DOSSIER

DOSSIER : La santé à l’école

A côté de l’apprentissage des mathématiques, du français ou de la physique, l’école a une autre mission : apprendre aux jeunes à prendre soin de leur santé. Tout au long de leur scolarité, de la première année de maternelle au lycée, les élèves sont sensibilisés à de nombreux sujets liés au respect de leur corps, de l’hygiène aux maladies sexuellement transmissibles en passant par l’alimentation. Parce qu’elle voit passer des générations entières, l’Ecole est sans aucun doute la mieux placée pour alerter les élèves sur l’importance de prendre soin d’eux, les prévenir des risques qu’ils encourent et répondre aux questions qu’ils se posent. C’est aussi un lieu stratégique où peuvent être détectées des situations de danger. Pour aller jusqu’au bout de sa mission, l’Education nationale a mis en place une politique de santé scolaire complète à laquelle participent à un degré divers tous les membres de l’équipe éducative. Parce que pour être bien dans sa tête, il faut être bien dans son corps.

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Pour bien apprendre, il faut être en bonne santé. Alors parmi toutes les missions qui lui sont confiées, celle de veiller à la santé des jeunes Français est certainement l’une des plus importantes. L’Education nationale y consacre de lourds moyens, notamment humains. 7 500 infirmières soignent au jour le jour les petits bobos, écoutent les états d’âme des collégiens et des lycéens, assurent le suivi de leurs traitements… 1 500 médecins scolaires diagnostiquent les pathologies susceptibles de perturber la scolarité des élèves. Des assistantes sociales et des psychologues scolaires complètent le tableau. Sans oublier les enseignants, souvent en première ligne. « Il m’arrive de conseiller aux parents d’aller voir un spécialiste parce que je trouve que leur enfant voit ou entend mal, ou parce que je soupçonne des problèmes d’orthophonie. J’y suis particulièrement attentive car j’ai déjà pu voir à quel point ces petits problèmes pouvaient générer de gros soucis d’apprentissage », alerte Murielle, enseignante en CM1.
Pour encadrer ces interventions, un Projet d’accueil individualisé (PAI) est mis en place en cas de pathologie chronique, d’allergie ou d’intolérance alimentaire. Ce document, élaboré par le chef d’établissement et le médecin scolaire à la demande de la famille, consigne tous les aspects de la prise en charge de l’élève malade, des médicaments à administrer aux soins à réaliser en cas d’urgence en passant par le régime alimentaire et les aménagements à apporter en classe pour l’aider à suivre au mieux sa scolarité (lire encadré).
Une visite médicale obligatoire à 6 ans
Le suivi des élèves débute dès l’entrée en maternelle, lorsque le directeur de l’école s’assure que chaque enfant est bien vacciné contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche. Au cours de son année de grande section de maternelle ou de CP, l’enfant passe aussi devant un médecin scolaire pour une visite obligatoire destinée à repérer d’éventuels problèmes visuels ou auditifs, à détecter les troubles du langage et les premiers signes d’obésité, à mettre à jour des difficultés de comportement susceptibles de perturber les apprentissages… Plus ces problèmes sont détectés tôt, plus ils peuvent être traités efficacement.
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De la sensibilisation dès la maternelle
Tout au long de sa scolarité, chaque élève bénéficie aussi d’actions de prévention et de sensibilisation dont les thèmes sont listés dans une circulaire de 2011 (n° 2011-216) et répertoriés dans le projet d’école ou le projet d’établissement. Les enseignants peuvent les aborder eux-mêmes ou bien faire appel à des intervenants extérieurs, qu’il s’agisse de pompiers, d’animateurs recrutés par la mairie ou de représentants d’associations agréées. Exposition, débat, conférence, séance de cinéma… peu importe la forme, l’essentiel est que le message passe.
Cette sensibilisation à la santé commence dès le plus jeune âge. Ainsi, apprendre à se laver les mains régulièrement et à jeter son mouchoir en papier après s’en être servi fait partie du programme de maternelle. A Colombes (92), par exemple, tous les enfants scolarisés bénéficient au cours de leur année de CP d’une sensibilisation à l’hygiène bucco-dentaire organisée par la commune grâce à un partenariat avec la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
Dans le même esprit, des animateurs du service Prévention santé de la ville conduisent dans les écoles des actions sur le sommeil, l’hygiène corporelle et l’alimentation. L’éducation à la nutrition  peut, elle, passer par des séances de découverte des fruits et légumes, par des cours de cuisine, par la distribution d’affiches sur les repères nutritionnels ou par la distribution du guide « J’aime manger, j’aime bouger ».
