DOSSIER

Rentrée 2014-2015 : quelles nouveautés ?

L’année scolaire 2014-2015 va s’ouvrir dans un contexte particulier. Elle intervient quelques mois seulement après la publication d’une enquête Pisa montrant un accroissement inquiétant en France des inégalités entre les bons et les mauvais élèves. Surtout, la rentrée 2014 sera la première de Benoît Hamon. Le nouveau ministre de l’Education nationale, nommé en avril dernier, sera amené à mettre en œuvre une série de mesures issues de la loi du 8 juillet 2013 sur la refondation de l’école lancée par son prédécesseur. Cette mission sera d’autant plus délicate que le ministre n’est pas le seul à avoir changé. Dans le même temps, un nouveau Directeur général de l’enseignement scolaire a été nommé (lire son interview plus bas) et le Conseil supérieur des programmes (CSP) a lui aussi changé de tête. Benoît Hamon a déjà assuré qu’il mettrait ses pas dans ceux de son prédécesseur, mais nul doute que la nouvelle équipe cherchera aussi à imprimer sa propre marque.

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La rentrée 2014 sera marquée par de nouvelles dispositions issues de la loi sur la refondation de l’école du 8 juillet 2013, dont certaines vont profondément modifier les habitudes des enseignants et des familles.
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L’heure de vérité pour les nouveaux rythmes scolaires
C’est sans aucun doute la réforme qui génère le plus de craintes. A partir de la rentrée, finie la semaine de 4 jours. Tous les élèves de primaire iront désormais à l’école quatre jours et demi par semaine. Si le temps d’enseignement reste de 24 heures par semaine, il sera dorénavant réparti sur 9 demi-journées au lieu de 8. Quelques communes ont fait le choix du samedi matin, mais dans la très grande majorité des cas, c’est le mercredi matin qui sera travaillé. Chaque journée d’école ne devra pas dépasser 5 h 30 (3 h 30 pour la matinée supplémentaire). La pause du midi, elle, ne pourra être inférieure à 1 h 30. Cette nouvelle organisation a pour objectif de renforcer l’attention et la concentration des enfants tout au long de la journée. Après les cours, les mairies sont censées proposer aux élèves des activités périscolaires (sport, activités culturelles ou artistiques, etc.). C’est là que le bât blesse. La plupart des communes dénoncent le coût élevé de la mise en oeuvre de ces activités et leur difficulté à recruter des animateurs, auxquels s’ajoutent des problèmes logistiques liés au transport ou à la cantine. Résultat : un grand nombre d’entre elles vont se contenter de prolonger la garderie ou feront payer aux parents l’accès aux activités périscolaires. Benoît Hamon a bien apporté quelques assouplissements au projet initial en donnant notamment la possibilité aux maires qui le souhaitent de regrouper les activités périscolaires sur une demi-journée. Il a également promis que des aides financières seraient reconduites et que les communes qui le souhaitent pourraient réduire d’une heure le temps de travail hebdomadaire en échange d’un raccourcissement des vacances. Ces annonces sont loin d’avoir tout réglé. Certains maires ont d’ores et déjà annoncé qu’ils n’appliqueraient pas la réforme, quitte à se mettre hors-la-loi. En réponse, le ministre a promis des actions en justice contre les communes récalcitrantes.
Comme nous l’avons fait régulièrement dans ces colonnes, nous reviendrons naturellement sur la généralisation de ces nouveaux rythmes scolaires, qui sont loin de recueillir l’approbation générale, notamment de la part des parents d’élèves, comme l’a montré la PEEP dans une récente consultation où 63 % des parents ayant des enfants en primaire se sont prononcés pour l’abandon de cette réforme.
En attendant, vous pouvez consulter les horaires de l’école dans votre commune sur le site mis en place par le ministère à l’adresse : www.5matinees.education.gouv.fr.
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Un renforcement de la lutte contre les inégalités
C’était l’une des conclusions les plus frappantes de la dernière enquête PISA sur le niveau des élèves des pays de l’OCDE. Si la France continue à avoir de bons élèves, elle doit faire face à une recrudescence inquiétante du nombre d’élèves en grande difficulté. Face à ce constat, le nouveau ministre de l’Education nationale a proclamé son intention de faire de la lutte contre les inégalités l’une de ses grandes priorités.
