DOSSIER

Stop au harcèlement scolaire !

425---harcel-ouvertureUne violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique, par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre. Voilà comme se définit le harcèlement scolaire. La définition d’un fléau intolérable, qui touche plusieurs centaines de milliers d’enfants, victimes d’insultes, de brimades, de moqueries, d’agressions…

Trop longtemps minimisé, le harcèlement scolaire apparaît aujourd’hui comme un sujet prioritaire pour l’institution scolaire, les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs de la communauté éducative. Prévenir, détecter et traiter constituent les trois grands piliers de la lutte contre le harcèlement à l’école, et désormais en dehors de l’école, avec ce nouveau mode de violence que constitue le cyberharcèlement.

Tous les enfants peuvent potentiellement être confrontés à une situation de harcèlement, il n’existe pas de profil-type. La vigilance s’impose à nous tous, parents, qui avons un rôle crucial à jouer auprès de nos enfants dans la prévention de ces violences aussi intolérables que destructrices.

 

Le 30 septembre dernier, à Frévent, dans le Pas-de-Calais, une collégienne de 13 ans s’est pendue au portique des balançoires de son jardin. Victime de harcèlement scolaire, Chanel a mis fin à ses jours. Un drame qui s’ajoute à une trop longue liste… « Le 18e enfant depuis le 1er janvier 2021 » selon Hugo Martinez, président de l’association Hugo ! (lire interview plus loin), qui a dénombré les mineurs qui se sont suicidés après avoir subi un harcèlement scolaire.

A côté de ces morts révoltantes, qui brisent des familles à jamais, qui bouleversent durablement et profondément les entourages, à commencer par les camarades des jeunes victimes, combien d’autres enfants et adolescents qui souffrent, en silence, du harcèlement par leurs pairs ? S’il est difficile à estimer précisément, de par la nature même du harcèlement que le jeune endure le plus souvent sans s’en ouvrir aux autres, on estime néanmoins que le harcèlement scolaire concerne environ un enfant sur dix. Un fléau généralisé, qui n’épargne aucun milieu, sans distinction, ni d’âge ni de sexe ni d’origine.

 

425---harcel-dossier-3Quelles solutions ?

Depuis plusieurs années maintenant, l’institution scolaire a mis en place des plans pour endiguer le harcèlement scolaire. Le dernier en date, appelé « Phare », prévoit toutes une batterie de mesures de prévention contre le harcèlement scolaire. A commencer par la généralisation, depuis cette rentrée, des ambassadeurs « non au harcèlement » dans tous les établissements scolaires ; des élèves volontaires formés pour jouer le rôle d’ambassadeurs dans leur collège ou leur lycée auprès de leurs camarades.

Le programme « Phare » prévoit également la mise en place au sein de chaque école et établissement scolaire d’une équipe spécifique (pluri-catégorielle) formée au repérage et à la prise en charge des cas de harcèlement. Des équipes qui peuvent prendre appui auprès de « référents harcèlement » mis en place dans chaque académie (335 au total sur tout le territoire national).

 

Le harcèlement, l’affaire de tous

Dans le cadre de ce plan phare (Plan de lutte contre le HARcèlement à l’Ecole), les parents ne sont pas totalement absents : il est prévu qu’ils soient associés  à la lutte contre le harcèlement scolaire « à travers des ateliers », et qu’ils soient informés du plan d’action mis en place par l’établissement scolaire.

Mais au-delà de ces mesures, dont on ne peut douter de l’utilité, c’est avant tout d’une prise de conscience collective de l’urgence et de la gravité du phénomène harcèlement scolaire qu’il doit être question. Et le commencement est de prendre réellement en compte la parole de l’enfant. Réagissant après le suicide de la jeune Chanel, Isabelle Fery, vice-présidente de la Peep, regrettait ainsi que l’on « minimise la parole de l’enfant », « on entend ce qu’il dit mais on ne l’écoute pas ». Et d’indiquer qu’il existe « beaucoup de cas où nous sommes obligés d’intervenir parce que cela fait parfois un an ou deux ans que l’enfant est en souffrance, exprime, le fait savoir, les parents le font savoir aussi, et l’institution ne fait rien, n’apporte aucune solution ».