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Les parents impliqués
Dans le secondaire, chaque établissement possède son Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC). Cet organe présidé par le chef d’établissement et dans lequel siègent des membres de l’équipe éducative ainsi que des représentants des parents, des élèves et de la commune, est chargé de réfléchir à la mise en œuvre d’un programme d’actions liées à la santé en s’appuyant sur les problématiques qui se posent au sein de l’établissement.
Le CESC peut ainsi décider de mettre en place spécifiquement des actions destinées à informer les adolescents sur les moyens de contraception, à mettre en garde les filles contre les grossesses précoces, à sensibiliser les adolescents sur les comportements sexistes ou homophobes, sur les violences sexuelles ou sur la maltraitance… Les élèves peuvent aussi bénéficier d’informations sur les risques liés à l’utilisation d’Internet, sur les conduites addictives et notamment sur la consommation de cannabis et d’alcool. Quant à la journée mondiale de lutte contre le sida, qui a lieu chaque année le 1er décembre, elle est souvent l’occasion pour les collèges et les lycées d’organiser des séances d’information sur les MST et sur les moyens de s’en protéger, de visiter des expositions sur le sujet, d’assister à des conférences… Ces séances doivent permettre non seulement de fournir aux élèves les informations dont ils ont besoin, de répondre aux questions qu’ils seront amenés à se poser, de libérer la parole, mais aussi de développer leur esprit critique et de les aider à faire des choix responsables. Elles peuvent aussi être l’occasion pour l’équipe enseignante de mettre à jour des problèmes médicaux ou psychologiques ou bien repérer un jeune qui se sent mal dans sa peau.
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Des grosses inégalités
Pour inculquer les bons gestes, l’Education nationale sait qu’elle doit montrer le bon exemple. Depuis 2011, les repas servis dans les cantines doivent être équilibrés. Les distributeurs de boissons et de friandises sont également interdits depuis 8 ans dans tous les établissements scolaires et la collation matinale, longtemps en vigueur dans les classes de primaire, est aujourd’hui fortement déconseillée et très encadrée. Elle ne peut avoir lieu moins de 2 heures avant le repas et ne doit être composée que d’aliments peu sucrés (eau, lait, pain…). Célébrer les anniversaires avec un gâteau et du soda n’est pas interdit, mais une circulaire ministérielle conseille de regrouper les festivités en fin de mois.
Si la volonté est réelle, les résultats, eux, ne sont pas toujours à la hauteur. Sur le terrain, on constate que la qualité des actions menées, et donc leur impact, dépend en grande partie de la motivation des enseignants et de l’implication des partenaires locaux. Alors que, sur un même sujet, certains élèves bénéficieront d’une séance complète réalisée par un intervenant extérieur, d’autres l’aborderont en quelques minutes au détour d’un cours de sciences.
Le PAI non plus n’est pas forcément la panacée. Marc se souvient en avoir rédigé un lors de l’entrée au collège de son fils Nicolas, asthmatique léger. Avant de faire machine arrière. « Il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas avoir accès à sa Ventoline quand il en avait besoin parce que l’infirmière était absente. Du coup, l’année suivante, on n’a rien dit et désormais, il garde son traitement au fond de son cartable ».
Quant aux repas des cantines, une enquête de l’UFC-Que Choisir de mars 2013 montre qu’ils sont loin d’être toujours équilibrés, notamment dans le secondaire. Dans certains lycées, la cantine traditionnelle est même concurrencée par des stands « fast-foods » ou « sandwicheries » implantés au cœur même de l’établissement ! Difficile pour certains élèves de résister… Même certaines obligations légales ne sont pas respectées. Sur l’année 2010-2011, seuls 71 % des élèves ont passé la visite médicale des 6 ans, pourtant inscrite dans les textes. Un phénomène qui s’explique en partie par le fait que 30 % des postes de médecin scolaire ne sont pas pourvus, notamment à cause de conditions de travail compliquées et de salaires insuffisants. Assurer la santé des jeunes a un prix.
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GRAND TEMOIN

Béatrice Gaultier est secrétaire générale du Syndicat national des infirmier(e)s conseiller(e)s de santé (SNICS).

En quoi est-ce le rôle de l’Education nationale de prendre en charge la santé des élèves ?

L’adolescence est une période compliquée pendant laquelle émergent des difficultés ponctuelles ou durables. C’est l’âge où les jeunes se détachent de leurs parents et se posent beaucoup de questions sur eux-mêmes et sur le monde qui les entoure. Il est indispensable que l’on prenne le temps de les écouter et qu’on apporte des réponses précises à leurs questions. 80 % des élèves qui vont voir l’infirmière n’ont pas de souci médical. Mais il est nécessaire d’être là où se trouvent les jeunes pour faire de la prévention et résoudre le plus tôt possible les problèmes susceptibles de perturber leur scolarité afin d’éviter qu’ils n’empirent. Nous faisons aussi le lien avec la famille. Avec l’accord du jeune, nous pouvons être amenées à rencontrer les parents pour les aider à aborder certains sujets avec leur enfant.


En quoi, d’après vous, les infirmières scolaires sont-elles les mieux placées pour résoudre à ces problèmes ?

Les infirmières sont des professionnelles de santé. Elles savent analyser la situation des élèves qu’elles accueillent à l’infirmerie. Selon les cas, elles les suivent elles-mêmes ou les dirigent vers l’équipe éducative, un médecin, l’assistante sociale voire des partenaires extérieurs… Les infirmières ont aussi un rôle de conseil auprès du chef d’établissement en matière de santé des élèves et participent aux réunions de suivi au sein de l’équipe éducative sans jamais trahir le secret professionnel. Les adolescents ne parlent pas de certaines choses avec leurs parents. Ils ne se voient pas non plus confier leurs états d’âme à un enseignant ou au conseiller principal d’éducation. L’infirmière garantit, grâce à la réglementation de sa profession, la possibilité de recueillir la confidence et de construire un lien de confiance indispensable pour le soin.


Les infirmières scolaires ont-elles les moyens d’assurer cette mission ?

Il arrive encore trop souvent que, faute de poste, une infirmière ne soit pas suffisamment présente sur un établissement, ce qui ne permet pas de prendre en charge des demandes d’élèves au bon moment et d’apporter les réponses adaptées. Néanmoins, les gouvernants ont toujours eu conscience, jusqu’ici, du rôle des infirmières de l’Education nationale. Ce n’est pas un hasard si, dans un contexte délicat, leur nombre a augmenté et que l’on compte aujourd’hui 7 500 infirmières scolaires pour 8 000 collèges et lycées et 55 000 écoles publiques. Pour autant, nous nous interrogeons sur l’avenir de la politique éducative et nous nous inquiétons du devenir de la santé à l’école. Les statistiques que nous faisons remonter chaque année ne sont pas analysées et la renégociation en cours des métiers de l’éducation nous inquiète. Elle doit, selon nous, conforter la politique de santé des élèves au service des objectifs de l’école. Il y a en effet un vrai besoin. Chaque année, on comptabilise 15 millions de passages dans les infirmeries des établissements scolaires.

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BIO

Béatrice Gaultier est infirmière de l’Education nationale depuis 21 ans. Auparavant, elle a exercé en milieu hospitalier et pour la médecine du travail dans une entreprise privée. Ses 11 années d’affectation dans un gros internat de Rennes (35) lui ont permis de comprendre le lien spécifique qui unit l’infirmière aux élèves et à l’équipe éducative. Elle travaille aujourd’hui dans un lycée péri-urbain de 800 élèves à Monfort-sur-Meu en Ille-et-Vilaine.

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REPERES

Des services à l’aide des parents

Les parents peuvent eux aussi demander à rencontrer l’infirmière et le médecin scolaire pour un problème concernant la scolarité de leur enfant. Pour des questions pratiques ou par peur d’être jugés, ils peuvent également trouver de l’aide auprès de différents services accessibles facilement par téléphone tels que Drogues Info Service (0 800 23 13 13), Écoute Cannabis (0 811 91 20 20), Écoute Alcool

(0 811 91 30 30), mais aussi Sida-Info-Service

(0 800 840 800) ou Fil-Santé-Jeunes (0 800 235 236). Tous les appels passés vers ces plates-formes sont gratuits depuis un poste fixe.

