Elèves et écocitoyens
Depuis plusieurs années maintenant, à l’école, l’éducation à l’environnement a laissé place à l’éducation au développement durable (EDD). Multithématique, l’EDD permet d’aborder des questions liées non seulement à la protection de l’environnement, qui demeure prioritaire, mais également à la santé, l’alimentation, l’égalité filles-garçons, la solidarité, la justice sociale, la sécurité, etc.
En pratique, l’EDD se construit sur un enseignement transversal, tout au long de la scolarité, qui fait appel à l’ensemble des enseignements, mais qui repose aussi et surtout sur les actions et les projets qui sont menés à l’école, par les équipes éducatives et les élèves. Les écoles, collèges et lycées qui s’investissent par des projets qui mobilisent l’ensemble des acteurs de la communauté éducative (élèves, enseignants, parents, collectivités…) accèdent à une labellisation E3D, école/établissement scolaire en démarche de développement durable.
«Trop bon ce miel ! ». Comme ses camarades du collège Hector Berlioz de Nantes, Jade s’est délectée du miel qu’ils ont extrait de la ruche installée derrière les bâtiments scolaires. Une ruche, mais aussi un hôtel à insectes, un composteur et un jardin potager… Depuis plusieurs années déjà, le collège a multiplié les actions en matière de développement durable, en proposant notamment aux élèves, pendant la pause déjeuner, des ateliers centrées sur le jardinage. Des activités de ce type se comptent par centaines aujourd’hui dans les écoles, collèges et lycées.
Partie intégrante de l’EDD, éducation au développement durable, ces projets prennent de multiples formes : outre les potagers et jardins pédagogiques, il peut s’agir par exemple d’aménagement de bacs de tri dans les classes pour le recyclage du papier, d’une exposition sur les conséquences du réchauffement climatique pour informer l’ensemble des membres de la communauté éducative, de la mise en place d’un challenge entre classes pour économiser l’énergie en adoptant les bons gestes, etc. Mais ces projets ne se cantonnent pas aux seuls enjeux environnementaux : organiser une collecte de vêtements ou de produits alimentaires pour des associations caritatives, par exemple, fait partie des actions que peuvent mener les élèves dans le cadre de l’EDD, une éducation qui concerne de multiples thématiques, outre celles liées à la protection de l’environnement (lire en encadré ci-dessous).
Le rôle moteur des éco-délégués
Pour toutes ces actions menées dans les établissements scolaires, le rôle des éco-délégués est primordial. C’est à ces élèves qu’il revient d’être force de proposition, d’initier les projets, de motiver leurs camarades. Depuis la rentrée 2019, chaque collège et lycée désigne au moins un binôme fille-garçon d’éco-délégués par établissement.
Au primaire, où la désignation d’éco-délégués est encouragée, l’impulsion pour mener des projets liés au développement durable dépend principalement des équipes éducatives.
Outre les actions menées dans les écoles et les établissements scolaires, l’EDD dispensée aux élèves passe également par la case « enseignement en classe ». Et toutes les disciplines sont concernées, certaines plus que d’autres, telles la géographie et la SVT (sciences et vie de la Terre), ou encore l’EMC, éducation morale et civique, où sont étudiées notamment les notions de solidarité, d’égalité entre filles et garçons et de respect de la personne.
Dans le cadre du plan global « Une École engagée pour le développement durable et la transition écologique », soulignons également que les nouveaux programmes du cycle 1 au cycle 4 (de la petite section de maternelle à la classe de 3e) ont été modifiés afin de renforcer les enseignements concernant le changement climatique, la biodiversité et le développement durable. Mais plus qu’un enseignement, c’est bien d’une éducation, large et tous azimuts, dont il s’agit concernant le développement durable ; « des citoyens adultes qui forment les apprentis citoyens élèves à la citoyenneté », comme le rappelle justement notre grand témoin, Muriel Dagens.
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ZOOM
EDD, ODD… Mode d’emploi
L’EDD, éducation au développement durable, est une éducation transversale qui a pour but de former les futurs citoyens d’un monde en transition écologique et sociétale. Si cette éducation n’est pas nouvelle à l’école, elle a pris un nouveau départ autour de nouveaux axes constitués par les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU dans le cadre de l’Agenda 2030.
Toutes les facettes de la société sont concernées
Au nombre de 17, ces ODD s’étendent à de nombreuses thématiques (voir visuel ci-contre), qui ne se résument pas à la seule protection de l’environnement… « Pour beaucoup de personnes encore, l’EDD renvoie seulement au changement climatique, à la biodiversité et au tri des déchets alors que son champ concerne toutes les facettes de notre société. Cette méconnaissance fausse la vision du public et sa connaissance de ce que fait l’Ecole pour la formation à la citoyenneté des jeunes », constate Muriel Dagens, coordonnatrice académique EDD au rectorat de Bordeaux (lire son interview plus loin). Et de donner en exemple : « Une action sur l’inégalité fille-garçon ne sera pas identifiée EDD alors qu’elle concerne l’ODD 5, une action sur l’alimentation durable et la lutte contre le gaspillage alimentaire ne sera pas identifiée comme reliée à l’ODD 11 et 12, une action sur la solidarité (collecte alimentaire) ne sera pas identifiée comme reliée à l’ODD 10 et aussi à l’ODD 3, sur la santé et le bien-être ».
Les 17 objectifs sont la feuille de route d’un développement durable supposant autant la préservation des écosystèmes que la justice sociale, la croissance économique et la solidarité.
Initiative : des masque jetables… recyclés !
