DOSSIER

Handicap et inclusion scolaire

hd-427---handicap-ouvertureDepuis une quinzaine d’années, et notamment à partir de la loi du 11 février 2005, l’inclusion scolaire des élèves souffrant de handicap fait partie des priorités des pouvoirs publics. MDPH, PPS, PAI, PAP, AESH, PIAL… Derrière tous ces sigles, autant de structures et de dispositifs mis en place afin de faciliter cette intégration scolaire, en milieu dit « ordinaire », de tous ces élèves qui souffrent d’un handicap, qu’ils soient visibles, comme le handicap moteur, ou invisibles, tels les troubles Dys.

A la rentrée 2021, le ministère se félicitait que plus de 400 000 enfants en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire… Ils n’étaient pas 100 000 il y a 20 ans ! Mais derrière cet indéniable succès quantitatif, les aspects qualitatifs de cette inclusion scolaire restent loin d’être satisfaisants pour nombre de familles. Lenteur des procédures administratives, manque de moyens humains et matériels, disparités géographiques, déficit de formation des AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap), absence de bienveillance de la part de certains enseignants… Il reste encore beaucoup à faire !

 

Achaque rentrée, c’est la même antienne : alors que le ministère se réjouit de l’augmentation des chiffres de la scolarisation des élèves porteurs de handicap, des élèves et leurs familles, eux, se retrouvent dans des situations problématiques. Ici un enfant en classe sans AESH à temps plein comme il était prévu dans son PPS (projet personnel de scolarisation), là un élève orienté en Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) faute de place en institut médico-éducatif (IME) alors que cela ne correspond pas à ses besoins, là encore un élève qui dispose bien d’une tablette numérique mais sans que le logiciel prévu ne soit installé… Et combien d’enfants qui restent privés d’école ? Chaque année, ce sont des dizaines et des dizaines de parents qui témoignent, parfois avec un fort écho médiatique local – accentué également par les réseaux sociaux –, de la non-scolarisation de leurs enfants.

 

427---handicap-dossier-1Une procédure très encadrée

Pourtant la loi du 11 février 2005 a reconnu comme un droit la scolarisation des enfants handicapés. Le texte accorde le droit à tout enfant porteur de handicap d’être inscrit dans l’école, le collège ou le lycée le plus proche du domicile de ses parents – la direction de l’établissement ne peut s’y opposer. Il prévoit ensuite qu’un Projet personnalisé de scolarisation (PPS) soit élaboré par la Commission des droits et de l’autonomie  des personnes handicapées (CDAPH), réunie au sein de la Maison départementale de la personne handicapée (MDPH) du secteur – d’autres dispositifs tels que le PAI ou le PAP sont également possibles (lire en encadré page 8). Le PPS définit « les modalités de déroulement de la scolarité et les actions pédagogiques, psychologiques, éducatives, sociales, médicales et paramédicales répondant aux besoins particuliers de l’élève en situation de handicap ». Sont ainsi déterminés les éventuels aménagements matériels et humains, en particulier l’attribution d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH). Des personnels qui sont gérés localement par une nouvelle structure, les PIAL, pôles inclusifs d’accompagnement localisé, qui organisent leur affectation. Un enseignant-référent est ensuite désigné, qui s’assurera de la bonne mise en place du PPS et de son suivi.

 

HD-427-dossier-handi-mentalAccompagnement

On le voit, le chemin vers l’inclusion scolaire est très cadré administrativement, les interlocuteurs nombreux. Et pour les familles, difficile parfois de s’y retrouver, et de patienter devant des procédures parfois lentes à aboutir… comme il était prévu initialement. Ce que déplore Bruno Ecard, responsable « Santé Prévention » PEEP de Côte d’Or (21) (lire son interview plus bas), « Le plus gros problème, c’est la lenteur ; il peut parfois se passer deux ans entre le bilan d’évaluation du handicap et la mise en place effective de tout ce que le PPS prévoit en termes d’aménagements matériels et humains ». La vraie réussite de l’inclusion scolaire ne se résume pas à des chiffres, elle doit se mesurer à la réalité du terrain, individuellement, à la scolarisation « la plus ordinaire possible » pour chacun de ces enfants touchés par le handicap. Un objectif auquel tous les membres de la communauté éducative doivent tendre, et les familles – avec les associations de parents d’élèves – être véritablement associées.

 

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INTERVIEW

Bruno Ecard, responsable « Santé Prévention » PEEP de Côte d’Or (21) et membre du Groupe « Santé Prévention » de la Fédération PEEP au niveau national

« Nous devons lutter contre la lenteur des procédures et les inégalités territoriales »

 

Chaque année, le nombre d’enfants porteurs de handicap scolarisés progresse… Les choses vont dans le bon sens ?

Aujourd’hui, on diagnostique de mieux en mieux les enfants atteints de troubles « Dys » ; cela explique en grande partie cette progression. Mais au-delà des chiffres, les procédures, elles, ne progressent pas, et rendent difficile l’inclusion scolaire de ces enfants. Pour les familles en effet, après la phase de « prise de conscience » du handicap de leur enfant, toujours douloureuse – nous sommes là pour les rassurer, expliquer qu’il ne s’agit pas d’une remise en cause de l’état psychologique de leur enfant –, commence souvent un vrai parcours du combattant.

Un parcours qui commence par faire un bilan du handicap ; les délais sont parfois très longs, 6 mois d’attente, parfois un an ! Ensuite, les lieux de rendez-vous sont parfois aussi très éloignés – il nous arrive ainsi d’accompagner des familles et leurs enfants qui n’ont pas les moyens de se déplacer… A cela s’ajoute également des questions financières, les bilans d’évaluation du handicap sont parfois assez onéreux – là également nous pouvons apporter une aide aux familles en difficulté…

 

Les procédures diffèrent-elles suivant la nature du handicap ?

On doit distinguer les handicaps visibles, pour lesquels les choses sont plus simples – évaluation du handicap et prise en charge –, des  handicaps non visibles, comme les troubles « Dys », pour lesquels les diagnostics sont plus problématiques, pour évaluer ce qui est reconnu ou non comme handicap par l’institution scolaire. Mais dans tous les cas, on ne peut que regretter la lenteur des procédures, due autant à la lourdeur administrative qu’au manque de moyens humains (médecins scolaires, ergothérapeutes…) suivant les territoires, bien différents entre les grandes villes et certaines zones rurales.

 

Après cette phase du bilan, de l’évaluation du handicap, comment jugez-vous l’inclusion scolaire sur le terrain ? Les dispositifs prévus sont-ils bien respectés ?

Plusieurs éléments doivent être réunis pour que l’inclusion scolaire se déroule bien. Premièrement que le ou les enseignants soient correctement formés, et ensuite, que ce qui est prévu pour l’élève soit bien en place en terme d’accompagnement humain, avec les AESH notamment, et en terme de matériels.

 

Intervenez-vous également à ce stade ?

Tout à fait. Notre APE fait don de matériel informatique d’occasion que nous remettons « à niveau », après avoir installé les logiciels nécessaires ; par exemple, le correcteur orthographique Antidote, un outil essentiel pour les élèves déficients visuels, dont la société éditrice nous a donné des licences. Sur le plan matériel, il y a beaucoup à faire. Un exemple : il existe une police de caractères spécialement adaptée aux élèves Dys, mais celle-ci n’est pas systématiquement intégrée dans le parc informatique destiné aux élèves ; au primaire c’est aux enseignants de le faire, dans les collèges et lycées c’est aux informaticiens des collectivités territoriales… avec toute la lenteur administrative que l’on connaît…

 

Comment jugez-vous la prise en compte des élèves porteurs de handicap par leurs enseignants ?

On note une évolution positive. La plupart des enseignants sont bienveillants – même s’il leur faut parfois du temps, et des expériences, pour le devenir ! Dans tous les cas leur concours, leur engagement et leur bonne volonté sont essentiels à la réussite de l’inclusion scolaire des élèves porteurs de handicap. Un exemple récent : un enseignant ne disposait pas de masque transparent dans une classe avec un enfant malentendant… Ce dernier souffrait de cette situation ne pouvant lire sur les lèvres de l’enseignant. Avec la famille, nous avons contacté l’enseignant qui a bien voulu prendre des vidéos de lui-même sans masque en reprenant les éléments essentiels des leçons, et les transmettre à la famille de l’enfant.

 

Votre accompagnement comme votre appui apparaissent comme déterminants…

Nous sommes là pour ça ! Même si nous nous heurtons parfois à des situations complexes, difficiles à résoudre. Dans tous les cas, les familles concernées par le handicap ne doivent pas hésiter à nous contacter. Nous connaissons bien les interlocuteurs, les dispositifs… Et nous sommes en mesure de mettre un « petit coup de pression » auprès de l’administration quand cela est nécessaire pour faire avancer les choses !