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POINT DE VUE

Natacha, infirmière scolaire dans l’Oise (60)

« J’occupe un poste mixte. A ce titre, je passe la moitié de mon temps dans les écoles primaires de mon secteur, principalement pour aider les médecins à réaliser les bilans de santé des 6 ans, et le reste du temps au sein de mon collège de rattachement. J’y organise des séances de sensibilisation relatives aux problèmes de santé des adolescents, j’accueille et je suis les élèves handicapés ou souffrant d’une maladie chronique.

Mais la majeure partie de mon travail consiste à recevoir les jeunes à l’infirmerie. Je soigne les bobos, les maux de tête, les brûlures… Mais surtout, je les écoute car il n’est pas rare qu’un mal de ventre cache un problème plus grave. Quelques questions suffisent généralement pour en découvrir l’origine. Mais pour recueillir ces confidences, il faut que les élèves aient confiance en moi. Ils savent que tout ce qu’ils me diront restera secret et que je ne rencontrerai leurs parents qu’avec leur accord, à moins qu’ils ne soient en danger. Dans ce cas, je n’ai pas d’autre choix que de procéder à un signalement. »

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ZOOM

Médicaments, traitements : tout n’est pas permis

Votre enfant attrape une gastro-entérite ou la varicelle ? Vous êtes tenus de prévenir l’établissement scolaire dès la première demi-journée d’absence en précisant s’il s’agit ou non d’une maladie contagieuse. Vous devez par ailleurs, lors de son retour en classe, fournir un mot précisant le motif de l’absence, accompagné, le cas échéant, d’un certificat de non-contagiosité. Si un traitement est nécessaire, celui-ci doit être effectué en priorité à la maison. L’équipe éducative ne peut administrer de médicaments qu’à titre exceptionnel et sur prescription médicale écrite, à moins que leurs noms et leur posologie ne soient précisément détaillés dans le PAI.

En cas d’urgence, les soins sont pratiqués de manière prioritaire par l’infirmière scolaire ou le titulaire d’une formation de secourisme. Un médecin ou le SAMU doivent pouvoir être joints. Et bien sûr, dans tous les cas, les parents doivent être prévenus le plus rapidement possible.

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A SAVOIR

Aménagements possibles

En fonction de sa pathologie, un élève peut bénéficier d’aménagements consignés dans le Projet d’accueil individualisé (PAI). Les asthmatiques lourds, par exemple, peuvent être dispensés de sport. Les élèves dyslexiques ou dyspraxiques, quant à eux, bénéficient d’un tiers de temps supplémentaire lors des contrôles. Pour les cas les plus lourds relevant du handicap, l’élève peut même bénéficier d’un ordinateur et de cours dématérialisés voire obtenir l’aide d’un(e) assistant(e) de vie scolaire (AVS). Si elle le juge nécessaire, l’équipe éducative peut décider d’elle-même de mettre en œuvre des mesures complémentaires. « Dans mon école, nous remettons aux élèves dyslexiques des documents écrits plus gros sur lesquels une ligne sur deux est grisée de manière à leur faciliter la lecture », témoigne une enseignante.

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Pas tous logés à la même enseigne

D’après les derniers chiffres fournis par l’Education nationale, 97 754 élèves ont bénéficié d’un Projet d’accueil individualisé (PAI) sur l’année 2010-2011. L’asthme et les allergies sont à l’origine de 63 % d’entre eux, suivis du diabète et de l’épilepsie.

Les actions de sensibilisation auraient quant à elles permis de stabiliser l’obésité chez les élèves, d’améliorer leur santé bucco-dentaire et de renforcer la vaccination contre la rougeole et l’hépatite B. La situation varie néanmoins en fonction de l’origine sociale de la famille. Ainsi, les enfants d’ouvriers mangeraient moins de fruits et légumes, boiraient plus de boissons sucrées et passeraient plus de temps devant un écran que ceux des cadres. Résultat : ils seraient deux fois et demi plus en surcharge pondérale (25 %) que les enfants de cadres (10 %) et leurs caries ne seraient pas soignées chez 30 % d’entre eux contre un peu plus de 10 % chez les enfants de cadres.

Source : « La santé des élèves de CM2, une situation contrastée », DREES, octobre 2013

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