EDUCATION

Education à l’environnement : quand l’école se met au vert

HD-407---ENVIRON-2Alors que la notion de développement durable s’impose dans la société, l’école joue plus que jamais un rôle essentiel dans la formation de futurs citoyens respectueux de l’environnement. Si de nombreuses initiatives sont menées, leur concrétisation sur le terrain dépend en grande partie de l’investissement personnel des enseignants.

 

 

L’éducation nationale n’a pas attendu que le sujet de la transition écologique arrive sur le devant de la scène pour prendre sa part de responsabilité. Dès 1977, une circulaire jugeait « indispensable que l’école apporte aux élèves, dès leur plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, une formation qui leur permette de saisir les problèmes de l’environnement de façon intelligente et constructive ». Depuis, cette mission n’a cessé de s’étoffer, jusqu’à devenir en 2004 une discipline transversale. Aujourd’hui, l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) dispose d’un programme à part entière enseigné à travers différentes matières.

En toute logique, l’EEDD existe surtout par les cours de Sciences et vie de la terre (SVT), dont les professeurs ont pour mission, sur la base de données scientifiques, de faire prendre conscience aux élèves de l’importance de préserver les espèces et de mieux gérer les ressources, de les sensibiliser à l’impact de la dégradation de l’environnement sur leur vie quotidienne et sur leur santé, de les amener à se questionner sur les problèmes qui les entourent en se plaçant dans une perspective de développement durable, etc.

D’autres matières sont aussi mises à contribution. Leurs collègues d’histoire-géographie abordent la question de la protection de l’environnement au moment d’évoquer le développement des sociétés, ceux d’économie et de gestion en parlent lorsqu’ils enseignent l’utilisation des ressources par l’homme et la nécessaire régulation de l’environnement par ce dernier. Autre exemple : les professeurs de physique-chimie sont tenus d’évoquer à un moment ou un autre l’impact des modes de production actuels sur l’environnement. Quant aux cours d’éducation civique, ils sont autant d’occasions de sensibiliser les jeunes aux gestes écocitoyens.

 

HD-407---ENVIRON-3Le difficile passage de la théorie à la pratique

Au nom de leur liberté pédagogique, les enseignants sont libres de choisir la manière dont ils transmettent ces notions. Des consignes leur sont toutefois données afin de les inciter à délaisser au maximum les cours théoriques au profit d’observations sur le terrain et de réalisations de projets concrets, bien plus efficaces pour transmettre ce genre de connaissances. En juin dernier, le ministère de la Transition écologique et solidaire encourageait les enseignants à mettre en place « une multiplicité d’actions de terrain, de projets, d’expérimentations, de démarches pédagogiques qui informent, sensibilisent, forment, éduquent à tous les âges aux enjeux environnementaux et de développement durable ».

Pour cela, les enseignants peuvent piocher dans les très nombreuses ressources mises à leur disposition, notamment sur le site du Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) d’Amiens, désigné pôle national de compétences sur les ressources liées au développement durable. Ils peuvent également se tourner vers les acteurs locaux qui sont nombreux à proposer des animations sur le thème de l’environnement. La plupart des usines de traitement des eaux usées organisent par exemple des visites pédagogiques à destination des scolaires sur le thème de la protection de l’eau, et les déchetteries ouvrent régulièrement leurs portes aux jeunes afin de les sensibiliser à l’importance du tri et aux problèmes de la gestion des déchets.

Les enseignants peuvent également répondre à l’appel de certaines collectivités locales qui cherchent à nouer des partenariats avec les établissements scolaires en espérant que les enfants s’investissent plus tard dans leurs actions. C’est le cas par exemple du département de Loire-Atlantique qui non seulement met à disposition des collèges des supports pédagogiques (exposition, kits, manuels, jeux…) et envoie des intervenants dans les classes, mais organise aussi des visites sur le terrain et finance des projets en faveur de la protection de l’environnement.

 

Accompagnement des enseignants

De nombreuses associations font également la part belle à l’éducation au développement durable à l’école, à l’instar de la Fondation La main à la pâte qui propose, entre autres, de conseiller les enseignants sur la meilleure manière de mener à bien leur projet. « Nous cherchons à être le plus concret possible, explique Stevens Guyon, enseignant de SVT chargé des formations au sein de La main à la pâte. Par exemple, lorsqu’au cours d’une session sur le changement climatique nous abordons le sujet de l’éco-habitat, nous mettons les participants en situation d’investigation à l’aide de cubes représentant chacun une habitation et nous leur demandons de les placer de manière à limiter au maximum les déperditions énergétiques et la production de béton. Cet exercice est un bon point de départ pour aborder des notions de physique, comme les échanges d’énergie thermique, ou écouter les interventions de spécialistes des grandes institutions scientifiques françaises comme le CNRS, l’INRA, Météofrance ou le Museum d’histoire naturelle. Notre objectif est de sensibiliser les enseignants à la protection de l’environnement et de leur donner des outils concrets pour qu’ils transmettent efficacement ces valeurs à leurs élèves ».