Dès la rentrée prochaine, les établissements de 102 Réseaux d’éducation prioritaires (REP+) se verront attribuer un enseignant supplémentaire (opération « Plus de maîtres que de classes ») chargé de travailler auprès des élèves les plus en difficulté afin de les aider à acquérir les apprentissages de base, notamment en lecture et en compréhension. Dans ces zones, les enfants pourront être scolarisés avant même qu’ils aient atteint l’âge de 3 ans et les élèves de 6e bénéficieront d’un « accompagnement continu » jusqu’à 16 h 30, les heures de permanence étant mises à profit pour les aider à faire leurs devoirs ou leur faire acquérir une méthodologie. Ces mesures ont vocation à être étendues aux autres REP+ à la rentrée 2015 puis à l’ensemble des réseaux prioritaires l’année suivante. Et ce n’est pas tout. Dès la rentrée 2014, les enseignants de REP+ bénéficieront de temps supplémentaire pour se former et pour travailler en équipe. Leur indemnité d’exercice en éducation prioritaire sera doublée.
Le ministre a également annoncé la création d’internats de proximité pour les collégiens, un système de tutorat pour les enseignants, le recrutement de 500 assistants de prévention et de sécurité supplémentaires ainsi qu’une augmentation du nombre de postes d’infirmiers et d’assistants sociaux. Les efforts menés dans le secondaire pour lutter contre le décrochage scolaire seront poursuivis.
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Un programme de primaire « ajusté »
La refonte complète des programmes de primaire n’est pas prévue avant 2016. Pour autant, le Conseil supérieur des programmes (CSP) a publié au printemps dernier une série de recommandations à mettre en œuvre dès la rentrée 2014.
En français, par exemple, la circulaire demande aux enseignants de CP et de CE1 de diversifier au maximum les types de textes à lire et de rendre quotidienne la pratique de l’écriture cursive. Les maîtres devront par ailleurs, encore plus qu’aujourd’hui, insister sur la maîtrise du passé composé, de l’imparfait et du futur ou des notions lexicales (synonymes, antonymes…).
En mathématiques, les élèves devront avoir compris le fonctionnement des opérations et savoir compter jusqu’à 1 000 à la fin du CE1. Les années suivantes, ils devront impérativement apprendre à tracer des angles droits avec un gabarit ou encore calculer l’aire d’un rectangle. La circulaire insiste aussi sur le passage par des représentations réelles pour inculquer certaines notions. Les enseignants devront ainsi, plus que jamais, s’appuyer sur l’utilisation de contenants pour découvrir les volumes ou passer par des problèmes de la vie courante pour apprendre à remplir les tableaux. Le texte ne se contente pas de recenser les notions à apprendre. Il précise aussi celles qui seront abordées au collège et sur lesquelles il n’est donc pas utile d’insister en primaire.
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Une transition en douceur vers le collège
Malgré quelques avancées, le passage en sixième reste un moment délicat pour de nombreux élèves. Pour éviter que certains ne décrochent, la loi sur la refondation de l’école a imposé la création, dans chaque secteur, d’un conseil école-collège. Cette structure, composée de professeurs des écoles et des collèges et présidée par l’inspecteur chargé de la circonscription, a pour but de favoriser les échanges entre les équipes et de renforcer la cohérence entre le primaire et le secondaire. Les enseignants peuvent ainsi, deux fois par an, partager leurs expériences mais aussi proposer au conseil d’administration du collège et aux conseils des écoles la mise en place de projets pédagogiques communs. A partir de la rentrée 2014, chaque secteur devra avoir mis sur pied son conseil école-collège, mais certains sont déjà actifs depuis plusieurs mois. Au collège Anne Frank d’Illzach (68), par exemple, les enseignants du collège envisagent de mettre en place à l’attention des élèves de CM2 un atelier théâtre, un travail sur l’antiquité basé sur les bandes dessinées d’Astérix ou encore l’illustration du règlement intérieur. Au collège du Verney à Sallanches (74), le conseil prévoit des rencontres musicales entre écoliers et collégiens ou encore un travail en commun à l’occasion du printemps des poètes.
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De nouvelles filières dans le supérieur
La rentrée universitaire sera marquée par une diminution du nombre de mentions de licence générale. Il ne subsistera que 45 intitulés, contre 320 jusque-là. Ces intitulés seront communs à l’ensemble des universités françaises. Les licences seront désormais réparties en 4 grands domaines d’études : arts, lettres et langues ; sciences humaines et sociales ; droit, économie et gestion ; sciences, technologies et santé.
Autre nouveauté : la naissance d’un BTS Systèmes numériques (SN) issu de la fusion des BTS IRIST et SE. Celui-ci a vocation à couvrir le domaine de l’informatique industrielle et embarquée. Deux options seront proposées : une option Informatique et réseaux (IR) qui mènera aux métiers de technicien ou d’administrateur réseaux et une option Electronique et communication (EC) plus tournée vers la maintenance (technicien de maintenance en informatique, technicien électronicien…).
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REPERES

