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Mon enfant est capricieux… Quelles réponses ?

HD-408---caprice-1Dans une société où la consommation est reine, enfants et adolescents sont sollicités et tentés en permanence. Répondre de manière adéquate à leurs demandes pour acheter tel article à la mode tient souvent du numéro d’équilibriste pour les parents. Comment naviguer entre les deux écueils du laxisme et de la rigidité excessive ?

 

Petits et grands, nous baignons tous dans la société de consommation, qui nous martèle à longueur de journée que, pour être heureux, il faut se faire plaisir. Des diktats auxquels nos enfants, du fait de leur immaturité cérébrale, ont encore plus de mal que nous à échapper. « La faute au striatum, une structure nerveuse située au centre du cerveau, qui secrète de la dopamine et va chercher à renouveler cette sensation en permanence », explique Nina Bataille, coach professionnelle et parentale, formée en neurosciences (1).

Jouets, sucreries ou tours de manège quand ils sont petits, mode, objets high-tech (jeux vidéo, smartphones, tablettes…) et sorties pour les adolescents… Les sollicitations de ce fameux striatum sont partout ! D’où des demandes incessantes, auxquelles il est souvent difficile, pour les parents, de faire face. Entre envie de leur faire plaisir et nécessité de poser des limites, nombreux sont ceux qui ne savent plus trop à quel saint se vouer…

 

Poser ses conditions et s’assurer de leur respect

Première clé, selon Nina Bataille : leur apprendre les vertus de la frustration, du plaisir différé. « Eduquer les enfants à la patience et à l’effort développe le cortex préfrontal, qui gère la capacité à prendre du recul, à être serein… », pointe-t-elle. Ce qui va de pair avec une certaine autorité, mais régulée. « Un : je pose des règles en amont : par exemple (pour un petit) : « au supermarché, pas de crise pour avoir un jouet ou des bonbons » ou (pour un ado) : « OK pour le téléphone portable, mais à partir de 22 heures, tu me le donnes pour la nuit ». Deux : je préviens sur les sanctions en cas de transgression. Des sanctions raisonnables et proportionnées (sous peine de mettre l’enfant en opposition). Trois : je les applique, car si l’on cède, l’autorité sera mise à mal. Ils vont peut-être râler, mais pour les enfants, il est très rassurant d’avoir des limites », expose Nina Bataille.

Deuxième axe : jouer la pédagogie. En leur expliquant, par exemple, les dangers des ondes sur le cerveau, ceux des réseaux sociaux, ou encore le poids environnemental de la surconsommation… « L’autorité bien pensée ne va pas sans une valeur d’égalité sociale : si nous, adultes, avons plus d’expérience que nos enfants, ce n’est pas pour autant que nous devons nous placer au-dessus d’eux, estime Véronique Maciejak, auteure de guides pratiques concernant l’éducation positive, conférencière et formatrice (2). Ils apprécieront que l’on essaie de les responsabiliser. Cela passe beaucoup par la communication, mais aussi par le fait de montrer l’exemple : si nos armoires débordent, ce sera plus compliqué de dire à nos enfants : « Tu n’as pas besoin de nouveaux vêtements » ! ».

 

HD-408---caprice-2Allier autorité, bienveillance et écoute

Troisième voie : savoir lâcher du lest. Lorsque les enjeux sont minimes, par exemple si votre fille de six ans veut, l’espace d’une journée, aller à l’école avec sa robe de princesse, pour épater les copines. Mais aussi pour s’adapter à leur évolution, en laissant votre garçon de quinze ans passer un peu plus de temps, qu’à douze ans, sur son jeu vidéo le soir. Tout en s’autorisant à émettre un veto ferme et définitif lorsque des questions cruciales, par exemple de sécurité ou de santé, sont en jeu. Le tout, c’est d’y mettre les formes. « Si, d’un côté, l’on serre la vis, de l’autre, il faut faire montre de bienveillance et d’écoute », note Nina Bataille.

