DOSSIER

Programme Evars, mode d’emploi

463-dossier-ouverturePas moins de 48 pages explicitent le nouveau programme Evars : éducation à la vie affective et relationnelle à l’école primaire,  éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité, au collège et au lycée. Une présentation très détaillée donc, qui indique, pour chaque niveau scolaire, de la première section de maternelle jusqu’à la classe de terminale, les objectifs d’apprentissage de l’Evars. Outre les notions et compétences qui sont listées, le programme formule précisément les propositions de démarches et d’activités que les enseignants pourront utiliser pendant leurs cours.

Après avoir subi plusieurs évolutions – et autant de débats polémiques – pour aboutir à une version plus consensuelle, le programme Evars se caractérise par une approche progressive des thématiques abordées : les contenus et les modalités des séances seront adaptés à l’âge et à la maturité des élèves.

Mis en œuvre à la prochaine rentrée, l’enseignement de ce programme se déroulera « au travers d’au moins trois séances annuelles spécifiques obligatoires ». Quant aux parents, ils seront « informés des objectifs d’apprentissage annuels de cette éducation ».  Une information dont les modalités « seront laissées à l’initiative de chaque école et établissement ».

 

«Un programme équilibré, qui s’appuie sur une expertise scientifique au sens large du terme, qui a fait l’objet d’une concertation qui a duré dans le temps et a permis d’aborder tous les sujets ». Telle est la présentation faite par le ministère de l’Education nationale du programme « Evars » (à découvrir ICI), éducation à la vie affective et relationnelle (dans les écoles), éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (dans les collèges et les lycées). « Equilibré », « expertise », « concertation »… Les termes employés ne doivent rien au hasard – après des débats pour le moins houleux autour de la rédaction de ce programme – et tendent vers le consensus.

Pour autant, comme le souligne la secrétaire générale adjointe de la Fédération PEEP, Marie-Françoise Wittrant, la mise en application de ce programme Evars (lire ICI la circulaire de mise en œuvre de l’Evars) amène à la vigilance sur certains points (formation des enseignants, information et place des parents, intervenants extérieurs…) et devra être suivie avec attention (lire son interview plus bas).

 

Quel cadre ?

A partir de la rentrée, le programme Evars sera donc enseigné à tous les élèves, de la maternelle au lycée, à raison de 3 séances annuelles – des séances de deux heures sont recommandées.

Si les enseignants ont la responsabilité première de ces séances, « chaque fois que cela est possible, elles sont mises en œuvre en co-responsabilité avec les personnels éducatifs, sociaux et de santé de l’éducation nationale ».

Dans le secondaire, des membres d’associations agréées ou d’institutions partenaires pourront également intervenir. A savoir, dans tous les cas, lors de ces séances menées conjointement, un membre de l’équipe éducative doit être présent.

 

dossier-463-page-2Que vont-ils apprendre ?

La progressivité des apprentissages est un principe directeur de l’Evars. En primaire, elle prend la forme d’une éducation

à la vie affective et relationnelle axée sur le développement de l’enfant et des relations sociales : « Elle aide les enfants à comprendre les transformations de leur propre corps et celui des autres, à développer le respect de l’intimité et des droits de chaque personne ».

A partir du collège, l’éducation à la sexualité, qui vient en complément de la vie affective et relationnelle, apporte « des informations adaptées à l’âge des élèves sur leur santé, leurs droits, et les comportements ou relations responsables ».

 

Quelle application ? Quel suivi ?

Qu’en sera-t-il de l’application du programme à la rentrée ? On est en droit de s’interroger… Les chiffres – officiels, issus d’un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche en 2021  – sont en effet implacables : 15 % des élèves bénéficient d’une éducation à la sexualité, un enseignement obligatoire depuis la loi n°2001-588 du 4 juillet 2001. A l’initiative du programme Evars, l’ancien ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, souhaitait la création « d’un comité de liaison réunissant l’ensemble des acteurs mobilisés, dont notamment les associations du secteur, les fédérations de parents d’élèves et les jeunes eux-mêmes » afin de « recueillir les retours de terrain sur les interventions dispensées dans les établissements ». La mise en place d’un tel comité de suivi pour évaluer ce nouveau programme – et permettre de le faire évoluer si besoin – apparaît en effet indispensable.