La rentrée décalée

Elle devait avoir lieu le 1er septembre. La rentrée des élèves se fera finalement le lendemain, le mardi 2 septembre. Cette décision prise lors du Conseil supérieur de l’éducation du 16 mai dernier est la conséquence du report de la pré-rentrée des enseignants du vendredi 29 août au lundi 1er septembre. Le ministre de l’Education nationale, Benoît Hamon, a expliqué ce décalage par des soucis de gestion informatique des contrats des nouveaux enseignants, mais plusieurs syndicats d’enseignants se sont vantés d’être à l’origine de cette demande. Cette journée ne sera finalement pas rattrapée au cours de l’année.
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ZOOM

Vers une évaluation plus « positive »

Et si les notes disparaissaient ? Le 24 juin dernier, le ministre a annoncé sa volonté de remettre complètement à plat le système d’évaluation et lancé une grande consultation sur le sujet. L’évaluation fait depuis longtemps l’objet de nombreuses critiques. Sous sa forme actuelle, elle n’aide pas suffisamment les élèves à identifier leurs erreurs, ne permet pas de rendre compte des progrès réalisés et peut même être à l’origine de découragement chez certains élèves. En attendant cette grande réforme, des adaptations pourraient voir le jour dès cette année. Dans sa circulaire de rentrée, le ministre de l’Education nationale a demandé aux enseignants de mieux expliquer leur notation et de pointer les progrès réalisés plutôt que de souligner les erreurs et les carences, de manière à encourager les élèves et faire en sorte que l’évaluation soit plus simple et compréhensible par les familles.
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A SAVOIR

Les « nouveaux maîtres » sur le terrain

A la rentrée 2014 vont arriver dans les écoles les premiers stagiaires issus de la nouvelle formation des maîtres. Après avoir été recrutés sur concours, ils vont intégrer les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), qui remplacent les IUFM, où ils suivront pendant un an une formation alternant des cours théoriques et des stages sur le terrain. Le gouvernement compte beaucoup sur cette formation remaniée pour relever le niveau des enseignants.
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Retour de l’histoire-géographie en terminale S

Dans le cadre de la réforme du lycée, l’histoire-géographie redevient obligatoire en terminale S. Cette matière fera désormais l’objet d’une évaluation à l’épreuve terminale du baccalauréat et non plus lors des épreuves anticipées de fin de première.
Des dispositions transitoires sont prévues pour les élèves qui auront échoué au baccalauréat 2014.
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A VENIR…

2014-2015 : année de concertation

Les prochains mois s’annoncent chargés pour le Conseil supérieur des programmes (CSP). Alors qu’il vient de remettre au ministre ses conclusions concernant la refonte du socle commun de connaissances et de compétences et la réforme des programmes de l’école maternelle, le CSP doit terminer pour le mois de septembre son projet de référentiel du parcours d’éducation artistique et culturelle. Dans la foulée, il travaillera sur d’autres sujets majeurs, notamment la refonte des programmes de l’école élémentaire et du collège que le ministre attend en janvier prochain.
Tout au long de l’année seront aussi organisées des phases de consultation auprès des équipes enseignantes de manière à ce que de nouveaux programmes entrent en vigueur à la rentrée 2015. Le CSP devra, en outre, créer des actions de formation spécifique ainsi que des supports pédagogiques à l’attention des enseignants.
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ZOOM

