MAGAZINE

Accompagner les amours adolescentes

HD-394---amours-1L’adolescence est l’âge des premiers émois amoureux. Premier baiser… mais aussi premier chagrin d’amour. Les parents sont parfois désarmés face à cette étape importante de leur autonomie. Entre intrusion et indifférence, comment trouver la bonne attitude pour les accompagner ?

-

L’amour est une des principales préoccupations des ados… et cette question se fait plus pressante dès le collège, particulièrement pour les filles. « Agathe se languissait d’avoir un amoureux depuis… la 4e ! Depuis qu’elle a un petit copain en 1re, elle a gagné en confiance, elle est plus gaie, plus disposée à aller vers les autres ! », témoigne Fabienne, qui a appris l’existence du petit ami, par inadvertance. « Je ne l’ai pas questionnée et je la laisse m’en parler si elle en a envie. C’est sa vie ! Leur secret fait aussi la beauté de leur relation à cet âge, comme la période de fiançailles dans un autre siècle ! », sourit-elle. Cœur qui bat la chamade, trémolos dans la voix… La joie de plaire, le plaisir de penser à quelqu’un, d’aimer et d’être aimé en retour entraînent un cortège de nouvelles émotions, que les parents doivent respecter. Pour éviter les pires erreurs que sont « l’impudeur, l’intrusion et l’insulte », le pédospychiatre Marcel Rufo rappelle combien « cet excès romantique est merveilleux, comme dans Roméo et Juliette, on comprend qu’ils vivent ces amours de manière passionnée, excessive, avec l’idée d’éternité. On voit même combien certaines personnes, même à 70 ans, restent adolescentes dans leur position ! ».

Si l’amour n’a pas d’âge, l’adolescence est bien l’âge de l’amour. « Mon fils Vincent vit à 16 ans son premier grand amour, tout est beau et magique ! C’est super et ça participe au passage à l’âge adulte, mais on souhaite le préserver pour qu’il ne passe pas toutes les étapes trop vite ! », se soucie Alexandra. C’est « l’affaire » du moment, pour les filles comme les garçons… qui commencent aussi à plus se préoccuper de leur apparence. « Mes garçons ont commencé à passer plus de temps dans la salle de bain, à coordonner leurs vêtements, trouver la bonne coiffure… », commente Annabelle, mère de deux garçons de 19 et 16 ans et d’une fille. « Les filles se mettent plus de pression dès le collège, pour savoir si un garçon est amoureux d’elle, puis sont plus exigeantes sur la qualité et l’intensité de la relation, alors que mes garçons qui s’en sont préoccupés plus tard ne veulent surtout pas que ce soit trop officiel ! ».

 

HD-394---amours-2Relations à risques

Du premier baiser, qui se fait plus précoce (aux alentours de 13 ans) aux premières caresses puis au premier rapport sexuel – dont l’âge moyen, 17 ans, n’a pas changé depuis trente ans –, ces amours adolescentes ont toujours un caractère initiatique. Et désormais les risques ne sont plus les mêmes. Les parents le pressentent, comme Alexandra et son mari qui ont responsabilisé leur fils : « Nous avons reparlé de l’importance de la contraception, tant pour se protéger des MST que pour protéger la jeune fille d’une grossesse non désirée. Nous l’avons mis en garde sur le fait que les deux soient partie prenante, car nous voulons que le moment venu, cela soit un beau moment partagé ». Mêmes rappels de Fabienne auprès de sa fille Agathe « tout ce qui m’importe est que leur relation soit sécurisée et de son plein gré ».

L’histoire perdurant, arrive le moment où l’adolescent demande à ce que son petit(e) ami(e) reste dormir. « Pas question », pour Fabienne, « Nous en avons discuté avec les parents de la jeune fille », raconte Alexandra. Pour Marcel Rufo, l’important est d’avoir un positionnement homogène dans les deux familles et au sein du couple s’il est séparé, et ce, quel que soit le choix des parents : « le refus est aussi positif que l’acceptation ! Lors de la rencontre avec le petit ami, les parents se demanderont pourquoi ce choix », commente-t-il. « Les parents peuvent éprouver rivalité et jalousie vis-à-vis du petit ami qui leur prend leur enfant », explique le psychanalyste Alain Braconnier. Un sentiment naturel qu’il ne faut pas nier mais dont il faut prendre conscience, pour déjà le soigner.