Exemple d’action originale menée dans le cadre de l’éducation au développement durable : face à la menace de pollution des masques jetables usagés anti-Covid, les élèves éco-délégués du collège George Sand à Beauvais (Oise) ont mis en place une collecte. Ils ont réalisé des bacs de récupération qu’ils ont ensuite installés au niveau de la vie scolaire, à la sortie de la cantine, au gymnase ainsi qu’en salle des professeurs. Les masques récupérés seront ensuite donnés à une société spécialisée dans le recyclage pour fabriquer des objets, et notamment du matériel scolaire, à partir de la matière plastique.
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INTERVIEW
Muriel Dagens, coordonnatrice académique EDD, rectorat de Bordeaux (33)
« Nous avons un foisonnement d’actions EDD dans nos écoles et établissements scolaires »
Du primaire au lycée, les élèves doivent bénéficier d’une éducation au développement durable (enseignement sur l’écologie, la transition écologique, la biodiversité, le changement climatique…). Mais cette éducation ne repose pas sur un enseignement spécifique avec des horaires dédiés mais d’une éducation transversale, à travers les autres matières. Cette approche est-elle pertinente ?
Une éducation se distingue d’un enseignement dans la mesure où tout enseignant ou éducateur d’un établissement scolaire (personnel de vie scolaire, direction, professeur) peut intervenir auprès des élèves ; ce sont donc des citoyens adultes qui forment les apprentis citoyens élèves à la citoyenneté. Nous n’avons pas de programmes définis en EDD, ni d’enseignants spécialisés. Il s’agit là du choix français et, de la meme manière, pas d’horaire dédié puisque cette éducation irrigue tous les programmes disciplinaires, les projets menés dans les établissements. Cette approche est pertinente dans le cadre d’une formation à la citoyenneté et efficace pour discuter avec les élèves sur ce que cela signifie d’être citoyen et des compétences qui y sont associées.
Le rôle des enseignants est essentiel dans cette éducation au développement durable, surtout en primaire. Certains sont plus investis que d’autres, prennent des initiatives, organisent des animations, des sorties, etc. Avec un côté positif : les élèves apprécient généralement ce qui sort du cadre scolaire classique, sont souvent plus concernés… Mais cela peut créer des inégalités entre établissements et donc entre élèves, qui ne bénéficient pas tous d’enseignants engagés et motivés…
Concernant la possibilité d’inégalités que vous évoquez, elles ne me semblent pas réelles pour deux raisons : la première est que les thématiques EDD (enjeux énergétiques, gestion de l’eau, transition écologique, érosion de la biodiversité, inégalités face à la santé, à l’éducation, modes de gouvernance, alimentation dans le monde…) sont traitées dans les programmes disciplinaires tout au long du parcours scolaire de l’élève, depuis la maternelle jusqu’au lycée ; donc les connaissances utiles dans ce domaine sont bien transmises aux élèves.
La seconde concerne les projets. Nos enquêtes académiques sur le déploiement de l’EDD montrent que toutes les implantations scolaires ont des projets pédagogiques de classe, interclasses, de niveau, pluridisciplinaires… en lien avec plusieurs Objectifs du développement durable (ODD) – lire en encadré page 8 ; donc la probabilité qu’un élève passe à travers des projets durant sa scolarité est quasiment nulle.
La difficulté est que l’EDD est mal identifiée par les élèves, les familles, la société en général. Nous avons en réalité un foisonnement d’actions EDD dans nos implantations scolaires. Nous faisons mais nous ne sommes pas des grands communicants dans ce domaine, notre objectif prioritaire étant l’apprentissage citoyen des jeunes plus que la diffusion de nos actions vers l’extérieur.
Dans le secondaire, la mission dévolue aux éco-délégués pour sensibiliser leurs pairs aux enjeux environnementaux est également primordiale…
La généralisation des éco-délégués ces dernières années est une formidable opportunité pour permettre à tous les jeunes de s’approprier les enjeux du 21e siècle, notamment locaux en lien avec leur milieu de vie, pour donner du sens aux enseignements, montrer comment les contenus disciplinaires s’articulent les uns aux autres dans une vision systémique, les amener à identifier les options possibles pour faire évoluer nos sociétés, à mobiliser leur esprit critique, débattre et argumenter pour aboutir à un consensus collectif. C’est aussi une opportunité pour leur permettre de déployer dans leur établissement même ou sur leur territoire d’implantation des actions qu’ils ont définies comme prioritaires, en collaboration avec des partenaires locaux (scientifiques, collectivités locales, associations, entreprises, autres établissements scolaires…).
Cela oblige tous les établissements scolaires à mettre en place ces éco-délégués, à les accompagner par de la formation et dans leurs projets afin qu’ils puissent développer et valoriser leurs compétences dans différents champs : savoirs, savoir-faire, savoir-être, maîtrise de la langue, éducation aux médias et à l’information, esprit critique, compréhension de la complexité du monde…
L’éducation des jeunes au développement durable ne se joue pas qu’à l’école. Quel rôle peuvent tenir les parents en la matière ?
Concernant les familles, notre enquête académique EDD publiée en janvier 2022 montre que les projets et actions EDD menés dans les écoles contribuent à une amélioration des relations avec les familles, car celles-ci sont associées aux projets, en prennent donc connaissance, deviennent des partenaires impliqués et tout cela permet des échanges constructifs et fructueux allant dans le sens d’une meilleure cohérence éducative, donc d’une meilleure efficacité dans les apprentissages des jeunes. Ce sont réellement des éléments très positifs pour l’éducation.