EDUCATION

Ecole / entreprise : un rapprochement gagnant-gagnant

HD-395---entreprise-2-SIPATrop souvent accusée d’être déconnectée de la réalité du monde du travail, l’Education nationale a décidé de se rapprocher de l’entreprise. Depuis quelques années, elle multiplie les initiatives dans ce sens.

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Longtemps, la découverte du monde de l’entreprise à l’école était réservée aux seuls élèves des filières professionnelles et aux apprentis. Ceux des filières générales et technologiques devaient se contenter du stage d’observation de troisième. Mais, depuis quelque temps, la relation école-entreprise revient sur le devant de la scène.

Un Comité national Ecole-Entreprise (CNEE) a été créé, une circulaire Développer et structurer les relations Ecole-Entreprise a été publiée en novembre dernier et, surtout, un parcours Avenir a été rendu obligatoire à la rentrée 2015 pour tous les élèves de la sixième à la terminale. Désormais, tous les établissements scolaires doivent organiser des événements en relation avec le monde de l’entreprise. Avec ce parcours Avenir, l’Education nationale veut sensibiliser les jeunes à la réalité de la vie professionnelle et leur faire découvrir des métiers auxquels ils n’auraient pas forcément pensé.

 

A la rencontre des professionnels

Chaque année, le ministère de l’Education nationale organise au mois de mars les Semaines de l’industrie, de l’entrepreneuriat au féminin et de l’économie sociale et solidaire. Mais le temps fort se déroule en novembre. A l’occasion de la semaine de la relation Ecole-Entreprise, les rectorats de toute la France organisent des centaines d’actions auxquelles peuvent se joindre les collèges et les lycées qui le souhaitent. Pour les plus jeunes, des rencontres sont organisées avec des professionnels.

Chaque année, le collège Bourillon de Mende (48) organise ainsi l’opération « Le métier de mes rêves » où il invite des professionnels à venir parler de leur métier aux élèves de 6e. En Auvergne, plusieurs centaines de jeunes se rendent chaque année au salon Panorabois à Clermont-Ferrand pour découvrir les métiers de la filière du bois. Des visites d’entreprises sont aussi organisées. L’année dernière, le Club des entrepreneurs d’Héric (44) a emmené 180 élèves de 4e du collège Marcelle-Baron visiter des entreprises de la région. L’année dernière à Rennes (35), 40 classes sont venues visiter le chantier du futur métro.

« Les entreprises voient d’un bon œil ce genre d’initiative car c’est un bon moyen pour elles de transmettre une image positive de leur métier et de casser des préjugés. En se rendant sur place, beaucoup d’élèves sont surpris de voir qu’il est possible de diriger des robots très performants dans les usines ou que travailler dans l’agroalimentaire ne se limite pas à découper de la viande, mais que des ingénieurs à bac+5 y sont aussi recrutés », explique Magalie Bibard, responsable Emploi-Formation au Medef Bretagne, partenaire du rectorat depuis 15 ans.

Les entreprises ont tellement conscience de l’intérêt qu’elles ont à faire découvrir leur filière aux jeunes que certaines ont passé des accords avec l’Education nationale. Schneider Electric, IBM, Airbus mais aussi des organisations professionnelles comme l’Ordre des experts-comptables ou l’Union des industries chimiques organisent régulièrement des visites sur le terrain ou des interventions dans les établissements scolaires.

 

Des métiers de bouche à ceux du numérique

Pour certaines entreprises, cette collaboration est aussi l’occasion d’atteindre un public particulier. Sans cesse à la recherche de bouchers et de boulangers, le groupe Carrefour organise le concours « Je filme le métier qui me plaît » afin de sensibiliser collégiens, lycéens et étudiants, aux métiers de bouche. Orange Ouest a instauré un système de tutorat qui permet à des femmes entrepreneurs de marrainer des lycéennes afin de les encourager à se tourner vers les métiers du numérique. La filière de l’industrie aussi multiplie les actions de sensibilisation en direction des jeunes filles.

« Ces actions vont bien au-delà de la simple recherche d’un métier, précise Yveline Marjot, chargée de mission Relation Ecole-Entreprise à l’académie de Bretagne. Elles permettent aussi, selon les cas, de promouvoir des champs aussi importants que la persévérance scolaire, la lutte contre les discriminations ou la mixité. Avec le Medef Bretagne, nous travaillons aussi beaucoup sur la mobilité en emmenant des élèves de milieu rural visiter des établissements scolaires et des entreprises éloignés de chez eux ».

 

HD-395---entreprise-1-SIPAJusqu’à l’immersion totale

Mais la relation Ecole-Entreprise peut aller bien plus loin. L’année dernière, les élèves du collège des Cèdres, à Castres (81), se sont installés pendant deux jours et demi dans l’entreprise Comau France, spécialisée dans la conception, la réalisation et l’installation de systèmes de production dans le domaine du transport. Ils y ont suivi des cours de SVT, de physique-chimie, de technologie et d’arts plastiques dispensés par leurs enseignants en présence de salariés de l’entreprise. Pour l’occasion, les exercices sur lesquels ils étaient amenés à travailler avaient tous un lien avec l’activité de l’entreprise qui les accueillait.