Quatrième axe : lui offrir des solutions alternatives. On peut proposer des compromis dans la même gamme : non au bonbon, mais oui au fruit ; non au portable, mais oui pour t’installer une application sur le mien pour ton usage privé. On peut également remplacer une tentation par une autre, plus appropriée à vos attentes, mais en respectant le désir sous-jacent à sa demande : « Tu as besoin de t’évader ? Je te propose plutôt une balade à vélo », par exemple. Autre suggestion : l’inciter à faire un petit boulot ou à vendre les affaires dont il ne se sert plus avant d’en racheter de nouvelles. Organiser une braderie peut être l’occasion de joindre l’utile à l’agréable, en passant un bon moment en famille !

 

Chercher la relation gagnant-gagnant

Cinquième levier : faire preuve de créativité. Véronique Maciejak suggère une astuce pour cultiver la patience des enfants : prendre en photo les objets qu’ils réclament et coller celles-ci dans un « cahier des envies », que l’on ressortira à l’occasion de Noël ou du prochain anniversaire. « J’aime bien la combinaison gagnant-gagnant dans la relation avec son enfant, conclut-elle. Je suis persuadée qu’avec un brin d’imagination et d’huile de coude, on peut trouver un consensus qui convienne à tout le monde. » A la clé, des relations familiales apaisées, avec des parents qui ont bonne conscience et des enfants satisfaits… Même si tous leurs desiderata ne sont pas toujours totalement exaucés !

 

Notes

  1. Nina Bataille, « Les 50 règles d’or de l’autorité tranquille », Larousse, 2018
  2. Véronique Maciejak, « 1,2,3, je me mets à l’éducation positive : Pourquoi ça marche, comment et pour qui », Eyrolles, 2017

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Itw-408---Florence-MillotPOINT DE VUE

Florence Millot, psychologue et psychothérapeute auprès d’enfants, d’adolescents et de leurs parents. Elle est l’auteure de « 1 problème, 7 solutions : Mon enfant fait des caprices », Hachette Pratique, 2018.

« Pour savoir dire non, il faut comprendre que consommation ne rime pas avec amour »

 

Qu’y a-t-il derrière le mot « caprice » ?

C’est un mot fourre-tout, souvent utilisé à mauvais escient par les parents dès qu’ils ne comprennent pas pourquoi leur enfant pleure. Derrière ce mot, il y a l’idée que ce dernier essaie d’abuser de la gentillesse du parent. Sitôt qu’il est prononcé, c’est que son auteur est un peu énervé. Du coup, il n’a pas envie d’écouter l’enfant.

 

Et ce n’est pas le cas ?

Non. Avant six-sept ans, le petit enfant a un système nerveux immature. S’il pleure, c’est souvent qu’il a besoin de décharger quelque chose. Par exemple, suite à une dispute des parents, l’enfant ne pleure pas sur le coup, mais, le soir ou le lendemain, il va ressortir ce stress en pleurant, sur un détail qui vient le perturber : « je voulais tel jouet et je ne l’ai pas eu »… Et pour les ados, l’envie d’avoir tel ou tel objet à la mode reflète l’envie d’être intégré, d’avoir des copains.

 

Comment surmonter cette crise, alors ?

Pour l’enfant ou l’adolescent, c’est toujours une question de survie, parce qu’il croit vraiment que son bonheur dépend d’un objet. Or, l’objet ce n’est pas de l’amour, c’est juste un plaisir immédiat. Une fois que l’on a compris cela, on est capable de lui dire non plus facilement.

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ZOOM

Et si on remplaçait la consommation par du relationnel ?

Pour mieux faire passer la pilule du « non » à l’achat d’un objet, on peut mettre en place une sorte de rendez-vous ritualisé, où l’on se consacre exclusivement à tel ou tel enfant. Pour les petits, un moment de jeu de leur choix avec maman, avec, par exemple, toute latitude pour la coiffer ou la maquiller. Pour les plus grands, une balade, une activité en commun, un restaurant, ou un simple moment de partage de leurs passions.

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