Dire « stop au harcèlement scolaire ! », doit tous nous engager, parents, Ecole et pouvoirs publics, mais la lutte ne pourra être efficace que grâce à une véritable collaboration entre tous.

 

__________

INTERVIEW

Pauline FREY Directrice Générale de l’association Hugo ! *

« Nous militons pour la création du délit de harcèlement scolaire »

En dépit des campagnes d’information et de prévention, menées par le ministère de l’Education nationale ou par des associations comme la vôtre, le harcèlement scolaire continue à faire des victimes – 18 jeunes depuis le début de l’année selon votre propre décompte. Pourquoi n’arrive-t-on pas à éviter tous ces drames ?

Le harcèlement scolaire a toujours existé, seulement aujourd’hui il ne s’arrête pas aux portes des lycées mais il se poursuit sur les réseaux sociaux, qui deviennent une caisse de résonance du phénomène.

Il faut que le gouvernement propose une véritable politique publique de lutte contre le harcèlement en prenant en charge les victimes mais également les auteurs.

La prise en charge thérapeutique du harcèlement n’est efficiente que si l’on peut proposer une approche multi disciplinaire (ergothérapeute, diététicien, psychologue…). Nous avons évalué le coût de cette prise en charge à 500 e euros par mois par famille. Malheureusement, les familles en difficulté ne peuvent pas supporter un tel coût et donc les situations s’aggravent et le phénomène est inévitablement amplifié.

 

Vous avez été auditionné début juin par la mission d’information du Sénat sur le harcèlement scolaire. Quelles mesures concrètes attendez-vous des pouvoirs publics ? La création d’un délit spécifique de « harcèlement scolaire » serait-il suffisant ?

L’Association Hugo ! milite pour la création du délit de harcèlement scolaire pour plusieurs raisons. Attention, nous ne souhaitons surtout pas stigmatiser les auteurs ; en effet, le délit permettrait qu’il soit également pris en charge et que l’on puisse leur proposer des sanctions pédagogiques adaptées (mesures de réparation). Du côté de la victime, elle pourrait être véritablement reconnue comme telle et obtenir une prise en charge par la sécurité sociale de l’ensemble des dépenses nécessaires pour effacer les traces du harcèlement.

 

Les parents ont naturellement un rôle à jouer dans la prévention et la détection du harcèlement scolaire concernant leurs enfants, qui passe avant tout par le dialogue. Mais établir le dialogue avec son enfant n’est pas toujours aisé, et l’enfant ne veut pas affoler ou faire de la peine à ses parents… Quels conseils leur donneriez-vous, que ce soit, d’une part, en matière de prévention, et d’autre part, quand ils suspectent que leur enfant puisse être directement concerné ?

Il est primordial de parler du harcèlement avec ses enfants pour qu’ils puissent agir si ils sont victimes ou témoins. Développer l’empathie chez les enfants est évidemment une clef pour le bien vivre ensemble, il faut également qu’ils puissent s’épanouir grâce à une passion : art, musique, sport… Les parents peuvent noter les éventuels changement de comportement de leurs enfants : troubles alimentaires, enfants qui se renferment, excès de violence… En cas de doute il faut en parler en contactant les associations spécialisées ou le 3020.

 

* Hugo Martinez a créé l’association HUGO ! en janvier 2018 afin de lutter contre le harcèlement scolaire. Ayant vécu lui-même le harcèlement durant 12 ans, il a désormais choisi de se battre pour toutes les victimes en créant une association, qui agit notamment en sensibilisant les enfants et leurs parents dans les écoles et les établissements scolaires, et en accompagnant les victimes et leurs familles. Pour en savoir plus : asso-hugo.fr.