« Ce genre d’actions demande aux entreprises un gros travail de préparation et un vrai investissement, souligne Magalie Bibard, du Medef. Mais au final, toutes veulent renouveler l’expérience non seulement parce qu’elles ont le sentiment d’avoir fait une action utile pour leur filière, mais aussi parce que de telles opérations permettent à leurs salariés de valoriser leur métier auprès de jeunes réceptifs et créent de l’émulation dans leurs équipes. En plus, on s’aperçoit souvent qu’elles contribuent à faire évoluer l’image qu’ont les entrepreneurs du monde enseignant ».

 

Mini-entreprise

Parfois même, collégiens et lycéens se transforment en de véritables entrepreneurs. Grâce à l’association EPA (Entreprendre pour apprendre), ils créent, le temps d’une année scolaire, leur mini-entreprise. Encadrés par un enseignant, ils trouvent une idée de produit ou de service à commercialiser puis en assurent la conception, la fabrication, la promotion et la vente.

395---Equipe-PoitouPratiqueLes élèves de seconde Commerce du lycée professionnel Raoul-Mortier de Montmorillon (86), par exemple, ont créé l’application gratuite Poitou pratique qui recense des idées de sortie sur la région (voir visuel ci-contre). « Le principe de la mini-entreprise s’intègre parfaitement à la formation dispensée en lycée professionnel, s’enthousiasme Cédric Raveleau, leur professeur d’économie. Grâce à ce projet, ils assimilent sans s’en apercevoir des notions prévues au programme. Et pas seulement en économie. Ils travaillent avec leur professeur de mathématiques sur la facturation et sur le calcul des coûts de revient et avec leur professeur de français, ils apprennent à rédiger des courriers ».

« Grâce à la mini-entreprise, les élèves prennent conscience de l’investissement que cela demande de créer une entreprise, constate pour sa part Joëlle Carru, la représentante de l’EPA dans l’ex-région Poitou-Charentes. Mais cela peut aussi faire naître des vocations chez certains. »

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TEMOIGNAGE

395---entreprise-LaetitiaBaLaëtitia Bac, professeur d’anglais au collège Marcelle-Baron à Héric (44)

« C’est la deuxième année que nous menons un projet de mini-entreprise dans le collège. A la rentrée, 21 élèves de troisième ont été sélectionnés sur la base de leur lettre de motivation et d’un entretien d’embauche avant d’être répartis dans les différents services (production, comptabilité…) avec l’aide de recruteuses d’Adecco. Une directrice a aussi été nommée.

Les élèves se réunissent deux heures chaque semaine, en plus de leurs cours, pour gérer leur entreprise de guirlandes électriques sans colle qu’ils ont conçues et fabriquées eux-mêmes. Comme dans une vraie entreprise, ils ont été amenés à réaliser une étude de marché, à évaluer la faisabilité de leur projet, à calculer les coûts de revient, à rédiger un argumentaire commercial… Ils apprennent aussi à s’adapter. Hier, par exemple, la fabrication a commencé, alors le service Production a demandé à ce que tout le monde mette la main à la pâte. Créer une mini-entreprise donne du sens à leurs apprentissages. »

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ETAT DES LIEUX

Les chiffres-clés de la relation Ecole-Entreprise

Les initiatives en lien avec le monde du travail destinées aux collégiens et aux lycéens ne manquent pas. L’année dernière, plus de 700 actions ont été organisées rien que dans le cadre de la semaine de la relation Ecole-Entreprise ; 5 600 établissements scolaires et 11 000 entreprises y ont participé. Au final, 19 000 enseignants ont été impliqués et plus de 200 000 élèves ont été touchés d’une manière ou d’une autre par l’une de ces actions, selon le ministère de l’Education nationale.

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ZOOM

Une semaine pour développer l’esprit d’entreprise dans les quartiers

Histoire de transmettre l’esprit d’entreprise à tous les jeunes, l’association 100.000 entrepreneurs fait venir des chefs d’entreprise à la rencontre des jeunes des quartiers prioritaires de la quatrième à l’enseignement supérieur.

Organisée en partenariat avec plusieurs ministères dont ceux de l’Economie et de l’Agriculture et les rectorats, l’édition 2017 de la Semaine de l’entrepreneuriat dans les quartiers est placée sous le parrainage de Jean-Jacques Mormeck, ancien boxeur et délégué interministériel pour l’égalité des chances.

Prochaines dates :

Semaine du 3 au 7 avril : Pays de la Loire

Semaine du 10 au 14 avril : Auvergne-Rhône-Alpes

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