 

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Programme Evars : un « accouchement » en longueur

Plus de deux ans : c’est le temps qu’il aura fallu pour que le nouveau programme Evars voit le jour. C’est en effet le 23 juin 2023, à l’initiative du ministre de l’Education nationale de l’époque, Pap Ndiaye, que le conseil supérieur des programmes a été saisi pour élaborer un programme pour couvrir les trois champs de l’éducation à la sexualité : biologique, psycho-émotionnel et juridique et social.

Parmi les lignes directrices données, il devait être accordé « une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement ».

Un texte final consensuel

Depuis cette « mise en chantier », 5 ministres de l’Education nationale se sont succédé, plusieurs versions du texte ont été discutées, revues et corrigées – les débats et polémiques n’ont pas manqué…

Au final, la version définitive du nouveau programme d’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité, a recueilli une large adhésion. En témoigne le vote lors de l’examen du texte au conseil supérieur de l’éducation (CSE), le 30 janvier dernier : 58 voix pour la validation, dont celle de la Fédération PEEP, 0 contre et 7 abstentions.

 

Informer sur les règles, dès le CM2

Le nouveau programme Evars prévoit une première information sur les règles à la fin de l’école primaire, pendant l’année de CM2. Les notions à transmettre : « Apprendre scientifiquement ce que sont les menstruations (règles) et qu’elles sont une composante normale et naturelle du développement physique des filles, et ne doivent pas faire l’objet de tabous ou de moqueries ».

vignette-vdp-456L’enseignant est invité à décrire expliquer « les changements physiques liés à la puberté, le mécanisme des règles et l’impact sur la vie quotidienne ».

Pour en savoir plus sur le sujet des règles douloureuses (Pour 8 filles sur 10, avoir ses règles à l’école est un facteur de stress ; une fille sur trois a déjà manqué l’école à cause de ses règles !), retrouvez notre dossier « Règles et scolarité : informer, accompagner », paru dans le numéro de juin 2024 de La Voix des Parents.

 

Prévenir les violences sexuelles intrafamiliales

dossier-463-violence-sexuelLa réalité est terrible : 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année. Un chiffre dévoilé par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), après 3 ans de travaux.

Depuis quelques années maintenant, les pouvoirs publics ont accentué la lutte contre ces violences sexuelles et en particulier contre l’inceste, les violences sexuelles intrafamiliales. Ainsi, la loi n° 2024-233 du 18 mars 2024 est venue renforcer les dispositifs existants, pour protéger les enfants victimes d’incestes et de crimes, en prévoyant des mesures majeures pour restreindre l’autorité parentale : désormais, la loi rend systématique la suspension des droits d’hébergement et de visite pour les parents violents placés sous contrôle judiciaire.

463-vademecum-violenSur l’aspect prévention des violences sexuelles intrafamiliales, l’école s’est aussi engagée. Le ministère a publié un vademecum à destination de l’ensemble des professionnels de l’Éducation nationale : « Violences sexuelles intrafamiliales : comprendre, prévenir, repérer et agir » (document à consulter ICI).

Parmi ses objectifs, le programme Evars prévoit une prévention des différentes formes de violences, notamment des violences sexistes et sexuelles, en particulier en CM2 : les élèves vont apprendre « qu’il existe des mots et des gestes qui constituent des violences : violences verbales, physiques, psychologiques, sexistes, sexuelles (dont l’inceste) ». Autres compétences enseignées en CM2 : savoir identifier ces situations de violence et percevoir les relations d’emprise. Pendant cette année de CM2, les élèves prendront aussi connaissance des numéros d’urgence : le 119 (enfance en danger) ou le 30 18 (harcèlement).

En 5e, les séances d’Evars aborderont également ces thématiques, avec pour principal objectif d’apprentissage : « Développer librement sa personnalité sans se sentir obligé ou contraint ».

 

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Ra-2022---wittrantInterview : Marie-Françoise Wittrant, secrétaire générale adjointe de la Fédération PEEP, responsable du GSP, Groupe Santé Prévention

« L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur toute idéologie »

 

Quel regard global portez-vous sur le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité, dit Evars ?

Obligatoire à l’école depuis plus de vingt ans, cette éducation fait pour la première fois l’objet d’un programme clair sur ces sujets. Il ne s’agit pas uniquement d’une question de prévention des maladies sexuellement transmissibles ou de pratiques contraceptives, mais bien d’une approche globale de la vie affective dans ses dimensions physiques, mentales et sociales.

Si les parents ont un rôle fondamental, l’Ecole, au sens large, doit permettre à chaque jeune d’acquérir et de développer des compétences psychosociales nécessaires à une vie épanouie. Des compétences qui ont pour ambition de permettre à l’enfant de développer son discernement et sa prise de conscience pour le respect du corps, de l’intimité, pour l’indispensable éducation au consentement, à l’égalité entre filles et garçons, etc.

Cependant la lecture du programme nous amène à être vigilants sur sa mise en œuvre à la rentrée 2025…

 

Sur quels points en particulier ?

La circulaire relative à l’application de l’EVARS indique que les parents sont informés des objectifs d’apprentissage annuels selon des modalités définies par chaque établissement. Les interventions de partenaires extérieurs relèvent de la responsabilité du chef d’établissement en lien avec l’équipe éducative. Par ailleurs, la formation des enseignants n’est pas explicitement mentionnée dans la circulaire, ce que la PEEP regrette. Elle semble dépendre de l’initiative du chef d’établissement et de l’engagement des professeurs.

 

Et sur le programme en lui-même ?

Le programme ne peut pas se substituer à l’éducation des parents : « Les familles sont les premiers éducateurs de leurs enfants » et certains points, termes, de ce programme peuvent encore heurter l’action éducative des familles. La communauté éducative doit l’entendre, le respecter. Entendre et respecter ne sous-entendent pas ne pas appliquer le programme, mais bien associer les parents afin que les incompréhensions ou maladresses soient levées.

 

Justement, des critiques / polémiques ont entouré la rédaction de ce programme…

Ce qui est extraordinaire, c’est que le contenu du programme  s’est résumé à une question de principe : « EVARS ou pas EVARS » ! Il est dommage que l’on ne puisse pas avoir de débats apaisés, constructifs sur ces sujets-là. Or, la réalité est glaçante : toutes les trois minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle,  2,3 millions de mineurs sont exposés chaque mois à la pornographie !

L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur toute idéologie ou programme éducatif intrusif et, pourtant, des prises de position extrêmes se sont affrontées et s’affrontent encore ; le programme aurait dû peut-être mieux prendre en compte « la singularité des enfants » et reconnaître « la responsabilité première des parents sur ces sujets ».

 

Des parents se sont inquiétés de certains contenus potentiels…

Avoir peur pour ses enfants est une chose incontournable et notre époque pose le cadre de nombreuses inquiétudes ! La plupart des parents interrogés semblaient découvrir le sujet de l’Evars suite aux débats idéologiques qui ont eu lieu dans les médias. Pour les autres, les avis restent relativement variés, il était important que la ministre de l’Education nationale entende les quelques points de crispation en améliorant le texte qui a été proposé au CSE.

 

Plus globalement, au-delà de l’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité, comment jugez-vous l’éducation à la santé à l’école ?

L’éducation à la santé constitue un facteur essentiel de bien-être des élèves, de réussite scolaire et d’équité.

L’école est le lieu le plus favorable à cela : d’une part, l’élève y passe plus d’un tiers de son temps ; d’autre part, elle est le lieu le plus indiqué pour une éducation , une prévention égalitaire des connaissances et comportements favorables à la santé, en s’adressant aux élèves issus de différents milieux familiaux et socio-économiques.

On y apprend à prendre soin de soi et des autres, à éviter les conduites à risques. Mais des indicateurs de santé demeurent négligés. Je citerai, par exemple, la prévention du décrochage scolaire, la prise en charge des troubles neuro développementaux…

Il faudrait également une meilleure information sur des thématiques de santé aussi diverses que la santé bucco-dentaire, les risques liés aux jeux de hasard et d’argent, une réelle prévention autour des « jeux dangereux ».

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