 

Mise en place d’un réseau national de référents « Santé Prévention »

Pour répondre plus efficacement, sur le terrain, aux préoccupations des parents d’élèves en ce qui concerne toutes les questions liées à la santé des élèves – le handicap, bien entendu, mais également les problèmes de harcèlement scolaire, les différentes discriminations, les addictions (tabac, alcool, drogue…), le bizutage, la restauration scolaire… –, la PEEP développe son réseau actuel de référents « Santé Prévention » pour que, début 2022, un référent soit présent dans chaque département – à l’image de Bruno Ecard, responsable « Prévention Santé » pour le département de la Côte d’Or (lire son interview ci-dessus).

A l’aide de boîtes à outils et de fiches thématiques, mais aussi grâce à des formations régulières, ces référents sauront utilement orienter et conseiller les parents d’élèves dont les enfants sont confrontés à ces diverses problématiques.

« Grâce à ce maillage national, « Santé Prévention » constituera en quelque sorte une troisième aile de la Fédération, à côté des actuelles sections PEEP SUP (enseignement supérieur) et PEEP AGRI (enseignement agricole) », explique Didier Carmaux, co-responsable avec Marie-Françoise Wittrant du Groupe « Santé Prévention » national, plus que jamais attelé à la mise en place de ce réseau de référents locaux.

 

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ZOOM

Des besoins particuliers, des dispositifs adaptés

Suivant la nature du handicap et son degré, différents dispositifs sont mis en place pour accompagner la scolarisation des élèves en milieu ordinaire. Outre le PPS, qui s’adresse aux élèves reconnus en situation de handicap par la CDAPH relevant de la MDPH, des dispositifs tels que le PAI ou le PAP permettent des adaptations pour améliorer la scolarité de l’élève. Ainsi, un PAI, projet d’accueil individualisé, peut-il être mis en œuvre pour des élèves atteints de troubles de la santé évoluant sur une longue période (pathologies chroniques). Notons que ce dispositif a été redéfini en mars 2021 (circulaire à consulter ICI).

Destiné principalement aux élèves qui connaissent des difficultés scolaires durables ayant pour origine un ou plusieurs troubles Dys (dyslexie, dysphasie, dyspraxie…), le PAP, plan d’accompagnement personnalisé, est un autre dispositif d’accompagnement pédagogique qui peut être mis en place.

Point commun à ces deux outils : une définition individualisée où la famille est partie prenante avec les différents acteurs éducatifs. Dans tous les cas, que ce soit pour le PAI ou le PAP, n’hésitez pas à faire appel aux représentants de votre APE, qui sauront utilement vous guider et vous accompagner dans les différentes démarches à accomplir.

 

Aménagements possibles lors des examens

Au nom de l’égalité des chances, les élèves porteurs de handicap peuvent prétendre à des aménagements spécifiques lors des examens. Selon le degré du handicap, le candidat peut profiter d’un délai supplémentaire (au maximum un tiers du temps de l’épreuve), bénéficier d’une aide technique (distribution des sujets en braille ou en gros caractères, utilisation d’un ordinateur…) ou d’une assistance humaine (un traducteur en langue des signes ou un secrétaire peuvent l’accompagner).

 

Des scolarisations adaptées

Si la scolarisation se fait en priorité dans une classe ordinaire, parfois la nature ou le degré du handicap ne le permet pas. Dans ce cas, des structures adaptées à l’accueil des enfants handicapés sont une possibilité. Présentes dans des écoles, collèges et lycées, les Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) sont ainsi des classes à part dans lesquelles sont accueillis des enfants présentant le même type de handicap physique, visuel, auditif ou mental. Les élèves y bénéficient d’une scolarisation adaptée, mais participent à certaines activités avec les autres élèves de l’établissement. Ils peuvent également passer quelques heures par semaine dans une classe ordinaire avec pour objectif, au moins pour certains d’entre eux, de l’intégrer à temps complet.

Lorsque la lourdeur du handicap empêche ce type de scolarisation, l’enfant est dirigé vers une autre structure (Segpa ou Erea) ou encore vers un établissement médico-social. Une scolarisation à domicile est également envisageable.

 

Où s’informer ?

  • Le numéro Azur « Aide Handicap École », 0800 730 123, mis en place par le ministère de l’Éducation nationale.
  • L’annuaire des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). A consulter ICI.
  • « Mon parcours handicap à l’école » ; lire ICI notre article.
  • Et auprès de votre APE, qui saura vous orienter, en particulier auprès d’un référent « Santé Prévention » (lire encadré ci-dessus).

 

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