EDUCATION

Enseignants absents : le casse-tête des remplacements

HD-394---absence-siipa-2On estime que chaque année, une semaine de travail est perdue à cause du non-remplacement des professeurs absents. Il est grand temps de prendre des mesures radicales pour changer une situation qui pénalise les élèves et renforce des inégalités.

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Année après année, le remplacement des enseignants absents reste l’un des sujets de préoccupation majeurs des parents d’élèves. En 2016, le problème a même atteint un sommet. Près d’un quart des parents interrogés par la PEEP assuraient qu’à la rentrée, au moins un enseignant manquait dans l’école de leur enfant ! Si, pour certains, le problème s’est résolu rapidement, pour d’autres, il a perduré pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Une situation alarmante qui a amené la PEEP à réclamer la mise en place d’un plan Marshall du recrutement d’enseignants ainsi que l’ouverture d’une cellule de crise pour former des contractuels et financer davantage d’heures supplémentaires.

« Après avoir subi le non-remplacement d’un professeur d’économie en section ES et l’absence d’un professeur de langue pendant un trimestre complet, il nous manque aujourd’hui un professeur d’anglais », déplore Dominique Pinck, présidente de la PEEP de Sarreguemines, en Moselle (57). Dans son gros campus de Coulommiers, en Seine-et-Marne (77), le représentant PEEP a quant à lui recensé 15 enseignants non remplacés sur 233 dès la rentrée. « Depuis, cinq d’entre eux ont été remplacés et des regroupements de filières ont fait économiser des postes supplémentaires, mais début décembre, il manquait toujours quatre enseignants, se désole Frédéric Billard. C’est beaucoup, sachant que, pour chaque enseignant absent, ce sont au moins quatre classes qui sont impactées ».

 

Une crise des vocations

Cette situation s’explique principalement par un manque cruel d’enseignants. « A chaque fois que l’on signale une absence au rectorat, on nous répond qu’il n’y a pas de remplaçant disponible », explique Dominique Pinck. « La situation s’est aggravée à partir du moment où le concours d’enseignant a été réservé aux titulaires d’un bac + 5 au lieu d’un bac + 3, analyse Myriam Menez, la responsable de la PEEP du Val-de-Marne (et secrétaire générale nationale). Aujourd’hui, les enseignants mettent deux ans de plus qu’avant à arriver sur le terrain sans que la formation ne paraisse meilleure. On sait par ailleurs que certains quarantenaires qui aimeraient changer de métier pour devenir enseignants renoncent à ce projet de peur d’être affectés dans un établissement difficile et loin de leur domicile ».

Des recrutements ont bien eu lieu, mais ils sont loin de suffire à compenser les besoins actuels. Quant à la création de 1 500 postes de remplaçants supplémentaires annoncés fin 2016 par la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, ils ne seront pas disponibles sur le terrain avant de nombreux mois (voir la vidéo ci-dessous où la ministre annonce son plan de mesures pour améliorer le remplacement des enseignants absents).

 

HD-394---absence-1Un système de remplacement archaïque

Si les problèmes sont si nombreux, c’est aussi la faute à un système peu efficace. Dans le primaire, les remplaçants se répartissent en deux groupes, d’un côté les « ZIL » (Zone d’intervention localisée) qui interviennent sur les absences de moins de 2 semaines dans un rayon de 20 km autour de leur établissement de rattachement, et de l’autre les « BD » (Brigade départementale) qui peuvent être envoyés dans tout le département pour des remplacements plus longs. L’ennui, c’est qu’il n’est pas rare que des écoles manquent de personnel alors que des remplaçants sont disponibles mais qu’ils ne peuvent pas être mobilisés faute d’appartenir à la bonne brigade ou parce que l’établissement est trop éloigné de leur lieu de rattachement. Pour remédier à ce problème, la ministre de l’Education nationale a annoncé son intention de créer un vivier unique de remplaçants plus à même, selon elle, de répondre aux besoins.

 

Manque d’anticipation

Dans le secondaire, c’est encore plus compliqué. Dans la plupart des cas, il revient au principal ou au proviseur de pallier les absences, soit en reportant les cours, soit en les faisant assurer par un collègue enseignant la même matière. Malheureusement, cette solution n’est pas toujours envisageable, le plus souvent pour des questions d’emploi du temps, mais pas seulement. « Les professeurs d’un établissement ont déjà refusé de remplacer un de leurs collègues de physique car ils estimaient que cela aurait fait le jeu du rectorat. Ils sont finalement revenus sur leur décision deux mois plus tard car ils ne voulaient pas pénaliser davantage les élèves », se souvient Dominique Pinck.

Au collège et au lycée, seules les absences de plus de 15 jours sont prises en charge par le rectorat. Mais là aussi, les remplaçants manquent et le système grince. « Certains des 15 postes manquants étaient le fait de mutations et de départs en retraite qui n’avaient pas été pris en compte, souligne Frédéric Billard. Il y a un manque évident d’anticipation des services de l’Education nationale ».

En Moselle, Dominique Pinck a vécu la même expérience : « Alors que le principal d’un collège avait prévenu la direction académique trois mois à l’avance, une enseignante partie en congés maternité n’a pas été remplacée pendant 3 semaines ». « Il arrive aussi que les chefs d’établissement ne transmettent pas l’information comme il le faudrait à leur hiérarchie, constate Myriam Menez. Depuis que nous faisons systématiquement remonter les absences au rectorat, la situation s’est améliorée ».

 

HD-394---absence-sipa-3Les vacataires en dernier recours

Pour pallier le manque de remplaçants, le recours à des vacataires est souvent envisagé. Ces personnels, recrutés par le biais de Pôle Emploi ou de petites annonces, se retrouvent alors du jour au lendemain face à des élèves. Mais sans formation ni expérience, les résultats n’ont rien de miraculeux. « Les vacataires sont à l’origine de nombreux signalements des parents, ajoute Myriam Menez, que ce soit pour des questions de compétence, des problèmes de gestion de classe, d’absentéisme, parfois même de comportement ou de langage ». Sans parler du fait qu’un vacataire peut refuser un poste parce qu’il est trop éloigné de son domicile ou mettre fin à son contrat sans préavis.

L’état des lieux est inquiétant et une chose est sûre : la situation ne s’améliorera pas sans une réelle volonté politique et un travail de longue haleine. Outre le recrutement d’enseignants supplémentaires et la réforme des systèmes de remplacement, la ministre a annoncé son intention de réactiver un protocole de remplacement des absences de courte durée datant de 2005… mais qui n’a jamais été opérationnel ! Elle a également promis de publier chaque année des indicateurs sur le nombre d’absences et de faire en sorte de mieux accompagner les enseignants à l’origine d’arrêts trop fréquents. Si ces mesures vont dans le bon sens, elles ne suffiront pas à inverser la tendance. Il est pourtant grand temps de trouver enfin des solutions à la hauteur du problème. « Nous n’arrêtons pas d’envoyer des courriers et de passer des coups de téléphone pour signaler des absences et réclamer des remplaçants. Nous allons même jusqu’à médiatiser certaines situations pour faire bouger les choses, mais nous commençons à nous décourager », se désole Dominique Pinck.

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ETAT DES LIEUX

17,2 jours d’absence par an en moyenne

Avec 6 à 7 jours par an d’absence pour cause maladie, les enseignants se situent dans la moyenne des fonctionnaires. Mais si on y ajoute les temps de réunion, de formation, d’encadrement des sorties ou encore d’organisation et de surveillance des examens, l’absence moyenne des enseignants bondit à 17,2 jours par an. D’après les chiffres officiels, 97 % des absences longues font l’objet d’un remplacement, mais seulement 62 % des absences courtes. Ce taux chute même à 38 % dans le seul secondaire.

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itw394-PhilippeVincentPOINT DE VUE

Philippe Vincent, proviseur au lycée Jean-Perrin de Marseille (13) et secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de direction (SNPDEN)

« Si les absences longues prévues à l’avance sont plutôt bien remplacées par le rectorat, il n’en est pas toujours de même pour les absences courtes, y compris lorsque celles-ci sont engendrées par l’administration elle-même, comme les formations, les réunions de préparation des sujets d’examen ou l’encadrement des épreuves du bac entre autres. Dans les lycées plus que dans les collèges, les enseignants s’arrangent pour rattraper leurs cours ou s’organisent avec leurs collègues pour se faire remplacer. Le plus compliqué à gérer, c’est quand l’absence nous est signalée à la dernière minute, en cas de maladie ou d’enfant à garder, par exemple. Le remplacement est alors très aléatoire. Au lycée, où les élèves sont plus aptes à se prendre en charge, les conséquences sont un peu plus faciles à gérer que dans les collèges qui sont soumis à une obligation de surveillance des élèves. Les salles d’étude peuvent alors vite se remplir et le personnel encadrant peut être confronté à des difficultés de prise en charge des élèves dès que plusieurs enseignants sont absents en même temps. »

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ZOOM

Tous les moyens sont bons pour recruter !

De plus en plus d’établissements se tournent vers Internet et notamment vers le site Leboncoin.fr pour trouver des remplaçants. A Vigneux-sur-Seine, dans l’Essonne (91), un professeur de technologie absent depuis 2 mois a été remplacé une semaine après la publication d’une annonce par les parents d’élèves. Avant cela, un collège d’Ille-et-Vilaine (35) avait trouvé le professeur de mathématiques qui lui manquait par le même biais.

Cette situation s’est reproduite un peu partout en France. Réticente au départ, la hiérarchie a fini par laisser faire.

 


7 mesures pour améliorer le remplacement… par EducationFrance

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