseignement d’EMC inclut-il un pan sur la lutte contre les discriminations (racisme, homophobie…) ?
Je dirais que c’est l’Enseignement Moral et Civique qui constitue un des éléments du Plan national de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine (2023-2026). Le refus de toutes les discriminations se déduit très explicitement, à chaque année du programme, du travail mené autour des valeurs et des principes de la République.
Dans le nouveau programme d’EMC, de nouvelles thématiques apparaissent, comme le respect du bien-être animal. Pourquoi ce choix ? Y a-t-il de nouvelles thématiques dans ce programme que vous souhaiteriez mettre en avant ?
Les ajouts ou les ouvertures présents dans le programme d’EMC correspondent à la nécessité de prendre en compte l’évolution de la société afin que l’enseignement dispensé ne soit pas en décalage par rapports aux défis actuels. En ouvrant l’EMC sur l’extérieur, on facilite l’inscription des apprentissages dans différentes échelles locale, de territoire, globale, mondiale et même virtuelle.
Dans la transmission de cette éducation morale et civique, quelle place les parents peuvent-ils / doivent-ils occuper ?
Vous utilisez le mot « éducation morale et civique » dès lors que l’on introduit la question de la place des parents alors qu’il est question de « l’enseignement moral et civique ». Je ne sais pas si c’est volontaire ou pas… En ce qui concerne, l’EMC, comme pour tout autre enseignement, l’importance de la place des parents est à associer à leur compréhension du rôle et des missions de l’école, le tout dans la confiance et le respect mutuels qui sont à l’œuvre dans les écoles et dans les établissements scolaires.
Si vous maintenez votre question sur le plan éducatif, il s’agit là – comme pour les autres éducations – d’une co-éducation où il n’y a rien à gagner à projeter les uns ou les autres dans un conflit de loyauté. L’Ecole enseigne dans le respect des opinions et dans le respect des différences.