 

__________

ZOOM

Cyberharcèlement : les parents demandent un accompagnement 

Insulter, se moquer, créer un faux compte, partager des photos ou vidéos sans le consentement de la personne… Toutes ces actions malveillantes sur les réseaux sociaux et sur internet constituent ce que l’on appelle le cyberharcèlement, qui n’est autre que le prolongement dans la sphère numérique du harcèlement que des élèves peuvent subir au sein de l’enceinte scolaire.

Selon une enquête menée avec l’association e-enfance et publiée début octobre, pas moins d’un enfant sur cinq âgé de 8 à 18 ans révèle avoir subi du cyberharcèlement ; une situation qui existe dès le primaire, et qui s’aggrave à partir du collège (21 % des collégiens disent avoir été cyberharcelés ; et 25 % des lycéens). Réalisée auprès de binômes parent-enfant, cette étude apporte un autre enseignement : confrontés à une situation de cyberharcèlement, 81 % des parents apprécieraient de l’aide ou de l’information d’une association de protection des enfants et des adolescents sur Internet. La même proportion (79%) trouveraient utile la mise en place d’un accompagnement psychologique.

Outre un appui qu’ils peuvent trouver auprès d’associations, les parents confrontés à ces situations peuvent également joindre le numéro de contact dédié au cyberharcèlement, le 0800 200 000. Une ligne gratuite qui permet d’obtenir une aide et des conseils de façon anonyme et confidentielle.

 

Prévention et vigilance

A côté du nécessaire discours de prévention du harcèlement scolaire à tenir auprès de leurs enfants, les parents doivent également être vigilants quant à l’utilisation que ceux-ci font des outils numériques, en particulier lorsqu’ils naviguent sur les réseaux sociaux (TikTok, Snapchat, Instagram…), dont beaucoup sont véritablement « accros ». L’enquête menée récemment par l’association e-enfance révèle ainsi que « 83% des parents reconnaissent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou sur les réseaux sociaux » ! Pour prévenir les violences numériques dont ils pourraient être victimes, il est important de s’assurer qu’ils fréquentent des sites et des réseaux adaptés à leur âge, où une modération des propos existe, et de ne pas hésiter à mettre en place un contrôle parental grâce à des outils proposés aujourd’hui par tous les opérateurs mobiles et internet. E-enfance propose un guide complet à ce sujet, à consulter ICI.

 

35 recommandations pour lutter contre le harcèlement scolaire

Malgré la mise en place depuis une dizaine d’années de plans et de mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire – et le cyberharcèlement – (notamment le portail officiel d’information « Non au harcèlement ! »), le constat est sans appel, le fléau perdure. Devant cette situation, une mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement a été mise en œuvre au Sénat. Au terme d’une longue série d’auditions rassemblant tous les acteurs concernés par ce phénomène dramatique (responsables éducatifs, politiques, médico-sociaux, juridiques, associatifs…), une série de mesures concrètes ont été proposées, applicables à très court terme. 35 recommandations qui couvrent les 3 champs de la lutte contre le harcèlement scolaire : prévenir, détecter et traiter. Parmi celles-ci, parce que chaque enfant doit connaître précisément ses droits et devoirs, retenons : « un flyer d’information, dont le contenu doit être annexé au projet d’établissement, [devrait] être distribué chaque année au moment de la rentrée, pour rappeler le droit existant, les numéros d’appel et les sanctions encourues ».

Retrouvez ICI le rapport de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, présenté le 22 septembre au Sénat.

 

gp-2021---harceleLa Peep mobilisée

Les parents concernés directement ou indirectement par une situation de harcèlement scolaire peuvent trouver écoute, conseils et soutien auprès de leur association Peep. Les responsables d’APE sont sensibilisés à cette problématique ; la Peep a notamment édité un guide de prévention et d’accompagnement qui leur est spécifiquement destiné. Retrouvez ICI la version 2021-2022 de ce vade-mecum.

Mot-clé:,

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis