DOSSIER

Quel enseignement au numérique ?

HD-432---dossier-ouvertureDepuis plusieurs années déjà, l’Ecole forme les élèves aux outils numériques. Cet enseignement, qui concerne tous les élèves, dès le primaire, est dispensé dans le cadre de plusieurs champs disciplinaires. Aujourd’hui, cet apprentissage essentiel bénéficie d’une nouvelle articulation. La maîtrise de ces outils est désormais structurée autour d’un cadre de référence des compétences numériques (CRCN). Former, mais aussi évaluer. Ainsi, depuis cette année, les élèves de 3e et de terminale passent la « certification PIX », qui va mesurer leurs connaissances et compétences numériques.

Reste un écueil à éviter : la fracture numérique entre élèves. Pour réduire ces inégalités, les équipements et matériels doivent être équitablement déployés, sur tous les territoires, et les enseignants bien formés eux aussi à ces outils numériques. Au même titre que la maîtrise d’une langue étrangère, savoir bien utiliser les outils numériques est indispensable pour les jeunes avant leurs premiers pas dans le monde professionnel d’aujourd’hui.

 

«La formation à l’utilisation responsable des outils et des ressources numériques est dispensée dans les écoles et les établissements d’enseignement. » L’article L312-9 du Code de l’Education donne comme mission à l’Ecole d’apprendre aux élèves le bon usage des outils numériques. Comme l’éducation à l’environnement et au développement durable (lire notre dossier de La Voix des Parents n° 431), cet enseignement se fait de manière transversale, par le biais de plusieurs disciplines, à tous les niveaux de la scolarité, du primaire au lycée.

Au collège, puis au lycée, cet enseignement se structure également autour de l’apprentissage du codage (programmation informatique) – dont l’initiation est encouragée au primaire –, et en classe de seconde générale et technologique, depuis la réforme du lycée, tous les lycéens bénéficient même d’un cours spécifique de SNT, Sciences numériques et technologie, à raison d’1 h 30 par semaine.

 

Un nouveau cadre de référence

CRCN : cadre de référence des compétences numériques. Depuis 2019, ce référentiel élaboré par le ministère de l’Education nationale précise les compétences numériques attendues pour les élèves de l’école primaire, du collège et du lycée – des compétences évaluées et certifiées pour les collégiens de 3  et les lycéens de terminale (lire en encadré).

Le CRCN fixe 16 compétences dans 5 domaines d’activité : Informations et données, Communication et collaboration, Création de contenus, Protection et sécurité, et Environnement numérique. Par exemple, dans le domaine 3, Créations de contenus, existe la compétence « Développer des documents textuels ». En pratique, comme il est inscrit dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (que les élèves doivent maîtriser à la fin du cycle 4, en 3e), on demande aux élèves d’être en capacité de « produire des documents à contenu majoritairement textuel pour communiquer des idées, rendre compte et valoriser ses travaux (avec des logiciels de traitement de texte, de présentation, de création de page web…) ».

Cette compétence s’échelonne avec 5 niveaux d’acquisition (qui sont autant de repères dans l’acquisition progressive par les élèves pendant leur scolarité) ; ainsi, le premier niveau consiste à « Utiliser les fonctions simples d’un traitement de texte », le niveau 4 à « Importer, éditer et modifier des contenus existants en y intégrant de nouveaux objets numériques », et le niveau 5 à « Choisir le format de diffusion d’une publication en ligne ».

 

HD-432---dossier-pixMise en œuvre… inégale ?

