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Netflix : le service de vidéos qui rend accros les ados

HD-402---netflix-2Les services de vidéos à la demande comme Netflix ont supplanté YouTube ou la télévision dans le quotidien des collégiens et lycéens. Une consommation de films et de séries qui entre parfois en concurrence avec le sommeil ou les révisions. Faut-il s’en inquiéter ?

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« Netflix, je recommencerai après le bac. Je préfère être sérieuse. » Lucie, 18 ans, est en terminale en Bourgogne. Et dans son lycée, le service américain de vidéos à la demande (Svod) fait fureur. « Tout le monde ne parle que de ça. Les trois quarts de ma classe l’utilisent. » Avant les révisions, elle se connectait tous les jours. « Pendant la pause de midi, le soir… Dès qu’on a du temps libre, on lance Netflix ! » Certains de ses camarades n’arrêtent plus, regardant films et séries jusqu’à 3h du matin.

En Loire-Atlantique, Alexandra Urfer, maman, a pris également conscience que Netflix prenait beaucoup de place : « Mon aîné était un grand dormeur, il se couchait à 21h30. Désormais, il veille tard. On sent bien qu’il est crevé », se désole-t-elle.

 

« Entre les révisions et Netflix, il faut choisir ! »

Un usage excessif devenu « un phénomène de fond », alerte le docteur Bruno Assouly, fondateur de l’Institut d’éducation médicale et de prévention, à l’origine de la campagne « Le bon usage des écrans ». Il y a quelques mois, Reed Hastings, fondateur de Netflix, jouait d’ailleurs cartes sur table : « Quand vous regardez une série et que vous en devenez accro, vous veillez tard le soir. À la marge, nous sommes en concurrence avec le sommeil. » De quoi interpeller Bruno Assouly : « Dormir est fondamental pour les jeunes. Ces séries sont faites pour accrocher, tenir en haleine. Un épisode se coupe au moment le plus intéressant. À force, cela va entraver le comportement. Entre les révisions et Netflix, il faut choisir ! »

De quoi dépasser les parents. « Ma mère ne sait pas ce que je regarde, sourit Lucie. Le système ne fixe pas de limite. » Sandra, camarade de Lucie, avoue qu’elle pourrait déraper. « On m’a passé des codes d’accès. Si je voulais les utiliser non-stop, je le pourrais ! » Elle trouve cela « beaucoup mieux que la télévision : on ne regarde que ce qui nous intéresse ». Car le système Netflix est redoutable. Dès qu’un épisode de série se termine, le suivant démarre automatiquement.

 

HD-402---netflix-1Des contenus sécurisés

Le tableau n’est pas totalement noir. L’avantage : les Svod offrent un environnement protégé, sans contenus trop sensibles. Michael Bourgatte, spécialiste du numérique éducatif, y voit un intérêt : la légalité. « Sur internet, les ados ne connaissent pas la frontière entre les contenus licites et illicites. Les services comme Netflix remplissent malgré eux une fonction de régulation. » Il y voit même un enjeu « culturel ». « Le catalogue de films est un peu ancien. Cela permet à des jeunes d’élargir leur horizon. »

La Svod touche également les plus jeunes. Expatriée en Angleterre, Juliette Mouquod apprécie le « mode enfant » de Netflix. « Ils proposent des programmes ”enfant”, des films familiaux, précise-t-elle. Nos deux filles, Zoé et Yoko, 13 et 9 ans, adorent les dessins animés. Elles y ont accès moins d’une heure par jour. » Et si la qualité laisse parfois à désirer, « au moins, c’est adapté à leur âge. Avec la télévision, on n’a pas le contrôle de tout. Et Internet peut réserver de mauvaises surprises. »

Un exemple : les deux filles de 11 et 7 ans d’Émilie Gillet, résidant à Paris, utilisaient souvent YouTube. « Elles tombaient parfois sur un dessin animé doublé par des voix disant des cochonneries… Avec Netflix, l’environnement est sécurisé. Il n’y a pas de publicité. À la différence de la télévision, elles doivent choisir ce qu’elles regardent. C’est un bon exercice. » Sa benjamine a le droit à 30 minutes par jour. Pour la plus grande, « c’est plus compliqué de savoir le temps qu’elle y passe. On pourrait accéder à l’historique, mais on veut la responsabiliser. Tout est une histoire d’accompagnement. Expliquer pourquoi on ne veut pas qu’elles regardent certaines choses. »

Mais Juliette Mouquod reconnaît certaines limites. « Pour des enfants un peu malins, plus âgés, il est possible en un clic d’accéder au mode adulte. Des copains de Zoé regardent des séries pour grands… »

 

Adapter des règles d’utilisation

Tout est question de cadre. Une autre maman, Elisabeth Martin, a ainsi fixé des règles drastiques à ses garçons de 15, 12 et 10 ans. « Je refuse de leur donner les codes pour leur tablette ou leur portable. Je préfère qu’ils soient dehors ! » Son aîné s’apprête à passer au lycée. La pression s’intensifie. « C’est un sujet récurrent. Il me dit que la moitié de sa classe a les codes. » Chez elle, Netflix s’utilise en famille, sur le poste de télévision du salon. Si possible en version originale sous-titrée. Et la nuit, tous les téléphones de la famille restent hors des chambres !

Michael Bourgatte recommande surtout la médiation. « Il faut expliciter les contenus. » « Mettre des mots, rappeler que certaines choses ne sont pas la réalité », complète la maman Alexandra Urfer. Bruno Assouly prône également « un usage modéré et accompagné ». En restant vigilant à certains signes d’un problème : fatigue, baisse de notes. « Parents et enfants doivent trouver ensemble le bon usage. Limiter l’accès à certains moments, certaines périodes. Regarder certains contenus en famille. » Pour fixer des limites, tout en créant du lien.

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A SAVOIR

Netflix, leader incontesté

  • Netflix domine largement le marché des services de vidéos à la demande, avec plus de 2,5 millions d’abonnés. Ses principaux concurrents sont Canalplay, Amazon Prime ou OCS (Orange).
  • Le catalogue Netflix dépasse les 3 000 films et séries, en français et en version originale sous-titrée.
  • Accessible sur smartphone, tablette, ordinateur, et via de nombreuses Box, Netflix est sans engagement. Après un mois gratuit, le forfait oscille entre 7,99 euros et 13,99 euros, selon le nombre d’écrans en simultané.

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Claude Allard, pédopsychiatre et auteur (« Les désarrois de l’enfant numérique », éd. Hermann)

Les parents peinent à suivre leurs enfants dans leurs usages numériques…

On observe une évolution des pratiques de consommations excessives des produits multimédias, notamment via le smartphone. Netflix vient d’arriver. Il y a un phénomène de mode autour des séries, qui prennent la place du cinéma. Mais la consommation des jeunes passait déjà par d’autres canaux, comme YouTube.

 

Netflix peut-il provoquer une addiction ?

La consommation des écrans peut avoir une fonction relativement addictive, voire créer une dépendance. Il faut savoir que tout est fait par les programmateurs pour amener une plus grande consommation. Les produits sont pensés, théorisés, pour générer une attente, un suspens, inciter à continuer à regarder. On peut y voir un système d’hameçonnage.

 

Faut-il l’interdire ?

On a le droit de dire non en tant que parent ! Les interdits peuvent être structurants. Mon conseil, c’est de moduler en fonction de l’âge. Avec des précautions de base : pas d’écrans quand on mange, quand on dort, et quand on travaille. Il faut maîtriser le temps et l’espace pour cette consommation.

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