EDUCATION

La voie technologique défend son image

HD-396---techno-2Souvent considérée comme une filière choisie par défaut, la voie technologique souffre de nombreux a priori. Pourtant, elle est une voie de réussite avérée, qui prépare les futurs bacheliers aux études supérieures, loin des standards des cours classiques.

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Alexia termine sa 3e. Dans quelques mois, elle devra franchir une nouvelle étape de sa scolarité et rejoindre le lycée. Passionnée de dessin, peu motivée par les cours académiques, son choix s’est rapidement tourné vers une seconde générale et technologique au lycée Léonard de Vinci à Antibes, qui la conduira ensuite vers une 1re STD2A (sciences et technologies du design et des arts appliqués). « Le plus gros de l’enseignement est orienté sur l’histoire de l’art, le design, la création visuelle… Savoir que je préparerai mon bac en étudiant des matières qui me plaisent me motive encore plus », assure la future lycéenne.

Si Alexia est sûre de son futur parcours, ce n’est pas le cas de tous les élèves. Pour beaucoup d’entre eux, et pour leurs parents, la voie technologique est synonyme de voie par défaut qui accueille les élèves en difficulté. C’est une idée reçue. L’objectif de la voie technologique est d’aménager un enseignement proche de l’enseignement général, dans lequel les professeurs viennent agréger une compétence et une connaissance technologique. De même, la voie technologique permet une réelle poursuite d’études après le bac, sans tomber dans le carcan de la spécialité comme peut parfois le produire la filière professionnelle. « Il faut faire attention aux a priori concernant la filière technologique : ce n’est pas un enseignement spécialisé tel qu’on l’a conçu il y a 20 ou 30 ans, commente Philippe Grand, proviseur du lycée général et technologique Gustave Eiffel à Dijon. Ces dernières années, il y a eu une réforme de la voie technologique qui a porté sur sa déspécialisation et sa déprofessionnalisation. Pendant longtemps, il était difficile de faire la différence entre la voie professionnelle et la voie technologique. La partie « production » (ou partie atelier) n’existe plus : les élèves en bleu de travail au milieu de la cour, c’est fini. L’enseignement technologique se veut désormais transversal ».

 

Huit séries, du social à l’hôtellerie

Alors que la voie générale se réduit à trois filières (S, ES, L), la voie technologique se décline en huit séries. Des séries que l’on intègre après une année commune : la seconde générale et technologique. L’élève, qui a déjà une petite idée de son futur métier, choisira donc en fonction de ses projets professionnels. Mais il peut aussi privilégier une série tout simplement parce qu’elle correspond à ses affinités pour certains domaines. L’élève est-il plutôt scientifique ? Il peut jeter son dévolu sur un bac STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) où il apprendra le fonctionnement des machines, de la robotique, de la mécanique, ou sur un bac STL (sciences et technologies de laboratoire), dédié aux biotechnologies et aux sciences physiques et chimiques. Le bac ST2S (sciences et technologies de la santé et du social) le fera travailler sur la biologie, les maladies et le fonctionnement de l’être vivant. Souhaite-t-il plutôt aborder des sujets économiques ? Le bac STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) prépare à l’ensemble des activités tertiaires d’une entreprise ou d’une administration. D’autres possibilités s’offrent encore à lui comme le bac STD2A, le bac STAV (sciences et technologies de l’agronomie et du vivant), qui suit les évolutions du monde agricole, le bac TMD (techniques de la musique et de la danse) ou encore un bac hôtellerie. « Ce qui va caractériser la voie technologique retenue, c’est le projet que travailleront les élèves en première et en terminale, poursuit Philippe Grand. Il constitue la base du bac qu’ils préparent. »

 

Travail en groupe

En effet, spécificité propre à la voie technologique, les enseignements vont s’organiser autour d’un projet commun à une classe, que prépareront les élèves sur une année, par petit groupe. Il englobe souvent plusieurs matières. Ainsi, au lycée Gustave Eiffel, les élèves de la première STI2D ont imaginé un bateau capable de ramasser les déchets sur une eau stagnante (comme un lac par exemple). Ils ont d’abord réfléchi sur l’aspect mécanique qui permettra de récupérer les ordures : faut-il un bras articulé ? Ou plutôt une poulie ? Puis, ils ont étudié le type d’énergie et le type de moteur qui favoriseront la propulsion du bateau. Enfin, ils ont abordé les thématiques numérique et informatique pour envisager le pilotage du bateau. Pendant une année, ils auront consacré une majeure partie de leurs travaux de classe aux différentes étapes de ce projet. Ils ont réfléchi à sa faisabilité, détaillé régulièrement l’avancement du projet à leurs professeurs, tout en justifiant leurs choix. Le tout sur un nombre d’heures très important. Rejoindre la voie technologique ne signifie donc pas travailler moins, mais travailler différemment.

