Gérer la crise de son ado
Entre 11 et 19 ans, de nombreux changements apparaissent chez l’enfant qui est entré dans l’adolescence. De la contestation des règles aux comportements à risque (alcool, cannabis, fugue…), quelle attitude parentale adopter ? Nos conseils pour rester zen et dédramatiser face à la crise.
L’adolescence est le plus souvent un moment délicat à vivre pour la famille. Votre enfant vit un réel chamboulement physique et psychologique, notamment lié aux poussées hormonales qui modifient l’humeur et le corps. Les filles ont leurs premières règles, de la poitrine ; les garçons voient leur barbe pousser et leur voix muer. Sortie brutale de l’enfance, l’adolescence crée de nouvelles sensations corporelles, de nouveaux désirs à gérer et engendre de nouveaux regards sur soi qu’il faut assumer.
Ce bouleversement corporel est aussi intense que celui que connaît le petit enfant sur plusieurs années. Cette période réactive toutes les pulsions de la petite enfance (complexe d’Œdipe notamment). Cette régression peut se traduire par des comportements d’opposition, de rejet de la propreté, une pudeur excessive vis-à-vis du parent du sexe opposé, une rivalité avec le parent du même sexe… Anne-Marie a ainsi vu ses ados garçons passer des heures dans la salle de bain, soudainement soucieux de leur look tandis que sa fille la critiquait chaque jour, défendant son père. C’est lié au besoin de l’adolescent de se réapproprier son corps en pleine mutation.
Une crise nécessaire ?
« Ces changements soudains, à la fois cognitifs et comportementaux sont nécessaires, explique Stéphane Clerget pédopsychiatre. Mais ils peuvent mettre l’enfant en danger et perturber l’environnement familial par leur soudaineté. Et même fragiliser la vie de couple car l’ado ravive les émois de certains parents ». Opposition, refus des règles, agressivité verbale… Le test de ses limites et de celles fixées par les parents (ne pas fumer, ne pas boire, rentrer à telle heure…) est souvent un passage obligé. « Que leur entourage le veuille ou non, les adolescents se frottent de façon inévitable au risque et à la transgression, un peu comme les insectes attirés par la lumière. Le chemin de l’autonomie passe par l’examen, l’exploration et la mise en pratique des ressources de son corps et de son esprit », expliquent les auteurs du « Manuel de survie pour parents d’ados qui pètent les plombs ».
Les parents doivent jongler entre ce besoin d’autonomie et le souci de règles et d’autorité. Car il est important de maintenir des marques et limites afin que votre adolescent puisse construire son identité en toute sécurité. « Les parents doivent oser dire « non » à leur enfant quitte à ce qu’il leur en veuille et les prenne pour des ringards ou des nuls. C’est le rôle des parents ». Essayez de trouver un terrain d’entente en proposant votre point de vue et en n’oubliant pas de demander à votre ado ce qu’il en pense. Vous êtes en désaccord ? Argumentez car les explications sont indispensables, tout comme les compromis, qui sont une belle marque de confiance que vous lui accordez, et qui désarmorcent nombre de conflits.
« Ce ne sont pas les manifestations d’opposition qui sont les plus inquiétantes, mais lorsque la crise prend des formes plus silencieuses comme des attitudes de repli sur soi, renforcées par les jeux vidéo, qui amène à un désinvestissement scolaire et social et au danger des troubles du comportement alimentaire pour les filles… et des risques de délinquance », met en garde Stéphane Clerget qui rappelle qu’en dix ans, la délinquance des filles a grimpé de 50 % : vols, rackets, atteinte aux biens et personnes. « C’est lorsque la crise devient pathologique qu’il faut intervenir au niveau psy, du fait de la dangerosité des conduites : il faut évaluer s’il y a un risque sur sa santé, des troubles affectifs, s’il a des idées noires… ». C’est ce qui a conduit Laure, 51 ans, à intervenir en urgence pour son fils cadet qui souhaitait mettre fin à ses jours. « Il n’avait plus goût à rien et restait enfermé dans sa chambre, il n’allait plus en cours et avait déjà fait une fugue. J’ai toujours veillé à maintenir le dialogue ce qui a permis de réagir à temps pour, qu’avec son accord, il soit pris en charge au niveau psychiatrique », relate-t-elle.