 

HD-407---ENVIRON-4Initiatives locales

Ces efforts portent leurs fruits. Aux quatre coins de la France, des projets scolaires éco-responsables voient le jour au sein des établissements scolaires. Au lycée Lazare Ponticelli, dans le 13e arrondissement de Paris (75), les élèves retapent des meubles, des vélos et du matériel informatique qu’ils revendent sur Internet et par le biais de distributeurs partenaires. Ceux de l’école primaire de Corent, dans le Puy-de-Dôme (63), apprennent à faire avec les déchets de la cantine du compost qu’ils utilisent ensuite pour faire pousser des plantes. Ceux du collège Sansy-Artens de La Tour d’Auvergne ont participé à la rénovation d’un sentier botanique. Quant à ceux du collège Alexandre Varenne de Saint-Eloy-les-Mines, ils récupèrent, réparent et reconditionnent d’anciens ordinateurs qu’ils offrent ensuite à l’antenne locale du Secours populaire. « Il y a une vraie prise de conscience des enseignants de l’importance de sensibiliser les élèves au développement durable », constate lui aussi Stevens Guyon.

Pour autant, force est de constater que ce genre d’initiatives est loin d’être généralisé. Il reste encore trop souvent lié à la motivation d’un enseignant, à l’implication de l’équipe éducative et à la bonne volonté de la hiérarchie qui met parfois en avant des raisons financières ou des soucis d’organisation interne pour repousser certains projets.

Dans une étude de 2014, qui mériterait d’être réactualisée, l’Ademe soulignait que l’enseignement à l’environnement dans les collèges était « essentiellement le fruit d’initiatives spontanées » et déplorait des pratiques « assez disparates à cause notamment du manque de formation des enseignants et d’un contexte institutionnel flou ». Si des efforts ont été accomplis, on est encore loin du compte, encore plus à l’heure où « l’urgence écologique » est devenue une priorité, si ce n’est LA priorité.

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NOUVEAUTE

250.000 éco-délégués seront nommés

Le 27 août, à l’occasion de sa conférence de rentrée, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé la nomination de 250.000 éco-délégués (un délégué par classe au collège et au lycée). Des éco-délégués qui seront chargé de mettre en œuvre  « des actions pour l’environnement dans chaque classe», a indiqué Jean-Michel-Blanquer.

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HD-407---ENVIRON-MareGalliaPOINT DE VUE

Jean-Pierre Grimaud, directeur de l’école élémentaire Alexandre Vincent à Treillières (44)

« La gestion d’une mare comme projet d’école »

« L’aventure de la mare Galliane a commencé il y a 12 ans, lorsqu’un enseignant s’est mis en tête de remettre en état avec sa classe ce point d’eau laissé à l’abandon. Ce qui était au départ une initiative individuelle s’est transformé en un projet impliquant toute l’école. Aujourd’hui, tous les CP s’y rendent une fois dans l’année, les CE1 y vont pour reconnaître les arbres et étudier l’évolution des paysages à travers les saisons, les CE2 y découvrent la faune et les CM la reproduction animale et l’impact de l’homme sur les milieux naturels.

Les parents aussi s’impliquent. Ils nous ont aidés à construire un muret, à créer un ponton et à aménager une aire d’accueil. Aujourd’hui, la mare Galliane est officiellement une réserve naturelle éducative gérée en concertation par l’école, la mairie et l’association de protection de l’environnement Bretagne vivante. Certains de nos élèves participent même à des réunions  au cours desquelles ils réfléchissent à la meilleure manière de protéger cet espace vivant.

Non seulement ce projet à long terme rend les apprentissages plus concrets, mais surtout, il participe activement à la sensibilisation des élèves, mais aussi de leurs familles et de l’ensemble de la population, à la protection de l’environnement. »

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ZOOM

Un label pour les établissements en pointe sur l’environnement

Depuis 2013, les établissements qui le souhaitent peuvent tenter de décrocher le label « École en démarche de développement durable » (E3D). Cette distinction est décernée par le ministère de l’Education nationale aux écoles, collèges et lycées s’engageant dans une vraie démarche de développement durable.