 

HD-396---techno-3-Gagner en autonomie

C’est pourquoi, il ne suffit pas de regarder seulement ses résultats scolaires pour conseiller à un élève de rejoindre la voie technologique. Il faut avant tout étudier son caractère, sa manière de travailler, son appréhension de l’enseignement. Si, déjà en 3e, les cours théoriques l’ennuient, mieux vaut ne pas accentuer cette tendance. Elève à Rouen, Roxane a commencé le lycée en pensant rejoindre une première ES. Finalement, en seconde, elle se rétracte et intègre une première STI2D, espérant casser avec les codes classiques de l’enseignement général. « Travailler un projet sur plusieurs mois, le suivre sur ordinateur, le voir évoluer… C’est bien plus motivant que de suivre des cours sur des documents papier ! De plus, la vie de classe est plus agréable en voie technologique, car grâce aux travaux par groupe, les élèves échangent davantage entre eux », confie Roxane. L’élève gagne alors en autonomie et en capacité d’analyse. De plus, intégrer une voie technologique ne l’empêchera pas de poursuivre des études post-bac de qualité.

 

Et après le bac ?

En effet, la majorité des bacheliers technologiques se dirigent vers l’enseignement supérieur. Outre l’université, ils ont une grande facilité d’accès aux BTS et DUT, parce que ceux-ci sont bien adaptés à la formation technologique. Ils peuvent aussi continuer leurs études avec une Licence Professionnelle avant de rentrer dans la vie active. Mais ils ont la possibilité également de suivre des classes préparatoires aux grandes écoles. Certaines sont « réservées » aux élèves issues de la voie technologique. Trop peu connues, elles permettent pourtant d’élargir encore davantage le champs des possibles aux bacheliers « technos ». Il existe par exemple la TB (Technologie et Biologie pour les bacs STL et STAV), TPC (Technologie, Physique et Chimie pour les bacs STL), TSI (Technologie et Sciences Industrielles pour les bacs STI2D et STL).

« Mon établissement propose aussi des classes préparatoires à l’issue du bac STI2D. L’un des élèves qui l’ont suivi a récemment intégré Polytechnique. De même, l’année dernière, cinq anciens élèves sont entrés à Centrale et aux Arts et Métiers, partage le proviseur Philippe Grand. Les gens pensent souvent que la voie technologique mène uniquement à un enseignement supérieur court et que la voie générale permet les plus longs parcours post-bac. C’est aussi pour cela que les parents ont tendance à privilégier le général pour leur enfant. Mais c’est un raisonnement faux. ».

Selon le proviseur, la légende – tenace ! – qui veut que le bac S ouvre toutes les voies n’est valable que si les résultats de l’élève sont à la hauteur. « La réflexion sur le choix d’orientation doit se centrer sur cette question : « qu’est ce que je souhaite faire plus tard ? » Puis, « quels sont les parcours possibles ? » Aujourd’hui, les étudiants accèdent au métier d’ingénieur par trois ou quatre voies différentes, dont certaines prennent en compte l’obtention d’un bac technologique », rappelle-t-il. Longtemps mal-aimée et mal considérée, la voie technologique peut, elle aussi, être un vrai parcours de réussite.

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ETAT DES LIEUX

Chiffres-clés de la voie « techno »

En 2016 :

- 52,1 % des candidats au baccalauréat ont présenté un bac général, 28,2 % un bac pro, 19,7 % un bac technologique.

- Parmi les bacheliers de la voie technologique :

50 % ont choisi la série STMG, 23 % la série STI2D, 16,8 % la série ST2S, 6 % la série STL, 2 % la série STD2A, 0,2 % la série TMD.

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itw-396---techno-p.donatienINTERVIEW

Philippe Donatien, proviseur du lycée polyvalent Emile Combes à Pons (17)

La filière technologique suppose-t-elle une organisation différente ?

La filière technologique va de pair avec une organisation et un équipement différents, en effet. On ne parle plus de salle de cours traditionnelle, avec le bureau du professeur face à des rangées de tables et de chaises, mais de « laboratoire », avec des îlots et des postes de recherche. L’idée étant d’amener les élèves à travailler sur un projet, ils utilisent beaucoup les ordinateurs, mais aussi des machines telles que des imprimantes 3D. Le travail en laboratoire peut correspondre aux élèves qui se sentent « moins scolaires ». Il répond à une envie d’inventer, d’imaginer, de créer, de développer… plutôt que de seulement apprendre. Les effectifs des classes sont aussi généralement plus réduits que dans la voie générale.

 

La voie technologique souffre-t-elle encore d’une mauvaise image ?

Deux typologies d’élèves choisissent la voie technologique. Il y a ceux qui le font vraiment par choix, car ils y voient quelque chose d’intéressant, qui leur correspond bien. Et il y a ceux qui la rejoignent parce qu’ils n’ont pas le niveau exigé dans la voie générale. La voie technologique reste alors un choix par défaut. Mais ils se trompent : ils n’y arriveront pas davantage en voie technologique car ce n’est pas une filière dans laquelle ils peuvent éviter de travailler.

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ZOOM

Quelles passerelles avec la voie technologique ?

Au lycée, les stages passerelles permettent aux élèves de conforter leur choix ou au contraire de le corriger. Ils facilitent les réorientations d’une série à l’autre et d’une voie à l’autre. Ainsi, ces stages offrent la possibilité de quitter la seconde générale ou technologique pour la voie professionnelle ou de passer de la voie professionnelle aux voies générale et technologique. En première, ils permettent des passages du technologique au général et inversement.

Dans tous les cas, l’élève doit préparer sa réorientation, aidé de son professeur principal et du conseiller d’orientation psychologue (COPsy) de son établissement.

 

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