Cette éducation au numérique, inscrite dans les programmes, dépend néanmoins de plusieurs facteurs pour être véritablement efficace et égale pour tous les élèves. Tout d’abord, elle tient aux enseignants. Formation et motivation doivent être au rendez-vous ! Un enseignant motivé par le numérique, qui lui-même y a recours dans ses enseignements, en particulier au primaire, pourra transmettre plus aisément et efficacement les « savoirs numériques » à ses élèves. Quant à la question de la formation, essentielle, des mises à niveau sont prévues par l’Education nationale. On l’a vu pendant la période d’enseignement à distance que nous avons connue, il existe de fortes disparités quant au niveau de maîtrise des outils numériques chez les enseignants…

 

La question du matériel

Enfin, le dernier point, majeur également, concerne les questions d’équipement, qui dépendent en grande partie des collectivités territoriales. Là également, les inégalités sont de mise, comme le montre la dernière enquête officielle en date, celle de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance), « Géographie de l’École 2021 ». Ainsi, selon les départements, le nombre d’ordinateurs pour 100 élèves dans les écoles élémentaires va de moins de 2 à Mayotte à 30 en Lozère et 35 dans le Territoire de Belfort ! D’une manière générale, on compte davantage d’équipement informatique pour les écoles élémentaires des départements ruraux que les départements englobant de grandes agglomérations, telles celles de Lyon, Lille, Marseille, Strasbourg, Nantes, Rennes, Bordeaux, Montpellier et Grenoble, qui comptent moins de 14 ordinateurs pour 100 élèves.

On constate également des disparités géographiques d’équipement informatique pour les collèges, comme pour les lycées. Au niveau national, les lycées sont néanmoins nettement mieux équipés en moyenne en ordinateurs que les collèges : 47 ordinateurs pour 100 élèves (contre 34 dans les collèges).

On le voit, si l’enseignement du numérique est bien engagé à l’école, des inégalités restent à gommer. Dans tous les cas, l’apprentissage du numérique passe aussi par la case famille, à la maison, où les parents ont un rôle important pour transmettre les bonnes pratiques, « pour un usage raisonné et réfléchi », comme l’indique notre Grand Témoin, Emmanuel Gaunard, ambassadeur PIX dans l’académie de Grenoble (lire son interview plus bas).

 

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ZOOM

Pix, le nouvel outil pour valider les compétences numériques des élèves

PIX, le service public en ligne pour tester, développer et certifier ses compétences numériques, a été déployé dans les établissements scolaires lors de la rentrée 2020/2021 dans le but d’éduquer les plus jeunes aux enjeux du numérique. Les compétences numériques que devront progressivement acquérir les élèves sont classées dans 5 grands domaines (avec plusieurs niveaux de maîtrise suivant les niveaux de scolarité) en lien avec le cadre de référence des compétences numériques (CRCN).

Avec l’appui de cette plateforme PIX, les enseignants peuvent organiser des « parcours » permettant d’identifier le niveau et les besoins en matière de compétences numériques de tous les élèves, de tous les niveaux d’enseignement, du collège et du lycée.

Cette par cette plateforme qu’est délivrée aux élèves de 3e, en fin de cycle 4, et aux élèves de terminale, en fin de cycle terminal, une certification de leur niveau de maîtrise des compétences numériques.

Notez par ailleurs que la plateforme PIX est accessible gratuitement à titre individuel à tous, élève ou non.

 

Numérique et citoyenneté, avec l’EMI

Le numérique est un outil, qui prend chaque jour une place prépondérante, mais c’est également aujourd’hui le support principal des médias, qu’ils soient informatifs ou distractifs. Présente dans tous les champs du savoir transmis aux élèves, l’EMI, l’Éducation aux médias et à l’information, est prise en charge par tous les enseignements, à l’école primaire, au collège et au lycée.

Grâce à l’EMI, les élèves vont être apprendre les bons usages des médias numériques, à savoir :

– utiliser les médias de manière autonome ;

– exploiter l’information de manière raisonnable ;

– utiliser les médias de manière responsable ;

– produire, communiquer, partager des informations.

A une époque où les réseaux sociaux sont la source d’information principale des jeunes, des réseaux sociaux souvent riches en « fake news » (fausses informations), l’EMI contribue à développer la citoyenneté numérique des élèves et leur esprit critique.

 

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INTERVIEW

Emmanuel GAUNARD, enseignant et ambassadeur PIX dans l’académie de Grenoble

« En matière d’utilisation des écrans numériques, les bonnes habitudes se prennent à la maison ! »

Les élèves d’aujourd’hui sont nés avec internet, ils passent une grande partie de leur temps devant les écrans connectés, smartphone en tête. En quoi on-ils besoin d’être formé au numérique ? Seulement pour apprendre les pratiques sécures ?