Pour l’obtenir, l’établissement doit tendre vers une gestion éco-responsable, nouer des partenariats avec des collectivités, des entreprises ou des associations et impliquer l’ensemble de la communauté éducative. Un établissement E3D doit surtout mener des actions en faveur de la protection de l’environnement. Toutes les idées « vertes » sont les bienvenues. Au collège E3D Albert Camus de Clermont-Ferrand, par exemple, les élèves ont installé des ruches, planté des arbres et créé une pouponnière à truites.

 

L’écologie s’apprend aussi en famille !

Les parents aussi jouent un rôle important dans l’éveil des enfants à la protection de l’environnement. « Je cherche avant tout à leur transmettre les éco-gestes que j’applique moi-même, comme éteindre la lumière quand je sors d’une pièce, boire de l’eau du robinet plutôt qu’en bouteille ou manger des produits locaux et peu transformés, explique Maryline, maman de deux enfants. Je leur ai aussi expliqué pourquoi je ne leur achète ni vêtements de marque ni pâte à tartiner industrielle, pourquoi que je refuse de les emmener au cirque et pourquoi nous évitons systématiquement les lieux trop touristiques. Comme on applique cette philosophie depuis qu’ils sont petits, le message passe bien ».

Christelle, elle, n’est pas mécontente d’avoir réussi à convertir ses deux ados au gel douche et au shampoing qu’elle fabrique elle-même. « J’aimerais aller plus loin, mais ce n’est pas toujours évident, conçoit-elle. La prochaine étape consiste à abandonner les goûters suremballés ».

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itw-407---B-Poirson-(CréditGRAND TEMOIN

Brune Poirson, secrétaire d’État à la transition écologique et solidaire

« Former les jeunes à être acteurs et non témoins de la transition écologique »

Alors que la question du développement durable fait plus que jamais partie des questions d’actualité, quelle place occupent selon vous les jeunes d’aujourd’hui dans la défense de l’environnement ?

Une place essentielle ! Nos enfants savent que ce sont les choix que nous n’avons pas faits ces 50 dernières années qui ont transformé la Terre en « zone en danger ». Et malgré un constat acté par la science, ils ne comprennent pas que la situation ne change pas assez vite. Alors ils se mobilisent, ils mettent la pression aux dirigeants politiques et ils ont raison ! J’en rencontre beaucoup qui participent de manière concrète à inventer un monde plus juste : ils lancent des défis aux entreprises, conscients de leur talent et déterminés à ne pas mettre leurs valeurs de côté pour faire carrière. Nos jeunes sont des lanceurs d’alertes. 

 

Qu’a mis en place le gouvernement pour sensibiliser encore plus les jeunes au respect de l’environnement ?

Notre rôle est de les former à être acteurs et non témoins de la transition écologique. Il n’y a qu’à cette condition qu’elle sera solidaire. Mon ministère s’est donc impliqué dans l’élaboration des programmes du service national universel (SNU). Des activités pédagogiques autour de la préservation de la biodiversité ou de la gestion des déchets sont déjà proposées.

Par ailleurs, nous avons élaboré un « passeport de l’éco-citoyenneté » pour certifier que l’engagement dans la défense de l’environnement a une valeur citoyenne très forte.

 

En quoi sensibiliser les jeunes au respect de l’environnement au sein de l’Education nationale est-il essentiel ?

L’éducation ne consiste pas à asséner des vérités, mais à façonner un esprit critique. Pour cela il faut croiser les savoirs, les points de vue et l’Education nationale est la mieux placée pour cela. Le développement durable est un bon exemple de cette nécessité puisqu’il représente un mélange de savoirs sociaux, économiques et scientifiques. Sans oublier que l’école est le lieu de l’altérité et des premières sociabilités. Un espace idéal donc pour s’initier aux gestes durables : recycler le papier, trier ses déchets, économiser l’eau ou l’électricité. Nous travaillons étroitement avec Jean-Michel Blanquer pour aller encore plus loin dans ces pratiques.

 

L’éducation au développement durable a-t-elle vocation à évoluer et dans quel sens ?

Un enfant du XXIe siècle sait utiliser un smartphone avant de savoir écrire. Il a donc accès très tôt à une multitude d’informations et à beaucoup « d’infox ». La première étape c’est de lui apprendre à démêler le vrai du faux. Car une des plus grandes batailles reste celle qui oppose les partisans de l’action aux climatosceptiques. Savoir où est la vérité est le préalable à toute action en faveur d’une transition écologique réussie dans notre pays.

 

 

BIO

Après avoir occupé différents postes de cadre à l’étranger en lien avec le développement durable, Brune Poirson a été élue députée dans le Vaucluse. En juin 2017, elle a été nommée secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, sous Nicolas Hulot puis François de Rugy, et enfin Elisabeth Borne depuis le 16 juillet 2019.

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