Car le dialogue et l’honnêteté sont très importantes dans votre relation, lui mentir ne ferait qu’aggraver sa situation déjà compliquée car il se sentirait trahi. Juliette, 16 ans, a mis à mal les nerfs de sa mère en passant d’énormes besoins de câlins et de complicité à une fugue chez son amoureux avec perte et fracas. Ce comportement ambivalent est courant : aux phases de régression succèdent des attitudes d’opposition et de rejet, l’adulte en devenir cherchant à s’affirmer dans le cercle familial avant de faire ses preuves en société. Il faut donc ne pas prendre au premier degré ces manifestations d’agressivité, tout en prenant par contre très au sérieux leur vie amoureuse. « Il ne faut pas prendre de haut leurs émotions, en les reléguant à de simples passades de jeunesse. Ce jugement de valeur crée des incompréhensions et un vrai sentiment pour l’ado de ne pas être écouté par les adultes ».
Dans tous les cas, n’oubliez pas que la crise finira par passer ! Ne blâmez pas votre enfant pour un écart de conduite, il répond à sa quête de dépassement des limites ce qui lui permet de faire ses propres expériences et ses idées sur le monde adulte. Renoncez également à être un parent parfait et armez-vous de patience. Surtout, sachez que 75 % des jeunes ne sont pas concernés par la crise « difficile » (violence, troubles psychiques…). Il faut dédramatiser cette crise incontournable, en ayant confiance dans ce que l’on a semé durant l’enfance. Limites, repères, respect, dialogue… avec des bases solides posées avant, votre enfant se construira et tout devrait bientôt rentrer naturellement dans l’ordre. « Vos critiques étant quotidiennes à cette période, en tant que parent n’oubliez pas de complimenter votre ado aussi et si ça ne va pas à l’école, ne parlez pas que de cela à table ! », conclut Stéphane Clerget.
Elise Pierre
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Stéphane Clerget, pédospychiatre, auteur de « Adolescents, la crise nécessaire » (éd. Plurielles)
« Notre angoisse est qu’ils n’aillent plus dehors ! »
« L’adolescence peut susciter des problèmes aux conséquences variables, pour lui et pour l’entourage. Alors que votre enfant a toujours été admiratif, respectueux, il se détache de façon brutale ce qui est décontenançant ! Il faut surtout dialoguer et évaluer s’il y a des éléments inquiétants, de risques pour sa santé en repartant des éléments de bien-être comme pour un petit : Dort-il bien ? Parle-t-il avec ses amis, et pas que sur un mode virtuel ? Il n’a pas de trouble du comportement alimentaire ? Prend-il du plaisir dans sa vie de tous les jours ? Si vous répondez oui il n’y a pas lieu de s’inquiéter, même s’il est en opposition constante. La crise d’ado est passagère, mais il faut s’assurer de sa bonne santé psychique et physique. Si un ado ne sourit plus, rate l’école et se replie, il faut alerter son médecin puis un psy si besoin. Même si la mode est à l’éducation bienveillante, cela n’empêche pas de lui rappeler les règles et toujours vérifier où il est, avec qui, veiller et exiger le maintien de ce cadre. Pour les aider à s’émanciper, il ne faut pas hésiter à lui confier des responsabilités, à l’impliquer dans le quotidien de la famille ! Et continuer à appliquer une tolérance zéro sur les drogues, rappeler les dangers de l’alcool etc. Si la consommation devient trop fréquente, il faut consulter.
Parmi les comportements à risque, on note chez les filles une recrudescence de grossesses précoces et la hausse de consommation de porno chez les garçons, sans oublier la dépendance aux jeux vidéo. Attention que cette dernière n’entraîne pas un isolement puis des difficultés sociales et scolaires. Alors qu’avant les parents avaient peur qu’ils ne rentrent pas à la maison, aujourd’hui face à la suprématie des écrans, notre angoisse est qu’ils n’aillent plus dehors ! »
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ZOOM
SOS crise grave : que faire ?
Certains comportements vont au-delà de la crise d’adolescence « ordinaire ». Ils refusent toutes les limites, contraintes, agissent dangereusement, pour eux ou pour les autres. D’autres se referment sur eux-mêmes et ne veulent plus ou ne parviennent plus à communiquer. Parfois, ce mal-être tourne à l’obsession ; leur santé mentale est en jeu.
Dans ces cas-là ne restez pas seuls ! Faites appel à des professionnels :
- Votre médecin de famille, qui vous aiguillera si besoin vers un psychologue ou un psychiatre.
- L’infirmière scolaire de l’établissement de votre adolescent.
- Les CRIPS : Centres Régionaux de compétences pour le traitement de l’information et de la documentation sur le VIH-sida, les hépatites, les usages de drogues et les conduites à risque des jeunes. www.lecrips.net.
- www.filsantejeunes.com – 0 800 235 236 (anonyme et gratuit).