Attention également à ne pas jouer sur la complicité comme une copine/un copain avec son adolescent. « Si je ne veux pas être confidente ni familière, pour garder mon rôle d’autorité, je reste à l’écoute, j’essaye de trouver le juste milieu ! » confie Fabienne. Car rester à sa place de parent, c’est continuer d’assurer un rôle protecteur, sans craindre le conflit. « Il faut savoir dire non, et vite, sur une relation que l’on jugerait dangereuse », rappelle Marcel Rufo. Et, enfin, quand survient la peine de cœur, elle ne doit pas être banalisée (lire ci-dessous).

-

__________

ZOOM

Parents : attention à leur premier chagrin d’amour

Quand survient le chagrin d’amour, les parents doivent faire preuve de la plus grande attention. « Il est capital de ne jamais banaliser la déception amoureuse en prétextant que cela n’est pas grave », insiste Marie Choquet, épidémiologiste. Cet accident de la vie est cité par 48 % des adolescents qui font une tentative de suicide comme un évènement perturbateur, après les mésententes graves avec les parents. « Il faut faire très attention aux garçons qui sont moins loquaces, et risquent de retourner contre eux la douleur qu’ils ressentent, met en garde Marcel Rufo. Je respecte le chagrin des filles mais elles ont cette capacité à le romancer ». L’agressivité, des troubles du sommeil, un désintérêt soudain pour la musique, le sport, les copains… « ce sont des signes d’alerte d’une nuance dépressive qui s’installe après une perte, un chagrin d’amour, il faut être vigilant ».

-

__________

itw394---marcel_rufo-(16)POINT DE VUE

Marcel Rufo, pédopsychiatre

Comment se manifestent les premiers émois amoureux ?

Lorsque l’on parle des amours adolescentes, on envisage la sexualité alors que le premier baiser est la porte d’entrée. Souvent enfoui dans leur jardin secret, il est en général un très beau souvenir alors que la première relation sexuelle n’est pas toujours bien vécue. Ils le vivent de manière très intense autour de 14-15 ans comme le début d’une autonomie corporelle, qui aboutira aux premières relations sexuelles. C’est la clé vers les amours adolescentes.

 

Quelle attitude adopter face au petit(e) ami(e) ?

Si l’adolescent en parle, il faut que les parents apprennent à le(la) connaître, qu’ils demandent à le(la) rencontrer, en l’invitant à manger… Certains s’attacheront beaucoup à ce petit ami, comme à un fils. Ce choix représente une identification ou au contraire marquera une différence par rapport aux parents, et les amènera à réfléchir sur eux. Mais attention si ce petit(e) ami(e) s’avère manipulateur par exemple, et que cette relation ne convient pas, il faut le dire, et très vite. Le non-dit et l’atermoiement sont plus dangereux. Il ne faut pas essayer de l’intégrer ni de le soigner s’il a un problème (dépendance…), les parents ne sont ni thérapeutes ni éducateurs spécialisés !

Ce qui est plus compliqué est de savoir si l’on accepte qu’il(elle) vienne dormir à la maison. L’important est que la position soit commune aux deux familles, qu’il s’agisse d’une interdiction ou d’un accord !

 

Comment aborder la question de la sexualité avec son adolescent ?

Il ne faut surtout pas être intrusif ou impudique, cette sexualité leur appartient. S’il est important de rappeler la protection indispensable contre MST et grossesses non désirées, il peut être plus adapté qu’il aille en discuter seul avec son médecin de famille, pédiatre ou à la maison des adolescents. Et il ne faut pas laisser de côté les garçons qui ont besoin de soutien pour des consultations en andrologie. Après ces premières relations, le rapport parental sera transformé, mais c’est une grande chance, un cap essentiel dans leur autonomie !

-

__________

POUR EN SAVOIR PLUS

Bibliographie

  • Regards croisés sur l’adolescence, Marie Choquet et Marcel Rufo, Anne Carrière, 514 p., 20 euros.
  • Premiers émois, premières amours, de Béatrice Copper-Royer, Albin Michel, 176 p., 13,90 euros.
  • Les Filles et les pères, d’Alain Braconnier, Odile Jacob, 288 p., 23,50 euros.

 

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis