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Alcool, tabac, cannabis : la prévention à un tournant

hd-393-alcool-2Les chiffres encourageants de la consommation de tabac, d’alcool et de cannabis chez les jeunes tendent à valider le virage pris ces dernières années en matière de prévention. Pour autant, tout est loin d’être réglé.

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A en croire la dernière étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), le nombre de lycéens fumant tous les jours aurait diminué de 24 % entre 2011 et 2015. Quant à ceux qui boivent régulièrement de l’alcool, leur nombre aurait baissé de 30 % sur la même période. A la fin de la terminale, 28 % des jeunes fumeraient plus de 10 cigarettes par mois et 21 % prendraient de l’alcool de manière occasionnelle. Si l’âge moyen de la première cigarette est resté stable, le taux de collégiens de 4e et de 3e fumant quotidiennement a lui aussi baissé, passant de 11,8 % à 8,9 %. Les garçons sont aussi moins nombreux à avoir déjà bu de l’alcool en classe de 6e (55 % en 2015 contre 65 % en 2011).

Quant au cannabis, sa consommation se serait stabilisée après des années de hausse continue. Aujourd’hui, 7,7 % des lycéens fumeraient un joint tous les jours. Les jeunes seraient même un peu moins nombreux qu’avant à tenter l’expérience : 44 % des lycéens auraient déjà fumé un joint en 2015, contre 49 % en 2011.

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Des actions d’un nouveau genre

L’augmentation régulière du prix des paquets de cigarettes et l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs ont sans aucun doute participé à cette inflexion de tendance. Le déploiement d’outils de prévention plus modernes et plus adaptés y participent également. A Montreuil (93), par exemple, les animateurs du Service municipal de la jeunesse (SMJ) organisent des ateliers pendant lesquels les collégiens peuvent se rendre compte par eux-mêmes des effets de l’alcool ou de la drogue sur leurs perceptions en chaussant une paire de lunettes réduisant leur champ de vision. A Suresnes (92), le Point information jeunesse (PIJ) mise sur des pièces de théâtre pendant lesquelles des comédiens invitent les élèves présents dans la salle à intervenir et à confronter leurs idées sur les phénomènes d’addiction.

Depuis la rentrée 2016, tous les établissements scolaires de France, du primaire au lycée, sont tenus de recenser leurs actions en matière de prévention et de protection des élèves au sein d’un « Parcours éducatif de santé » (lire à ce sujet notre dossier « Parcours éducatifs ») ; un document qui doit être communiqué aux parents.

 

hd-393-alcool-1Nouveaux messages

Si les outils de prévention ont évolué, les messages qu’ils diffusent ont changé eux aussi. « Pendant longtemps, la prévention se limitait à énumérer les risques pour la santé et à rappeler l’interdiction de la consommation de cannabis. Ce message ne passait pas auprès des jeunes, se souvient Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de la Fédération Addiction. Aujourd’hui, nous avons une approche plus globale qui insiste beaucoup sur les compétences psycho-sociales. Nous donnons par exemple des clés aux jeunes pour prendre leurs propres décisions, nous les incitons à défendre leur point de vue, nous leur apprenons à se détacher du groupe. C’est nettement plus efficace pour lutter contre les addictions ».

« Quand j’anime des groupes, j’amène les participants à s’interroger sur leur consommation, sans nier le côté festif, explique pour sa part Romy Impedovo, infirmière à l’Association de formation et de prévention du risque alcool (AFPRA) à Mulhouse (68). Je les fais par exemple réfléchir sur les raisons qui les poussent à continuer de fumer alors que la première cigarette qu’ils avaient prise les avait fait tousser ou vomir ».

 

Les adultes en première ligne

Cette toute nouvelle approche s’accompagne d’un gros effort de formation à destination des professionnels en contact avec les jeunes, qu’ils soient enseignants, animateurs ou personnels éducatifs. « Nous voulons les sensibiliser à l’importance de détecter tôt les jeunes susceptibles de souffrir d’addiction et leur donner des outils pour les convaincre de se rendre dans nos Consultations jeunes consommateurs (CJC), des lieux d’accueil anonymes et gratuits où des professionnels informent et conseillent les jeunes et leur entourage sur toutes les formes d’addictions », explique Jean-Pierre Couteron.

Les parents aussi ont un rôle important à jouer en matière de prévention. « S’ils se posent des questions, il faut qu’ils en discutent avec leur enfant, qu’ils essaient d’en savoir plus sur sa consommation et sur les raisons qui le poussent à boire ou à fumer, conseille Romy Impedovo. Ils ne doivent pas non plus hésiter à lui faire part de ce qu’ils ressentent, lui dire qu’ils sont inquiets, déçus, en colère. Ils doivent surtout instaurer un cadre clair et ne pas y déroger, quitte à aboutir à des sanctions. Quoi qu’ils en disent, les jeunes sont à la recherche de limites claires et se sentent rassurés quand ils constatent que leurs parents s’inquiètent pour eux. Surtout, quoi qu’il arrive, il ne faut jamais rompre le dialogue ».

« Des parents inquiets peuvent avoir de mauvais réflexes, alerte Jean-Pierre Couteron. C’est pourquoi nous préférons qu’ils se tournent rapidement vers des professionnels. Qu’ils n’hésitent pas à se rendre dans une Consultation jeunes consommateurs, seuls ou accompagnés de leur enfant s’il est d’accord. Nous apporterons des réponses à leur questions, nous les rassurerons et nous les aiderons à communiquer avec leur fils ou leur fille ».

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ZOOM

Les tests salivaires sur les rails

La région Ile-de-France a voté il y a peu le financement de tests salivaires de dépistage de drogue et d’éthylotests, voulu par la présidente Valérie Pécresse. Les chefs d’établissement qui le souhaitent pourront prochainement s’en procurer à des fins de diagnostic. Seule la famille (ou le lycéen s’il est majeur) aura connaissance des résultats individuels.

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La cigarette électronique délaissée

A l’image du tabac, l’OFDT a aussi constaté un recul de la chicha. En 2015, moins d’un lycéen sur deux (47,3 %) disait avoir déjà fumé du tabac par le biais de cette grande pipe à eau. Ils étaient 60 % en 2011. Quant à la cigarette électronique, elle fait toujours autant l’objet de curiosité. Un tiers des lycéens disent avoir déjà essayé de vapoter, mais nombreux sont ceux qui finissent par se (re)tourner vers la cigarette.

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itw-393-daniele-jourdain-meTEMOIGNAGE

Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca)

« La baisse de la consommation d’alcool et de tabac et la stabilisation de celle du cannabis résultent du tournant que nous avons pris en matière de prévention. Depuis quelque temps, en effet, nous nous inspirons de nouvelles méthodes qui ont prouvé leur efficacité. La Mildeca finance par exemple la diffusion de messages sur les smartphones ainsi que des projets de vidéos ou de webséries réalisées par des lycéens pour les autres lycéens : c’est la prévention par les pairs. Le message passé lors des interventions dans les établissements a également évolué. Si les jeunes sont mis en garde contre les risques de la consommation des drogues, nous les armons pour résister à la pression des copains, pour renforcer leur estime d’eux-mêmes, pour mieux gérer leur stress, etc. Outre les Consultations Jeunes Consommateurs, nous menons, avec la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) des actions à destination des familles et nous allons bientôt expérimenter de nouvelles méthodes de lutte contre les trafics autour des établissements scolaires. »

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