Des frais de scolarité en hausse pour les futurs ingénieurs

Télécom ParisTech, Télécom Bretagne, Télécom SudParis mais aussi les écoles des Mines de Paris de Saint-Étienne, Alès, Douai, Nantes et Albi-Carmaux… A la rentrée, les droits de scolarité de ces neuf écoles d’ingénieurs publiques dépendant du ministère du Redressement productif vont passer de 850 euros à 1 850 euros. A cette somme pourront aussi s’ajouter des frais de scolarité.
Cette flambée des coûts est censée compenser en partie la stagnation, voire la baisse, des subventions accordées par l’État. Seuls les nouveaux étudiants sont concernés par cette hausse des droits d’inscription. Ceux qui sont déjà inscrits paieront les mêmes frais que les années précédentes. Quant aux étudiants boursiers, ils continueront à en être exonérés.
Rappelons que les frais d’inscription en DUT et en licence, par exemple, s’élèvent à 184 euros pour la rentrée universitaire 2014-2015.

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GRAND TEMOIN

Florence Robine, Directrice générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)

 

 

 

La Voix des parents : Les parents ont-ils raison d’être inquiets de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires à la rentrée ?

Florence Robine : Le ministre a été très clair sur le fait que 100 % des communes appliqueront les nouveaux horaires à partir de la rentrée. Et ce pour une bonne raison : ce sont les recteurs d’académie, et pas les maires, qui fixent les horaires d’école, conformément à la loi sur la refondation de l’école. Les maires sont tenus de mettre à leur disposition les moyens nécessaires. Il est aussi de leur responsabilité de mettre en place des activités péri-éducatives après les cours. Il se peut que certains ne le fassent pas. Je le regrette. Heureusement, dans la très grande majorité des cas, la nouvelle organisation a été mise en place de manière concertée avec les communes. Il peut y avoir des blocages ici ou là, mais j’ai bon espoir que, d’ici la rentrée, l’esprit de responsabilité reprenne le dessus. Il en va de l’avenir de nos enfants. C’est pour prendre en compte leur rythme plutôt que celui des adultes que cette réforme est menée.


VDP : Plusieurs études montrent que le niveau des élèves ne cesse de faiblir. Qu’allez-vous mettre en œuvre pour inverser cette tendance ?

F.R. : Il est grand temps de s’occuper des contenus. Le travail de refonte des programmes de l’école élémentaire, de la maternelle et du collège a déjà débuté. Il aboutira dans les mois qui viennent. Nous devons mieux organiser l’enseignement et accompagner plus efficacement les élèves. La nouvelle formation des enseignants va aussi porter ses fruits. Les premiers stagiaires, qui vont arriver sur le terrain cette année, vont bénéficier d’une formation à la fois théorique et pratique et d’un meilleur accompagnement. La réforme de l’éducation prioritaire est aussi un chantier formidable car elle donne des moyens supplémentaires aux établissements et du temps de concertation aux enseignants afin qu’ils mènent une réflexion sur leurs pratiques. Il ne faut pas non plus avoir peur de modifier la carte de l’éducation prioritaire. Nous allons nous y atteler.


VDP : La plupart de ces réformes ont été lancées avant votre arrivée. La direction qui a été prise est-elle la bonne ?

F.R. : Si je suis là, c’est que je crois profondément en la réussite de ce projet. Depuis le temps que je travaille dans l’éducation, je connais les difficultés des écoles et des familles. Je sais ce dont elles ont besoin. Je vais poursuivre le travail engagé tout en y apportant mes propres convictions. C’est le cas en matière d’évaluation par exemple. Comme le ministre, je souhaite la faire évoluer pour la rendre plus efficace et plus valorisante pour les élèves. Même si le processus est lent, l’école est en train de changer. Il faut faire preuve de patience, de force de conviction, d’ambition ainsi que d’une certaine souplesse sans lâcher sur les objectifs.

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BIO

Normalienne et agrégée de sciences physiques, Florence Robine est devenue inspectrice générale en 2004. Après avoir été successivement rectrice des académies de Guyane, de Rouen et de Créteil, elle a été nommée directrice générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) le 7 mai dernier. C’est elle qui est en charge d’élaborer la politique éducative et pédagogique et d’assurer la mise en œuvre des programmes d’enseignement des écoles, des collèges, des lycées et des lycées professionnels. Agée de 55 ans, c’est la première femme à occuper ce poste.

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