Les élèves connaissent bien le numérique ludique : prendre une photo, une vidéo, jouer à un jeu sur smartphone, converser avec des amis sur des réseaux sociaux comme Whatsapp, Instagram, Tik Tok, Snapchat… Toutefois, un vrai besoin se fait ressentir dans la gestion de leur consommation au numérique.

Prenons l’exemple de la crise sanitaire qui a mis au-devant de la scène des applications de messagerie instantanée dans les foyers, et en particulier Whatsapp appartenant au groupe Meta (ex Facebook). Ce réseau social, littéralement parlant, peut sembler plus « doux » que son grand frère Facebook et sa petite sœur Instagram : pas de fil d’actualité, cercle restreint, pas de stories… Et pourtant, les interactions sociales qui en découlent se transposent à celles de la classe. On retrouve des histoires de harcèlement : un élève ne peut pas être intégré au « groupe classe » dont aucune règle n’a été édictée. En parallèle, les notifications explosent sur les écrans et les sollicitent fréquemment.

Cette problématique fait partie des enjeux travaillés dans les 16 compétences numériques décrites par le CRCN (Cadre de Référence des Compétences Numériques) : entre autres, Mener une recherche et une veille d’information, Gérer des données, Programmer, Protéger les données personnelles et la vie privée, Partager et publier, Sécuriser l’environnement numérique, Interagir, etc.

Former les élèves au numérique, c’est donc leur donner des outils et des clés de compréhension sur chacune de ces compétences.

 

Comment s’organise l’enseignement au numérique à l’école, du primaire au lycée. Est-ce un apprentissage transversal ? Ou un enseignement spécifique avec un programme et un horaire dédié ?

L’enseignement du numérique est globalement transversal à l’école et au collège ; la technologie est une discipline importante dans ces usages.

Les programmes disciplinaires font tous appel au numérique lorsque cela est pertinent dans l’apprentissage de élèves. Le numérique est un outil qui permet alors de découvrir, d’approfondir ou de renforcer des acquis.

Au lycée, le travail transversal est complété par la discipline SNT (en 2nde GT) et des spécialités en lien format avec le numérique comme NSI (Numérique et sciences informatiques).

 

Cet apprentissage dépend notamment de deux grands facteurs : les équipements, ordinateurs et tablettes principalement, et la formation des enseignants au numérique. Cela ne crée-t-il pas inévitablement des inégalités ?

Les établissements recevant des dotations en matériel reçoivent la plupart du temps, ou peuvent demander, des formations présentant des pratiques pédagogiques transversales.

Les collectivités sont très engagées pour doter les établissements en matériels et la couverture en matériels numériques augmente dans les territoires. Tout ce travail et cet engagement permet aux élèves de créer une situation d’égalité.

 

En matière d’éducation au numérique, quel rôle des parents peuvent-ils jouer ?

Je conseille aux parents d’être le plus vigilant possible quant à l’utilisation des réseaux sociaux par leurs enfants : Whatsapp, Instagram, Tik Tok, Snapchat…

La première question de la possession d’un compte doit se poser en famille : est-ce judicieux à cet âge-là ? Quels sont les avantages/inconvénients de posséder un compte (dépendance, notification…) ? Est-ce indispensable pour communiquer ?

Dans un autre temps, si un compte est créé, j’invite les familles à discuter avec leurs enfants de ce qu’il se passe dessus : interactions, gestion des notifications, dépendance des écrans…

Je conseille également aux parents d’être les plus exemplaires possible lorsqu’ils « pratiquent » du numérique au quotidien face à leurs enfants. Les bonnes habitudes se prennent à la maison : pas d’écran pendant un repas, arrêter les écrans à un horaire donné pour les adultes et pour les enfants… Il peut alors convenir de se fixer des règles de bonnes pratiques pour un usage raisonné et réfléchi.

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